Le nom de ces entreprises en difficulté n’est pas un secret pour personne : les manufacturiers Eastman Kodak Co., U.S. Steel Corp et, bien sûr, General Motors; les pionniers de l’informatique Digital Equipment Corp et Wang Laboratories Inc.; les détaillants canadiens Eaton Co. Ltd et Woodwards Stores Ltd. On trouve même sur la liste des compagnies qui, il n’y a pas si longtemps, étaient considérées comme innovatrices Dell Inc., Blockbuster LLC, Palm Inc. et Motorola Inc.
Ce branle-bas actuel s’inscrit dans un tableau plus large d’entreprises autrefois chefs de file qui voient leur position s’éroder. En effet, avoir du succès aujourd’hui veut de moins en moins dire qu’on en aura dans l’avenir. À titre d’exemple, la moitié des entreprises du classement Fortune 500 en 1995 n’y figuraient plus 12 ans plus tard. Par contre, il a fallu deux fois plus de temps pour voir le même nombre d’entreprises disparaître du Fortune 500 de 1965.
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Bien que les circonstances varient, ces entreprises autrefois prospères ont en commun de n’avoir pas su s’adapter de façon assez rapide et dynamique. En fait, puisque le succès engendre souvent l’autosatisfaction, c’est dans le succès actuel de plusieurs entreprises que se trouve leur échec de demain.
La dure réalité, c’est que nous vivons dans un monde où les consommateurs prennent de moins en moins leurs décisions selon les liens du passé et de plus en plus en fonction de la valeur qu’ils peuvent obtenir maintenant. Ce n’est pas que les relations aient perdu de leur importance, c’est simplement qu’elles comptent moins qu’avant.
L’entraîneur vedette de la NFL Vince Lombardi était reconnu pour cette citation : « Gagner, ce n’est pas tout, c’est la seule chose qui compte. »
Aujourd’hui, nous pouvons adapter cette phrase ainsi : « Pour les conseillers financiers qui réussissent, donner une valeur exceptionnelle aux clients n’est pas seulement important, c’est la seule chose qui compte. »
Avec cela en tête, voici six prédictions sur le quotidien de l’industrie du conseil financier dans 25 ans :
1. Professionnalisation
Le conseil financier sera devenu une discipline reconnue, comme le droit et la comptabilité, avec un cursus de formation universitaire, des stages obligatoires et des obligations accrues en matière d’éducation continue.
2. Gestion de patrimoine 360 degrés
Le modèle de pratique prédominant sera la gestion de patrimoine complète, en vertu duquel les conseillers aideront leurs clients à comprendre les implications financières de leurs décisions dans leur vie personnelle et professionnelle, conseilleront les clients au sujet des options alternatives de placement et les aideront à intégrer des considérations fiscales, successorales, de gestion de l’endettement et de liquidités dans toutes leurs décisions.
Certains conseillers deviendront des conseillers de confiance en gestion de richesse familiale, fournissant leurs services à plusieurs générations sur des questions allant des programmes d’éducation aux stratégies de dons en passant par les options de soutien à l’autonomie au domicile.
3. Complémentarité des services
Des services de placements automatisés en ligne seront utilisés par les Canadiens pour le placement et la planification financière de base dans certaines situations relativement simples. En même temps, la plupart des clients aux besoins plus complexes se fieront aux conseillers en gestion de richesse pour agir comme stratèges de leurs finances. Ces conseillers interagiront souvent avec leurs clients concernant leurs plus importantes décisions, utilisant des outils en ligne pour la planification financière et les interactions de routine.
Des concepts de finance comportementale, comme le pré-engagement, la segmentation par niveau de risque et les engagements deviendront des outils de masse pour aider les clients à rester sur la bonne voie. Des concepts de ludification seront aussi utilisés pour accroître les connaissances et renforcer les comportements.
4. Technologie et interactions
La technologie sera partie intégrante de tous les aspects de la vie des clients. Les conseillers en gestion de fortune auront régulièrement des vidéoconférences avec ceux-ci pour répondre à leurs questions et les informer des progrès accomplis. En raison des embouteillages et du temps de déplacement, les rencontres en personne se limiteront dans plusieurs cas à une chaque deux ou trois ans, quand elles ne seront pas carrément éliminées.
En parallèle, le besoin d’interactions humaines mènera au retour des clubs d’investissement, et certains conseillers en gestion de patrimoine en profiteront pour développer leur pratique en agissant comme modérateurs au sein de ces clubs.
5. Structure des firmes et rémunération
À travers les praticiens et les firmes de moyenne taille, on trouvera de plus en plus de partenariats d’échelle nationale, et progresser du niveau d’entrée à associé se fera plus facilement. Ces partenariats, semblables à ceux dans les cabinets d’avocats et de comptables, se fonderont sur l’exploitation des heures facturables comme vecteur de croissance de la rentabilité d’une firme.
La plupart des partenaires des firmes-conseils auront des responsabilités de gestion des relations-clients, bien qu’ils auront la possibilité de diriger les clients vers des spécialistes au sein de la firme ou de cabinets spécialisés pour les questions exigeant une expertise pointue.
6. Valeur ajoutée
Puisque les clients auront à se dépêtrer parmi la grande quantité d’options, avoir ou opérer sous une marque éprouvée sera crucial. Des stratèges en gestion de fortune passeront beaucoup de temps à élaborer le profil des firmes en ligne.
L’efficacité de la publicité traditionnelle continuera de décliner et les clients se fieront à la réputation, aux commentaires des autres clients et aux évaluations des groupes de pairs pour choisir leur conseiller. De plus, la réputation sera le seul atout de taille pour les conseillers et leurs firmes. Les plus prospères d’entre eux auront des marques attractives dans leurs communautés cibles.
Pour offrir une valeur ajoutée aux clients dans ce genre d’environnement, les conseillers devront avoir une expertise exceptionnelle. Les conseillers les plus prospères agiront avec un haut degré de professionnalisme, s’assurant d’être à l’avant-garde de leur spécialité et de livrer à leurs clients une valeur hors pair. Pour réussir, les conseillers auront aussi besoin de grandes qualités humaines afin de gérer les relations avec leurs clients et leurs employés.
Voilà une des raisons pour lesquelles les femmes constitueront plus de la moitié des partenaires dans plusieurs des firmes les plus florissantes. Finalement, les conseillers qui réussiront de façon hors du commun seront ceux qui résisteront à l’envie de ne rien faire. Au lieu, ils embrasseront le changement, innoveront sans cesse et s’adapteront toujours à leur environnement changeant.
Toutes ces qualités sont importantes – mais peut-être pas autant que celle-ci : être ouvert à l’innovation. C’est ici qu’il faut noter une chose : les leaders du marché qui ont disparu de la carte ont connu ce sort non pas parce qu’ils n’ont pas essayé de changer, mais plutôt parce qu’ils ont essayé de le faire trop tard, quand leur entreprise était déjà sur la pente descendante et qu’ils combattaient une spirale négative. Il faut changer quand on est en position de force, pas de faiblesse.
Que vous soyez en accord avec toutes, certaines ou aucune de ces prédictions, vous devez tout de même vous positionner pour l’avenir maintenant. Certains d’entre vous ont peut-être même déjà commencé à le faire.
Les 15 dernières années ont été extraordinaires pour notre industrie. Si vous êtes disposé à effectuer des changements fondamentaux à votre pratique, les 15 prochaines risquent d’être tout autant intéressantes et gratifiantes.
Photo Bloomberg