Cette table ronde, qui s’est déroulée à Toronto et en ligne, a été animée par Tracy LeMay, ancien rédacteur en chef d’IE, et Patricia Chisholm, rédactrice principale d’IE. Voici ceux qui ont partagé leurs conseils à cette occasion :
Les commentaires présentés ci-dessous ont été sélectionnés, édités et résumés.
Tracy LeMay (TL) : Où voyez-vous des occasions d’affaires dans le marché des clients fortunés ?
Nader Guirguis (NG) : Au Canada, la vaste majorité des particuliers et des familles à valeur nette élevée sont des propriétaires d’entreprise ou des propriétaires d’entreprise à la retraite. Nous visons à les aider dans la planification de leur relève. Fondamentalement, ils ignorent ce qu’ils ne savent pas à cette étape de transition.
Sean Messing (SM) : [Pendant de telles transitions], nous avons passé beaucoup de temps avec les familles, le conjoint et les enfants ainsi que [d’autres] relations du propriétaire d’entreprise. Nous avons découvert que cette niche est mal servie. Cette [lacune] vient du manque d’échanges dans les familles. C’est pourquoi nous leur proposons d’organiser une réunion familiale, de prendre un café et quelques biscuits, et d’échanger simplement [sur la transmission de l’entreprise].
Les souhaits des parents [peuvent être] très différents de ceux des enfants, et parfois, les souhaits de l’épouse sont très différents de ceux de son mari. Aussi, nous divisons la réunion familiale en rencontres individuelles et offrons un environnement rassurant pour que chaque membre de la famille nous donne son avis.
TL : Quels objectifs communs voyez-vous [parmi les clients à valeur nette élevée] et comment les amenez-vous à parler de ces objectifs ?
Rosemary Horwood (RH) : Hier, j’ai eu une [première] rencontre avec des clients et la première question a été : «Racontez-moi toute votre histoire». Ça me permet de comprendre ce qu’ils recherchent. Généralement, les premiers objectifs communs sont 1) le train de vie, maintenant et dans l’avenir, 2) laisser un héritage à leur famille, 3) les causes caritatives, 4) les voyages, et 5) l’immobilier.
NG : [Les propriétaires d’entreprise] prennent des risques dans leurs affaires la plupart du temps. Et la préservation du capital les préoccupe, alors la génération de revenus soutiendra leur train de vie. Ainsi qu’une croissance modeste. La majorité de nos mandats de gestion de placement sont conservateurs ou équilibrés.
La réduction de la facture fiscale est également très importante, ainsi que l’optimisation des dons caritatifs. [Les clients demandent aussi : ] «Comment profiter concrètement de ce patrimoine que nous avons bâti, et cela pourrait [même inclure] un laissez-passer spécial pour les coulisses du concert des Rolling Stones, à New York, auquel nous pouvons maintenant accéder grâce à notre service de conciergerie».
TL : Ce segment de marché [des clients à valeur nette élevée] semble vouloir la totale en matière de planification financière. Est-ce que je le décris bien ?
Ian Robertson (IR) : C’est exactement ça. Il ne s’agit pas de mettre l’accent sur la sélection des titres, [ils recherchent] une planification intégrée et globale.
Patricia Chisholm (PC) : Lors de votre recherche de clients, pouvez-vous commenter votre façon d’établir des relations avec des groupes de clients spécifiques ?
RH : C’est simplement mon intérêt [personnel] qui m’a mené aux professionnels de la santé et à des propriétaires d’entreprises de soins de santé. Quand j’ai commencé à travailler avec quelques personnes de cette industrie, les affaires ont pris de l’expansion, [par l’intermédiaire de] réseaux d’influence qui ont recommandé des clients, [dont] mes meilleurs clients, qui ont recommandé leurs amis.
Todd Degelman (TD) : La question toute simple que je pose aux gens que je ne connais pas est : «Quand, pour la dernière fois, votre conseiller vous a-t-il réuni avec votre fiscaliste, votre comptable et lui-même autour de la même table ? Ça devrait être une fois par an, n’est-ce pas ?» La réponse est toujours «Non». Je dis alors : «Vous êtes des clients à valeur nette élevée, est-ce qu’il ne devrait pas le faire ?» Tout à coup, ils s’intéressent [à ce que je dis].
PC : Pouvez-vous faire des commentaires sur la formation d’une équipe de professionnels et sa gestion, et sur la manière de faire pour que tout se déroule sans encombre.
Francis Sabourin (FS) : Mon approche s’appelle VPG, soit Vision, Planification, Gestion. Nous commençons par la vision, pour apprendre à connaître leurs sentiments, leurs objectifs et leurs craintes. Puis nous travaillons sur la planification et la gestion. Je ne veux pas mettre [en avant des membres de l’équipe] qui soient inutiles. J’ai des personnes clés pour chaque partie de ma vision, qui peuvent apporter de la valeur au client.
PC : Comment vous assurez-vous que l’équipe collabore et que le client se sent à l’aise avec l’équipe ?
