Dans une lettre qu’elle a transmise le 20 janvier au sénateur Percy Downe, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, indiquait que son ministère tenterait de calculer la valeur de l’« écart fiscal », soit la différence entre les impôts qui sont dus et ceux qui sont vraiment perçus.
Le sénateur de Charlottetown réagissait ainsi à l’annonce de la fuite de quelque 11,5 millions de documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, qui a lui-même confirmé leur authenticité.
La firme a nié avoir mal agi et a précisé que les individus identifiés dans les documents coulés n’étaient pas ses clients directs, mais qu’il s’agissait de comptes mis sur pied par des parties intermédiaires.
Dans sa lettre, Mme Lebouthillier affirme que le Canada travaillera de concert avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui utilise l’écart fiscal pour s’aider dans le développement de politiques visant les contribuables réfractaires.
M. Downe a indiqué dans une déclaration que l’Agence du revenu du Canada (ARC) s’était opposée à ce qu’il puisse mesurer l’écart fiscal depuis 2012. Mais selon le sénateur, le gouvernement a besoin de cette information afin de pouvoir évaluer l’ampleur de l’évasion fiscale et lutter contre elle.
« Le temps est venu pour l’ARC et le Canada de se joindre aux pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Danemark et le Mexique et de mesurer l’écart fiscal », a fait valoir M. Downe.
Et selon les déclarations comprises dans la lettre de Mme Lebouthillier, cela va bientôt changer.
« J’ai indiqué à ses fonctionnaires de commencer à travailler sur un plan visant à améliorer la compréhension du public au sujet de la non-conformité aux lois du Canada sur l’impôt et à identifier les ressources financières qui seraient requises pour aller de l’avant avec ce plan », a écrit la ministre.
« Pour commencer, l’ARC entreprendra une étude approfondie sur le calcul de l’écart fiscal. »
La porte-parole de la ministre Lebouthillier, Chloé Luciani-Girouard, n’avait pas de commentaires au sujet de la publication de la lettre de la ministre, mais elle a indiqué qu’elle ne contestait pas son contenu.
M. Downe a indiqué qu’il présenterait la semaine prochaine un projet de loi devant le Sénat qui forcerait le gouvernement à mesurer l’écart fiscal.
Le Consortium international pour le journalisme d’investigation (CIJI) a collaboré avec des centaines de journalistes, dont certains de CBC et du Toronto Star, pour analyser les documents de Mossack Fonseca.
Selon ces derniers, des grandes banques ont aidé leurs clients à créer des entreprises dans des paradis fiscaux comme le Panama. Les deux médias canadiens au coeur de l’analyse des documents ont rapporté que la Banque Royale et ses filiales avaient mis en place environ 370 de ce genre d’entreprises.
La Royale a affirmé lundi que ses activités étaient conformes au droit et qu’elle avait des politiques pour empêcher l’évasion fiscale, même si les médias ont indiqué qu’elle avait eu recours au cabinet d’avocats panaméen d’où proviennent les documents coulés.
« La Banque Royale travaille à l’intérieur du cadre réglementaire et légal de chaque pays où se trouvent nos activités, a indiqué l’institution financière dans un communiqué. L’évasion fiscale est illégale et nous avons des contrôles établis, des politiques et des procédures en place pour détecter et empêcher qu’elle se produise par l’entremise de la Banque Royale. »
La banque fait valoir qu’il existe des raisons légitimes pour mettre sur pied une société de portefeuille, mais que si elle croyait qu’un client a l’intention de commettre une infraction criminelle d’évasion fiscale, elle le signalerait et elle ne servirait pas ce client.
Les documents coulés comprendraient des détails sur les agissements de plus de 100 politiciens et personnalités publiques de plusieurs pays, incluant l’Islande, l’Ukraine, le Pakistan et la Russie.
Lors d’un entretien, Mme Luciani-Girouard a indiqué que l’Agence du revenu du Canada détenait déjà la plupart des informations des « Panama Papers » liées au Canada.
Depuis 2015, le ministère étudie tous les transferts d’argent dépassant 10 000 $, incluant ceux du Panama, a-t-elle précisé.
« Ils identifient actuellement les contribuables à haut risque et effectuent des contrôles aléatoires », a précisé Mme Luciani-Girouard.
« C’est un problème mondial et c’est vraiment compliqué. C’est pourquoi l’ARC est assez satisfaite de maintenant avoir les moyens de s’y attaquer de façon directe, avec ce qui lui a été donné dans le dernier budget. »
Le budget fédéral du mois dernier allouait 440 millions de dollars (M$) à l’ARC sur les cinq prochaines années pour « combattre l’évasion fiscal et l’évitement fiscal agressif, incluant à l’étranger », a-t-elle indiqué.
Mme Luciani-Girouard a indiqué que si le ministère découvrait des preuves de transferts illégaux, celles-ci seraient retransmises au Service des poursuites pénales du Canada.