« Je rencontre beaucoup de gens qui appliquent ce que j’appelle la « pensée magique » dans mon travail, explique Julie Carrier, conseillère en sécurité financière pour la Financière Sun Life à Lévis. Ils pensent qu’ils vont mourir avant d’avoir besoin de soins ou que l’État, ou encore leurs enfants, prendront soin d’eux!»
Abattre les mythes
Très souvent, les clients se croient à l’abri du danger quand, dans les faits, ce n’est pas le cas. En premier lieu, certains clients croient que leur régime d’assurances collectives les couvrira en cas de besoin de soins de longue durée. Un petit détour par le département des ressources humaines s’impose parfois pour mettre à jour les connaissances des clients.
« J’ai déjà regardé la chose avec une cliente enseignante et, dans les faits, elle était couverte pour trois mois de maintien à domicile et quatre mois de soins en établissement, raconte Julie Carrier. Les gens sont parfois surpris des résultats! Ça vaut la peine d’aller chercher les documents et de voir combien le client paie et ce qu’il reçoit en retour. »
Beaucoup de clients pensent aussi que le gouvernement contribuera généreusement au paiement de leurs soins de longue durée. Dans les faits, le gouvernement du Québec ne paie que 15 % des coûts des soins à domicile. Même si le gouvernement québécois envisage éventuellement de faire passer cette proportion de 15 à 40 %, c’est loin d’être chose faite.
Selon la Régie de l’assurance maladie du Québec, en 2013, une chambre standard de trois lits dans un CHSLD est offerte à un tarif mensuel de 1 083 $, une chambre à deux lits coûte 1 456 $ par mois alors que les coûts pour une chambre individuelle s’élèvent à 1 742 $ par mois. En 2010, il pouvait en coûter entre 795 et 4 975 $ par mois pour une chambre à un lit dans un établissement privé et entre 1 530 et 4 675 $ par mois pour un logement, les frais variant selon le niveau de soin nécessaire.
Un cas vécu vaut mille mots
Comme dans beaucoup de cas en assurance, lorsqu’un client connaît un proche qui a eu besoin d’un produit, il est beaucoup plus facile de lui en faire comprendre l’utilité, comme l’illustre Monette Malewski, conseillère en sécurité financière et présidente du Groupe M Bacal : « Je demande d’emblée au client s’il connaît quelqu’un qui s’est retrouvé dans cette situation. Qu’est-ce qui est arrivé à la personne et à sa famille? Quel âge avait cette personne et quels étaient ses besoins? »
Si le client n’a pas de proche qui a eu besoin de soins de longue durée, lui faire peur en parlant de « perte d’autonomie, de CHSLD ou de perte d’indépendance n’est pas nécessairement la solution », selon Nathalie Tremblay, chef de produits d’assurance santé chez Desjardins Sécurité Financière (DSF).
« Les conseillers doivent faire preuve d’esprit de vente. Prenez l’exemple des culottes d’incontinence pour adulte et de leurs publicités à la télévision, dit-elle. On montre un porte-parole sportif et on utilise le bon langage pour parler au consommateur en évitant de parler de « couches ». Par exemple, pour l’assurance soins de longue durée, on parlera donc de « prendre soin de soi » et « d’aide pour maintenir sa dignité ». »
Monette Malewski a plusieurs histoires à raconter à ses clients pour les convaincre de l’importance de l’assurance soins de longue durée : « Durant quatre mois, mon mari a eu besoin de soins palliatifs et je peux vous dire que c’était un fardeau financier très important. J’ai aussi un client dont la femme souffrait de démence et qui devait débourser près de 70 000$ par année pour des soins à la maison.»
Il était une fois…
Les tests de résistance ne sont pas seulement bons pour déterminer si une banques pourrait résister à un choc financier important. Ils sont également utiles pour démontrer à un client l’impact qu’auraient des frais de soins sur son avenir. Plusieurs assureurs offrent des grilles de référence pour chiffrer les coûts des soins à domiciles.
Par exemple, Manuvie évaluait en 2010 qu’il en coûtait entre 17,00 et 75,00 $ par heure pour des soins palliatifs. Les soins personnels comme le bain ou l’habillage coûtaient quant à eux entre 12,00 et 25,65 $ de l’heure. Ces coûts peuvent par la suite être reportés sur plusieurs mois ou une année complète afin que le client comprenne mieux l’impact sur son budget.
« Ça vaut la peine de regarder quel serait l’impact de 2000 $ de plus de frais médicaux par mois sur l’épargne retraite d’un client à 75 ans, suggère Nathalie Tremblay. Les chiffres vont parler d’eux-mêmes, l’épargne retraite s’épuisera rapidement et conjoint survivant va manquer de sous. »
On peut aussi utiliser les rendements réalisés par le portefeuille de placement du client pour lui montrer qu’il a bien les moyens de se payer une assurance soins de longue durée, comme le propose Nathalie Tremblay.
« Si le portefeuille d’épargne est important, le conseiller peut demander à son client : « Est-ce que ça serait très grave si votre rendement était 1 % plus faible? » Si le client répond non, le conseiller peut lui proposer de renoncer à ce pourcentage pour le consacrer à l’achat d’une police d’assurance soins de longue durée. »
En effet, en s’assurant que les soins médicaux d’un client seront financés par une police d’assurance, on protège la retraite et la qualité de vie de son conjoint. D’ailleurs, selon Dominic Paquette, président de Partenaire-Conseils et conseiller en sécurité financière, les couples seraient plus intéressés que les célibataires par ce genre de produit.
« Je n’ai pas fait d’étude scientifique, mais dans ma pratique les clients les plus intéressés sont les couples, souligne-t-il. Ils ne voient pas monsieur ou madame prendre soin l’un de l’autre et se disent: « Je ne veux pas que ce soit mon conjoint à mon chevet en train de me nourrir et ainsi de suite ». »
Avec Guillaume Poulin-Goyer
Photo Bloomberg