David Serber (DS) : Nous avons aujourd’hui 200 personnes qui sont uniquement des consultants-ressources pour les conseillers comme moi-même. Ils sont répartis en trois groupes : planificateurs financiers, conseillers en immobilier et spécialistes en gestion de patrimoine axés sur l’assurance. Je peux en choisir dans ce groupe pour n’importe quel client.
SM : Le client compte sur nous pour qu’on lui présente les bonnes ressources. Nous sommes une sorte de banquier privé du nouvel âge. Nous travaillons les fins de semaine, nous travaillons à distance, nous travaillons quand nous sommes au Royaume-Uni.
IR : Les banques abordent le tout à une échelle plus large et plus complète que nous. Dans la firme, nous avons des experts spécialisés en planification et en assurance. Nous travaillons avec les avocats de nos clients pour leur planification successorale. Notre équipe de trois personnes compte un expert-comptable agréé. Pendant la période des déclarations de revenus, il fait aussi la liaison avec les clients.
TL : Avez-vous des idées sur ce que le conseiller de plus petite taille peut faire [pour bâtir une équipe] à part de développer des réseaux d’influence assez importants ?
TD : La taille [de la firme] n’a pas vraiment d’importance. Nous gérons suffisamment d’actif pour avoir du conseil interne pour la comptabilité, le juridique ou ce que nous voulons. [Quand les services sont reliés à une banque ou une firme en particulier], je pense qu’il y a un conflit d’intérêts potentiel. Et après avoir beaucoup réfléchi, je crois à l’impartition. Je préférerais que mon comptable ait un sceau de Ernst & Young plutôt qu’un sceau de Wellington. Ça montre que nous allons impartir aux meilleurs talents.
RH : Pour de nombreuses familles fortunées qui sont déjà en relation avec un comptable ou un avocat, cela pourrait être très perturbant de rompre cette relation. Nous recommandons à nos clients d’utiliser les services de comptables qui travaillent très bien pour eux, mais s’ils considèrent que ce n’est plus le cas, nous pouvons leur recommander d’autres comptables indépendants. C’est la même chose pour les avocats, pour les courtiers hypothécaires et pour les représentants en assurance de personnes.
TL : Quelles mesures adoptez-vous pour vous assurer de la fidélité de vos clients ?
FS : C’est le service continu des besoins [du client] au cours des années qui est important, malgré les hauts et les bas de la vie, de la Bourse ou différents événements. C’est pourquoi on doit être là jour après jour, beau temps, mauvais temps.
NG : Le renforcement des liens avec le client commence fondamentalement par la compréhension des besoins du client, lesquels pourraient ne pas toujours être ceux qu’il exprime. Cela prend beaucoup d’interrogations et de communications avec le client, [pour savoir] quelles causes lui tiennent à coeur.
TD : La confiance est une drôle de chose. J’ai beaucoup gagné le respect et la confiance de mes clients en leur disant ce qu’ils ont besoin d’entendre, et non pas ce qu’ils veulent entendre. Et ce sont ces conversations difficiles, parfois animées, qui ont probablement bâti le plus la confiance. Lorsque nous offrons du conseil à des joueurs de hockey professionnels, nous [avons l’habitude de dire] n’appelez pas si on vous propose d’investir dans un terrain de golf, un hôtel ou un bar ; la réponse est «Non». De plus, bon nombre de mes concurrents aiment appeler [les clients] quand le marché est haut et florissant, mais quand il est dans un creux, nous aimons prendre le téléphone et tout passer en revue avec eux.
SM : En fin de compte, chaque rencontre est la rencontre du client, qui lui permet de dire vraiment ce qu’il a à l’esprit et particulièrement d’entendre ce que pense le conjoint habituellement silencieux. Pour nous, c’est une obligation que l’épouse assiste à la rencontre annuelle, pour la voir en face, en fonction de celui qui a eu un rôle prépondérant dans la relation financière.
IR : Les clients s’attendent aussi à établir une relation avec nous. Ils veulent en savoir un peu à notre sujet, savoir ce que nous aimons faire, que ce soit de la voile, de la randonnée ou du ski, mais aussi si nous redonnons à la collectivité, si nous entraînons des enfants à la balle molle ou si nous siégeons à un conseil d’administration. Cela contribue à bâtir la confiance et à la maintenir.
SM : [Nous] tentons de montrer que nous voulons faire partie de leur cellule familiale, et c’est là que nous avons remporté beaucoup de succès en créant un pont avec la génération Y. Par exemple, comment communiquez-vous avec quelqu’un qui garde les yeux fixés sur son téléphone de façon à l’amener à poser son téléphone et à [pouvoir] partager quelque chose ensemble.
TL : Comment trouvez-vous les meilleures façons de communiquer avec votre client ?
FS : Avec les communications, il faut s’adapter. Avec les médias sociaux, certains [clients] voudront que vous communiquiez par Facebook, d’autres par messagerie texte, d’autres par courriel, d’autres par télécopieur, ou par des appels téléphoniques hebdomadaires ou mensuels. Vous devez vraiment vous adapter pour répondre à leurs besoins.
