Le rapport détaille les résultats d’une recherche indépendante menée par trois universitaires de l’Université York, en Ontario, dont le professeur Douglas Cumming, qui ont analysé des données provenant de 43 sociétés de FCP sur une période de 10 ans.
La recherche montre que plus un fonds est performant, plus il enregistrera de ventes, mais que «l’influence du rendement passé sur la vente de parts se trouve néanmoins réduite considérablement lorsque les sociétés de fonds communs paient des frais de courtage et des commissions de suivi».
Plus précisément, le rapport note que «les commissions de suivi augmentent les nouvelles entrées de fonds indépendamment de la performance passée. En règle générale, plus les commissions de suivi sont élevées, moins le niveau des entrées de fonds dépendra des performances passées du fonds».
D’après le document de recherche, par exemple, une commission de suivi de 1,5 % augmente les ventes nettes mensuelles moyennes de 0,3 % de l’actif sous gestion d’un fonds, quelles que soient les performances passées.
Rendements moindres
Cela entraîne une baisse des rendements, selon les universitaires. Le rapport indique notamment que «comme les performances passées n’ont aucune influence sur les ventes de fonds, il y a ainsi une baisse du rendement futur des fonds».
La recherche constate que l’augmentation des commissions de suivi est associée à une baisse de la performance du fonds, alors que leur diminution correspond à une augmentation de la performance.
Elle montre également que les fonds de l’échantillon qui ont augmenté leurs commissions de suivi de manière constante ont vu leur alpha diminuer.
Le coefficient alpha mesure la surperformance d’un fonds par rapport à son indice de référence, en considérant l’exposition du fonds au risque de marché (mesuré par le bêta), d’après le glossaire de Morningstar.
Ainsi, pour les FCP achetés par l’intermédiaire de courtiers, «une augmentation des frais de suivi et des frais de vente reportés de 1 % est indirectement associée à une réduction respective de 1,4 % et de 0,6 % de l’alpha moyen mensuel».
Inversement, les chercheurs ont également démontré que les investisseurs qui utilisent des comptes sur honoraires plutôt que de toucher des commissions obtiennent de meilleurs résultats.
«Les ventes de FCP sur honoraires sont fortement influencées par les performances passées, et ont un effet positif sur les performances futures des fonds», apprend-on dans le rapport.
L’influence du courtier
Le rapport démontre aussi que le canal de distribution influe sur le rendement du client. Ainsi, les FCP vendus par l’intermédiaire de courtiers qui appartiennent à un gestionnaire de fonds ont tendance à établir des performances moindres. Cela s’explique, selon les chercheurs, par le fait que les rendements passés des FCP distribués par ce type de courtier ont peu d’influence sur les ventes futures, ce qui est associé à des rendements futurs plus faibles.
Les fonds les plus vendus par ces courtiers «ont connu en moyenne une baisse de 0,2 % de leur alpha mensuel futur, par rapport aux fonds qui ne recevaient pas d’achat net de ce genre de courtier».
Les ACVM envisagent actuellement plusieurs réformes possibles, y compris l’interdiction des commissions de suivi, pour régler le conflit d’intérêts créé par l’utilisation des commissions intégrées.
Pour se décider, les régulateurs se baseront sur ces résultats, ainsi que sur ceux d’une revue de la littérature effectuée par le Brondesbury Group, concluant que les fonds qui versent une commission de suivi aux conseillers obtiennent un rendement inférieur, même si on fait abstraction des frais de gestion.
Ce rapport soutient entre autres que les conseillers ont tendance à choisir les fonds qui ont des frais de suivi élevés, même si leurs rendements sur un an ou trois ans sont inférieurs, et ce, au détriment du client.
Puissant influenceur
«Le modèle de rémunération a un effet extrêmement puissant sur les comportements, sur les virages ou sur les directions que le conseiller ou un intermédiaire fera prendre au client. [Les chercheurs] reconnaissent qu’il y a beaucoup de bruit […] et que l’influence est tout de même élevée», note Robert Pouliot, administrateur à la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) et professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
Robert Pouliot croit que les régulateurs doivent toujours favoriser la rémunération de l’intermédiaire la moins coûteuse pour l’investisseur, tout en abolissant les commissions de suivi.
«Il faut que le modèle change rapidement, parce que ça coûte cher, dit-il. Je comprends que les investisseurs et les consommateurs de produits financiers aient peine à s’y retrouver. C’est une véritable jungle.»
Des acteurs de l’industrie souhaitent prendre le temps d’assimiler le rapport de 102 pages.
«L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) encourage une approche factuelle dans l’élaboration des politiques de réglementation, indique dans un courriel Joanne De Laurentiis, présidente et chef de la direction de l’IFIC. Nous avons hâte d’examiner en profondeur le rapport du professeur Cumming et de partager les questions ou les commentaires que nous pourrions avoir avec les ACVM.»
L’association Advocis souhaite aussi approfondir son analyse du rapport, mais offre déjà un aperçu de sa position.
«Nous soutenons que toutes les décisions concernant l’offre ou la vente de produits doivent permettre d’élargir la possibilité [d’obtenir les conseils d’un professionnel en services financiers], et non la restreindre», soutient Greg Pollock, président et chef de la direction de Advocis, dans un communiqué.
Au passage, Advocis remet en question les éléments quantitatifs utilisés par les universitaires pour réaliser leur recherche. «Après une première analyse, il ressort que le rapport ne considère pas la valeur monétaire des services financiers offerts aux clients», note Greg Pollock.
Les chercheurs ont analysé les données fournies volontairement par 43 des 113 familles de fonds canadiennes. Celles-ci touchaient 66,7 % de l’actif sous gestion cumulatif des 1 100 G$ d’actif en fonds communs au Canada.