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Interrogé par McKinsey sur les facteurs qui sous-tendent la performance, Christopher Ailman, directeur des investissements du California State Teachers’ Retirement Fund (CalSTRS), estime que celle-ci repose notamment sur des facteurs tels que la culture, la diversification et une faible rotation des cadres.

Être performant malgré la volatilité des marchés

Même avec ses près de quatre décennies de carrière en tant qu’investisseur institutionnel d’expérience, Christopher Ailman reste humble, un atout considérable pour réussir dans le métier selon lui. Questionné sur les leçons qu’il tire de la pandémie et à comment agir maintenant, il avoue ainsi d’emblée ne pas avoir beaucoup d’expérience en matière de redémarrage d’une économie après une épidémie.

Il souligne toutefois que l’économie n’est pas encore dans un état stable, mais que certaines vieilles règles sont de nouveau pertinentes, notamment le fait de ne pas lutter contre la Réserve fédérale américaine et donc de prêter attention à ses décisions en matière de taux d’intérêt avant d’essayer de lire l’économie.

Face à la courbe de rendement inversé, il a également quelques recommandations. Selon lui, le moment est idéal pour s’intéresser aux titres à revenu fixe et au crédit privé, qui « semblent très attrayants ». Le moment est donc venu d’enfin équilibrer ses portefeuilles. Toutefois, un défi reste : le coût élevé du financement.

Pour cette raison, le marché est en quelque sorte bloqué. « Personne ne négocie et rien ne bouge. Les gens à qui je parle sont très optimistes sur les valorisations, mais ils ne font pas beaucoup de transactions. Ils recyclent et conservent leurs entreprises. Je pense qu’il devrait y avoir un dégel, mais il faudra peut-être une récession pour que cela se produise », observe-t-il.

Du côté des marchés privés en 2024, il espère un équilibre entre l’achat et la vente d’entreprise et un flux de marché traditionnel. « Si les gestionnaires se contentent de tirer le capital et de commencer à investir et à acheter des entreprises, nombre d’entre nous dépasseront largement leur allocation », prévient-il.

Il note que pour le moment les gens avancent à tâtons et que les liquidités continuent d’être limitées.

Mais du côté des bonnes nouvelles, il relève que le fonds souverain de Norvège envisage pour la première fois d’investir dans le capital-investissement ce qui pourrait injecter des milliards de dollars d’argent dans le capital-investissement et donc potentiellement « dégeler » la situation.

Diversifier, oui, mais pas trop

Christopher Ailman recommande évidemment la diversification, mais pas à outrance. Il souligne ainsi que le CalSTRS est exposé à 42 pays, ce qui est peut-être beaucoup. « Je peux vous dire que les pays numérotés 40, 41 et 42 ne vont pas faire bouger l’aiguille pour nous », commente-t-il.

Il recommande aussi de ne pas prendre trop d’avance sur les tendances. Par exemple sur la question de la transition énergétique.

« Je l’ai dit un million de fois : il est impossible de distinguer le fait d’avoir raison trop tôt de celui d’avoir tort. »

On peut distinguer des tendances du marché, mais si on se lance dedans avec cinq ans d’avance, c’est la même chose que d’avoir tort, prévient-il. « C’est une question de timing et de taille. Et c’est ce qui rend un marché de l’investissement vraiment difficile », rappelle-t-il.

Quant au fait d’être tiraillé entre ce qui est bon pour les investissements et ce qui est bon pour la planète, Christopher Ailman tranche rapidement la question. Le but est de gagner de l’argent aujourd’hui évidemment, mais également dans 30 ans, et sans planète, cela n’est pas possible. « Si le monde décide d’ignorer l’accumulation de carbone dans l’atmosphère et de ne pas changer notre mode de vie, nous allons détruire l’environnement d’investissement », résume-t-il.

Il est donc important de prendre en compte la transition énergétique, au risque de devoir se contenter de rendements très faibles dans le futur en raison de tous les risques et de l’atténuation des phénomènes météorologiques extrêmes.

« Collaboration », le mot d’ordre

Christopher Ailman explique que récemment il a eu une révélation en rapport avec la collaboration. Parfois, il est bon de s’associer avec ses concurrents ou d’autres entreprises au lieu de tenter de s’y opposer.

Cela permet de mieux avancer et crée de nouvelles opportunités plus rentables à long terme.

Cela se constate au bureau. Il est bon d’avoir une bonne ambiance au bureau pour éviter un gros roulement de personnel notamment au niveau des cadres. Si les équipes ne cessent de changer, cela freine le travail et si ce sont les cadres qui se succèdent sans arrêt, il est très difficile de faire avancer les choses. Tout le monde est alors obligé de continuellement se réadapter, ce qui est très mauvais pour l’entreprise au final.

En revanche, un cahier des charges cohérent attire les talents et fait en sorte que les collaborateurs peuvent travailler sur ce qu’ils ont à faire.

« Orientez-les dans la bonne direction, donnez-leur les bons outils et ne les gênez pas. »

Ce qui explique souvent l’alpha dans une entreprise, c’est sa culture. « Il s’agit des personnes, des processus et de la philosophie. La culture peut être un système d’étoiles ou une structure de travail en équipe, mais lorsqu’elle change, l’alpha disparaît. »

Des conseils pour la relève

Son premier conseil est évidemment d’acheter à bas prix et de vendre à prix élevé.

Son deuxième reste de toujours faire preuve d’humilité. « Ce n’est pas parce que vous le dites que vous avez raison », rappelle-t-il.

Il est également bon de toujours essayer de se développer davantage et de toujours chercher à apprendre, car les choses vont changer qu’on le veuille ou non.