À l’Autorité des marchés financiers (AMF), le Service de l’inspection, valeurs mobilières, utilise «une approche cyclique», souligne le porte-parole, Sylvain Théberge.
«La fréquence des visites dans une société est dictée par notre évaluation des risques qui repose sur trois grands critères : les indicateurs d’une situation possible de non-conformité ; la taille et la complexité des activités ; et finalement, la culture de conformité et les systèmes en place», précise-t-il.
À l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), les trois services de la Conformité de la conduite des affaires, de la Conformité des finances et des opérations et de la Conformité de la conduite de la négociation utilisent également des modèles fondés sur le risque.
Dans la pratique, chacun des trois services attribue une cote de risque aux sociétés supervisées ainsi qu’à des groupes de sociétés engagées dans des activités semblables. Ces évaluations, jumelées aux données du système ComSet, la base de données sur les plaintes reçues par le Service de la mise en application, permettent de déterminer les sociétés qui seront inspectées en priorité.
Chaque société reçoit un rapport qui lui indique sa cote de risque et son positionnement dans l’industrie. «Cette approche permet de se concentrer sur les sociétés et les dossiers les plus à risque. Elle aide aussi les sociétés à établir les aspects sur lesquels elles devraient concentrer leurs efforts», explique Claudyne Bienvenu, vice-présidente de l’OCRCVM pour le Québec.
Cette analyse déterminera la fréquence des inspections que subira l’entreprise visée. «Les sociétés « à risque élevé » sont inspectées tous les ans, et les sociétés à faible risque, tous les quatre ans. Les autres sociétés sont inspectées tous les deux ou trois ans», remarque-t-elle.
Votre chef de la conformité devrait-il s’inquiéter si votre firme obtient une cote élevée de risque de l’OCRCVM ? Le régulateur se fait rassurant sur son site Web.
On peut y lire que la firme qui reçoit «une cote de risque supérieure à la moyenne ne pose pas généralement une menace réelle ou immédiate ou n’a pas nécessairement contrevenu aux exigences réglementaires».
La clé, être bien préparé
«Nous avons eu la lettre de mandat le 4 juillet. On nous donnait jusqu’au 16 juillet pour envoyer les documents et nous étions prévenus que trois inspecteurs de l’AMF seraient dans nos bureaux le 22 juillet pendant probablement cinq jours», témoigne Adrien Legault, chef de la conformité chez Pro Vie assurances.
Malgré les délais serrés, il faut bien se préparer à cette inspection. «Parce que nous avons expédié les documents exigés dans les délais, ce sont deux inspecteurs qui se sont présentés à notre cabinet, et ils n’y sont restés que trois jours», raconte Adrien Legault.
«Une préparation adéquate démontre une volonté de la société de respecter ses obligations sur le plan réglementaire, souligne Sylvain Théberge. Le régulateur est alors rassuré par rapport à la société, et la préparation à l’inspection de celle-ci est d’autant facilitée.»
L’AMF peut faire preuve de souplesse à l’occasion. La dernière inspection chez Pro Vie, qui remontait à deux ans, s’est déroulée fin juillet, alors que de nombreux employés étaient en vacances.
«On a fait part de la situation à l’AMF. On nous a répondu que ce n’était pas grave et que nous pourrions envoyer les renseignements supplémentaires au retour des employés compétents en la matière», précise Adrien Legault.
plus exigeants
«En fait, les vérifications de conformité menées par les assureurs à propos des clauses contractuelles qui nous lient à eux sont souvent tout aussi ardues, sinon plus», souligne Adrien Legault.
Chez Valeurs mobilières PEAK, Jean Carrier, vice-président, conformité, partage ce point de vue. Pourtant, sa firme peut être soumise à plusieurs vérifications, car elle est à la fois régie par l’AMF, l’OCRCVM et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM). «Lorsqu’on reçoit la lettre qui parle d’inspection, il faut coordonner le tout, puisqu’il arrive qu’ils se présentent en même temps», dit-il.
Cependant, Jean Carrier constate que les inspections de l’ACCFM sont plus fastidieuses. «Alors que l’AMF envoie de deux à quatre inspecteurs pour une semaine, il n’est pas rare que l’ACCFM en envoie sept ou huit», constate l’ancien directeur adjoint des inspections de l’AMF.
«Parfois, on peut attendre jusqu’à un an et demi avant de recevoir le rapport final», ajoute-t-il.
Jean Carrier constate aussi que les inspecteurs de l’ACCFM s’assurent beaucoup plus du respect à la lettre de nombreuses règles, contrairement à l’AMF et l’OCRCVM qui emploient la méthode basée sur les risques.
À l’AMF, on affirme que les inspecteurs passent généralement de trois à cinq jours sur place. «Nous visons à fermer les dossiers d’inspection dans un délai de six mois après le début de la visite sur les lieux», assure Sylvain Théberge.
