C’est pour stimuler la croissance économique, relever l’inflation et affaiblir leur taux de change que plusieurs banques centrales, notamment en Europe, ont opté pour offrir des taux négatifs. Par exemple, la Banque centrale européenne (BCE), la Banque nationale suisse (BNS), la Banque de Suède (Riksbank) et la Banque nationale du Danemark ont décidé d’appliquer un taux d’intérêt négatif à leur déposant.
Dans cette situation, les épargnants peuvent se retrouver à payer de l’intérêt pour leurs dépôts. Les banques centrales espèrent ainsi pousser les institutions financières à utiliser leurs surplus de fonds pour, notamment, accorder plus de prêts.
À l’opposé, les gouvernements reçoivent maintenant des revenus d’intérêt lorsqu’ils se financent. Fait important, à l’échelle du détail, les individus ou les entreprises qui profiteraient des taux négatifs sur leurs emprunts sont rares, selon Desjardins.
Pourquoi ne pas fuir vers les liquidités?
Dans ce contexte, il pourrait sembler une bonne idée, pour un épargnant, de retirer les sommes investies et de les conserver en liquidités afin d’éviter de payer des intérêts sur ses dépôts. Or, c’est sans compter les nombreux désavantages de détenir d’importantes sommes d’argent physiques.
« Détenir de l’argent peut vite devenir encombrant. Les délais de transactions sont aussi accrus en raison du temps consacré au comptage et au recomptage. Pour poursuivre, des enjeux de sécurité doivent être considérés, ce qui peut en découler des coûts pour l’achat d’un coffre-fort ou pour une nouvelle police d’assurance. Enfin, l’argent comptant est sujet à la dégradation, fragile aux intempéries et aux accidents», écrit Hendrix Vachon, économiste senior chez Desjardins.
Régimes de retraite et assureurs
Les taux d’intérêt négatifs sont aussi défavorables, à long terme, pour les régimes de retraite et les assureurs déjà affectés par la période actuelle prolongée de bas taux. Rappelons que des taux négatifs aggraveraient notamment la situation des caisses de retraite à prestations déterminées.
« [Les taux négatifs] les obligeraient à revoir à la hausse le niveau de cotisation des contributeurs ou à réduire la rente promise aux futurs retraités, note Hendrix Vachon. Ceux qui ne disposent pas d’un tel régime de retraite font tout de même face à un problème similaire et doivent soit augmenter leur taux d’épargne, soit travailler plus longtemps ou revoir à la baisse leurs revenus espérés à la retraite.»
De leur côté, les assureurs européens voient déjà leur rentabilité menacée par les très faibles taux d’intérêt puisqu’ils ne peuvent pas hausser les primes demandées à leurs clients actuels pour faire face au contexte économique. Les assureurs risquent plutôt de se tourner vers une offre de produits moins sensibles aux taux ou vers une hausse de primes pour leurs nouveaux clients.
Les taux négatifs pourraient aussi entraîner la création de bulles, comme l’écrit Hendrix Vachon: « La faiblesse des taux d’intérêt de détail, qui peut être amplifiée par les taux directeurs négatifs des banques centrales, encourage le crédit et augmente le risque d’une bulle dans le secteur immobilier.»
Bien qu’il admette que les taux négatifs puissent être utiles pour stimuler l’économie, Hendrix Vachon encourage à la prudence: « Il ne faut cependant pas croire qu’ils peuvent être diminués fortement sans que les individus, les entreprises ou les investisseurs réagissent. (…) Pour l’instant, les effets négatifs semblent limités, mais cela peut prendre du temps avant qu’une masse critique d’individus, d’entreprises et d’investisseurs décident de s’adapter à un environnement de taux négatifs. Des coûts potentiellement élevés pourraient donc se manifester d’ici quelques trimestres.»