SM : Nous contactons la plupart de nos clients de première importance toutes les six semaines. Aucun de nos clients ne s’est jamais plaint de recevoir trop de communications. Nous organisons également une revue annuelle au cours de laquelle nous présentons la planification et passons à travers en détail.
TL : Les clients à valeur nette élevée ont-ils une bonne perception de leur niveau de risque ?
IR : Ils comprennent très bien le risque du marché boursier, parce que c’est dans les nouvelles, c’est une réalité. Mais ils ne comprennent pas vraiment le risque pour les autres [types d’actifs]. Ils viennent souvent nous rencontrer avec des idées préconçues sur la sécurité des fonds de placement immobilier, des sociétés d’oléoduc ou des obligations à rendement élevé.
TD : Non, je ne pense pas qu’ils comprennent vraiment le risque. Et c’est une chose très difficile. Nous nous conformons à toutes les mesures [exigées par la conformité], et pourtant, nous examinons le portefeuille et nous disons : «Bien, où est vraiment le risque ici ?» C’est quelque chose qui empêche de dormir de nombreux conseillers. Moi, ça m’empêche de dormir. Sommes-nous suffisamment conservateurs tout en essayant d’obtenir un rendement décent ? [Par conséquent,] nous avons intégré de très bons relevés. Ils ont besoin d’avoir quelque chose qu’ils peuvent regarder chaque mois quand ils rencontrent ces difficultés, quand ils entendent les médias et les rumeurs.
DS : Lors des premières rencontres, nous passons au moins une heure, sinon deux, à approfondir avec les nouveaux clients ce que cela signifie d’être un actionnaire d’entreprise et ce que cela signifie d’être un détenteur d’obligations, gouvernementales ou d’entreprise. Aussi, je ne parle pas de pourcentages, mais de ces concepts pour qu’ils saisissent leur sens. Après, ils sont vraiment capables de participer à la discussion sur la conception du portefeuille.
PC : Que pensez-vous du fait de recommander des placements alternatifs aux clients et comment gérez-vous la question du risque, étant donné que ces placements ont tendance à être moins transparents ?
SM : Nous ne faisons pas l’autruche : nous sommes conscients du nombre de sociétés ouvertes en déclin constant. Vous pouvez ajouter une forme d’investissement en infrastructure ou d’investissement en capital privé en utilisant les services de professionnels d’expérience qu’il y a sur le marché qui ont très très bien performé dans ce domaine. Des FNB offrent aussi bon nombre d’alternatives qui permettent de composer avec des situations spéciales.
RH : Beaucoup de mes clients à valeur nette élevée sont très intéressés par [les placements alternatifs]. La liquidité constitue un risque majeur avec ces placements, et nous en parlons vraiment avec nos clients. Notre équipe organise des dîners ou des appels conférences, au cours desquels nous invitons les clients à écouter les gestionnaires de portefeuille parler de ces placements alternatifs. Nous investissons notre argent personnel dans les mêmes outils de placement que ceux dans lesquels nos clients sont investis, et les gestionnaires de portefeuille doivent être personnellement investis de la même manière.
TL : Le don caritatif est-il d’un grand intérêt pour les familles fortunées ?
DS : Au cours du processus [de connaissance du client], on découvre si les clients ont l’intention de faire des dons caritatifs. On passe en revue les diverses options : les fonds de bienfaisance orientés par le donateur sont populaires pour les plus petits montants, disons de 25 000 $ à quelques centaines de milliers de dollars. Pour les montants plus importants, un demi-million ou un million et plus, on [peut] parler des pour et des contre de la création d’une fondation privée. [Par exemple,] j’ai eu des clients qui voulaient laisser un legs à une université liée à leurs affaires. Alors, j’ai communiqué avec le doyen de l’université et organisé une visite et une rencontre, et me suis impliqué pour tenter de faciliter la chose.
IR : Si les gens donnent de façon récurrente des montants à des organismes caritatifs, nous évoquerons la perspective d’un don en titres financiers, qui a trouvé un écho chez un grand nombre, qui le font maintenant régulièrement.
TL : L’investissement socialement responsable intéresse-t-il les clients fortunés ?
FS : De plus en plus, [des clients disent] : «Je ne veux pas de pétrolières et de gazières, je ne veux pas avoir [d’autres] catégories, par exemple des fabricants d’armes et d’armements.» Je réponds : «Pas de problème». [Nous faisons de tels changements], grâce à notre politique de placement. Dans les six derniers mois, ça s’est peut-être passé deux fois. Les clients y prêtent de plus en plus [attention], c’est pourquoi nous devons respecter ça.
NG : Nous personnalisons les portefeuilles de placement en fonction des valeurs et des croyances des clients. Les demandes les plus courantes que nous avons sont : «Je ne veux pas d’alcool, ni de tabac, ni d’armements.» Mais parfois, [les clients ciblent aussi] des entreprises en particulier. Alors, nous personnalisons [le portefeuille].