Bien collaborer
La date fatidique est arrivée et les inspecteurs se présentent à votre cabinet. Que faire ?
Me Julie-Martine Loranger, associée au sein du groupe de litige de McCarthy Tétrault, souligne l’importance de libérer des officiers du cabinet. «Je conseille de nommer une ou deux personnes qui seront les points de chute. Idéalement, ce sont des personnes en position d’autorité, par exemple, le chef conformité. Ce dernier connaît la firme, ce qui évitera les réponses imprécises ou erronées», observe l’avocate.
«Ce n’est pas un mauvais conseil, puisque l’accès à la haute direction est utile dans l’évaluation de la culture de conformité de l’entreprise, mais ce n’est pas essentiel le premier jour, précise Sylvain Théberge. Les inspections comportent des vérifications opérationnelles pour lesquelles la présence de la haute direction n’est pas nécessaire.»
Me Loranger rappelle qu’il est du devoir du cabinet de collaborer lors des inspections. C’est donc une bonne idée de fournir aux inspecteurs un espace de travail suffisamment grand pour qu’ils puissent travailler convenablement.
Habituellement, les inspecteurs vont accepter les boissons (café, thé, bouteilles d’eau, etc.) qu’on leur offre, mais ils refuseront la nourriture. Jean Carrier souligne qu’il s’agit de préserver l’image d’impartialité des inspecteurs.
Il est fort probable que vous devrez fournir des documents supplémentaires, tant lors de l’inspection que par la suite, prévient Sylvain Théberge. Il peut donc être pertinent d’en aviser le personnel afin qu’il le fasse avec le plus de diligence possible.
Adrien Legault relativise toutefois cette exigence supplémentaire, qui pourrait sembler fastidieuse de prime abord. «De nos jours, les cabinets disposent de systèmes informatiques qui facilitent considérablement cette tâche.»
Pas besoin d’avocat
Une autre question se pose aussi aux dirigeants d’un cabinet qui reçoit la visite des inspecteurs de l’OCRCVM ou de l’AMF : y a-t-il lieu de retenir les services d’un avocat afin que de s’assurer que tout se déroule bien ?
Jean Carrier, de PEAK, considère que la présence d’un avocat risquerait d’instaurer un climat d’hostilité inutile. «Nous ne sommes pas un cabinet à risque. Nos représentants ne s’occupent pas de produits dérivés par exemple, c’est à peine si nous faisons des prêts à levier», explique-t-il.
Adrien Legault abonde dans le même sens. Il ne juge pas opportun de retenir les services d’un avocat. «Si les dirigeants d’un cabinet croient qu’il est préférable d’avoir un avocat sur place, je leur conseillerais d’opter pour une personne qui connaît vraiment bien le cabinet dans ses moindres aspects. Sinon, je ne vois pas l’utilité d’un avocat lors d’une inspection», évalue-t-il.
Julie-Martine Loranger rappelle qu’il y a une différence entre une simple inspection de routine et une enquête formelle à la suite d’une plainte ou de soupçons plus sérieux de la part de l’AMF, de l’OCRCVM, ou encore de la Chambre de la sécurité financière.
«Dans le cas d’une enquête, je recommande fortement la présence d’un avocat. Si l’on reçoit un subpoena, on sera interrogé formellement et on devra témoigner. Dans ce cas, il est clair qu’il faut être adéquatement préparé et accompagné d’un avocat. Lors d’une enquête, on peut être sujet à des poursuites en vertu de la loi», explique-t-elle.
Elle fait d’ailleurs référence à l’arrêt Gilbert Fournier c. Autorité des marchés financiers. En juin 2012, la Cour d’appel a statué que le représentant accusé de malveillance ne pouvait pas refuser de répondre aux questions de l’AMF, même s’il croyait que c’était son droit (http://tinyurl.com/zo5ecph). La Cour suprême a ensuite rejeté la demande d’appel de cette décision.
Paierez-vous la note ?
Dans certains cas, préparez-vous à débourser les coûts occasionnés par l’inspection que vous avez subie.
Le tarif horaire par inspecteur pour les inspections effectuées en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (courtiers en épargne collective, courtiers en plans de bourse d’études, gestionnaires de portefeuille, etc.) est déterminé par le Règlement sur les valeurs mobilières, et il s’élève depuis le début de l’année à 93,50 $ de l’heure. Le tarif est indexé annuellement.
«Nous ne facturons pas les inspections qui sont effectuées en vertu de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (assurances de personnes, assurances collectives de personnes, assurances de dommages, expertise en règlement de sinistres et planification financière). Ce n’est pas prévu à la Loi», a nuancé cependant dans un courriel le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge.
Pour sa part, la porte-parole de l’OCRCVM, Karen Archer, indique que les inspections des membres de l’organisme pancanadien n’entraînent pas de frais.