D’après Chadi Habib, rien n’empêche la place financière de Montréal de faire de la fintech l’une de ses spécialités. Il dit constater « une très belle tendance à Montréal, où plusieurs intervenants s’intéressent et s’impliquent dans la fintech. »
Il cite l’exemple de Finance Montréal, qui pilote un chantier finance et technologie, et qui organise depuis 2013 le Forum FinTech, un événement de réseautage à caractère international qui vise à promouvoir le savoir-faire montréalais en matière de technologie financière.
« Finance Montréal fait beaucoup de choses, mais Montréal ne figure pas dans le top 10 de l’environnement fintech. On fait du progrès chaque année, mais il nous reste du boulot à faire et je vois des start-ups locales privilégier des échanges avec Toronto ou des places financières américaines parce que notre écosystème n’est pas complètement mature », signale Chadi Habib.
Ce qu’il manque à Montréal selon lui, c’est une culture de maillage et de dialogue « afin que tous les intervenants rament dans la même direction ».
Le secret des villes telles que Londres, San Francisco, Tel-Aviv et Barcelone, c’est le dialogue. L’industrie, les investisseurs, les universités et d’autres groupes tels que des laboratoires et des incubateurs, travaillent ensemble pour encourager l’innovation, affirme-t-il
Un secteur perturbé
Selon Chadi Habib, l’industrie financière, incluant les secteurs bancaires et de l’assurance, sera perturbée par la fintech. « C’est déjà commencé et d’ici quelques années, au Canada spécifiquement, l’industrie financière ne sera plus du tout comme on la connaît aujourd’hui. »
Si les progrès rapides enregistrés par la technologie sont habituellement évoqués pour expliquer la situation, Chadi Habib en incombe plutôt la responsabilité aux consommateurs, qui n’acceptent plus d’interagir avec l’industrie financière selon les règles qui ont historiquement nourri cette relation.
« Il y a cinq à sept ans, les succursales bancaires au Canada étaient seulement ouvertes pendant les heures de travail, c’est-à-dire pour la plupart de citoyens, au moment où ils n’étaient pas en mesure d’y aller. La volonté des consommateurs a fait évoluer cette réalité et non seulement les succursales sont aujourd’hui ouvertes le soir et le samedi, mais si vous désirez payer une facture la nuit, vous pouvez le faire en ligne », illustre-t-il.
La technologie, pour sa part, fait en sorte qu’il est maintenant possible de créer des expériences clients qui n’étaient pas imaginables il y a cinq ou dix ans, ce qui accentue la pression sur l’industrie classique.
Chadi Habib estime que « beaucoup de domaines du secteur bancaire et des assurances vont être perturber, mais à des cadences différentes, parce que les consommateurs vont l’exiger à des cadences différentes et que la réglementation a besoin d’évoluer en conséquence. Au final, le choix de la solution retenue dépendra toujours de la stratégie mise de l’avant par l’institution financière et de l’intérêt qu’elle y perçoit pour ses clients ».
C’est pourquoi c’est essentiellement en matière d’expérience client que l’on peut observer l’influence de la fintech, affirme-t-il.
« En gestion de patrimoine, on peut citer l’exemple de la firme Wealthsimple, un conseiller-robot dont le principal avantage consiste à offrir aux utilisateurs une expérience en ligne beaucoup plus fluide que n’importe quelle banque est en mesure de le faire aujourd’hui. Pourtant, les produits qui sont offerts sont identiques. Ce qui est différent, c’est l’expérience vécue par le client », illustre Chadi Habib.
Selon lui, cette situation constitue néanmoins une opportunité davantage qu’une menace pour les institutions financières « parce que ça les force à évoluer ».
En contrepartie, il estime qu’une telle évolution aura nécessairement des impacts sur l’emploi, puisque des intermédiaires seront graduellement éliminés.
« Si tu élimines des intermédiaires, tu élimines les emplois qui permettaient de supporter ces intermédiaires. C’est positif pour les consommateurs, mais à travers le monde, notamment en Europe, cette situation a déjà un impact sur les taux de chômage. Particulièrement pour les personnes de moins de 30 ans, qui sont souvent les personnes qui occupent ce type d’emploi », constate Chadi Habib.