Devant l’ampleur de la crise des finances publiques provoquée par la pandémie de COVID-19, un regroupement d’experts formé par l’Institut du Québec (IDQ) et l’Association des économistes québécois suggère au gouvernement Legault d’opter pour la souplesse, même si cela signifie d’allonger la trajectoire du retour à l’équilibre budgétaire.
Le rapport « Entre souplesse et prudence – Pistes de réflexion pour moderniser la politique budgétaire du Québec », publié mardi, se penche sur diverses options, qui vont jusqu’à une suspension temporaire des sommes habituellement destinées au Fonds des générations, un outil visant à réduire l’endettement de la province.
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« L’idée, c’est de s’assurer qu’il y ait une certaine souplesse dans (les lois actuelles) pour éviter que l’application ne soit encore plus néfaste pour l’économie et les soins à la population », a expliqué en entrevue la présidente-directrice générale de l’IDQ, Mia Homsy.
Par exemple, plutôt que de réduire les services ou d’augmenter davantage le fardeau fiscal des contribuables, le retour à l’équilibre budgétaire pourrait être repoussé d’une année ou deux, avance-t-on dans le document.
Le gouvernement Legault anticipe un déficit de 15 milliards de dollars (G$) dans le prochain budget, ce qui tient compte d’un versement de 2,7 G$ au Fonds des générations. Pour les deux exercices financiers suivants, les manques à gagner seront respectivement de 8,25 G$ et 7 G$.
Néanmoins, plus tôt ce mois-ci, le ministre des Finances, Eric Girard, avait réitéré sa volonté de respecter la Loi sur l’équilibre budgétaire obligeant les gouvernements à résorber les déficits sur une période maximale de cinq ans. Le grand argentier de la province devrait faire connaître sa trajectoire dans son prochain budget. Eric Girard a estimé que le « déficit structurel » à combler, celui une fois la récession terminée, oscillera entre 6 G$ et 7 G$.
« Le ministère des Finances le montre lui-même dans ses documents: il faudra des conditions extrêmement favorables pour atteindre l’équilibre en 2025-2026 », a dit Mia Homsy.
Les experts proposent également de donner « davantage de latitude » aux Lois sur l’équilibre budgétaire et Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Il serait possible, notamment, de fixer une « nouvelle cible d’endettement à respecter à moyen terme » par rapport à celle de cinq ans actuellement.
Toutefois, si on permet d’accroître l’endettement en période de crise, il faudrait également s’assurer « de le réduire en période de croissance économique », souligne le rapport.
Suspension temporaire
Quant au Fonds des générations, d’ici 2022-2023, environ 9 G$ pourraient être récupérés pour faire face à des obligations non récurrentes.
« Si c’est utilisé pour de nouvelles dépenses qui vont revenir, cela ne fonctionnera pas, a prévenu Mia Homsy. On va alors créer un problème. Mais si on souhaite aider certains secteurs, épauler des travailleurs à faire de la formation pour se replacer ailleurs, c’est correct. »
Le Fonds des générations doit toutefois demeurer en place et on ne doit pas détourner les sommes qui s’y trouvent, et ce, afin de maintenir la « confiance des investisseurs » et la « crédibilité du Québec auprès des agences de notation ».
Mia Homsy a précisé que le rapport était en quelque sorte un « buffet ». Il est possible de s’inspirer d’une suggestion, mais il ne faut pas non plus tout mettre de l’avant.
Le rapport souligne également que l’endettement visant à financer des infrastructures « productives et rentables » est « essentiel » pour relancer l’économie, mais que Québec devra faire preuve de « rigueur » en sélectionnant les « projets les plus rentables socialement ». Le déficit d’entretien des infrastructures atteindra 28,2 G$ cette année et est appelé à augmenter, prévient-on.
Cet aspect devra également faire partie de la réflexion du gouvernement provincial en matière d’endettement.