Les cat bonds permettent avant tout aux assureurs de se protéger contre des risques qui vont au-delà des risques individuels.
«Les assureurs font parfois face à des risques si importants qu’ils causeraient un choc incalculable à leur bilan s’ils se matérialisaient», explique Peter Morris, président de Robertson Morris, un consultant en assurance de Toronto.
«Habituellement, les assureurs font appel à un réassureur pour se protéger d’une catastrophe, mais ils peuvent aussi recourir aux marchés de capitaux», ajoute-t-il.
Les obligations catastrophes peuvent également être émises par les réassureurs eux-mêmes ou par une société d’assurance qui recourt à un tiers.
L’idée est de redistribuer le risque à des investisseurs, pour la plupart des fonds souverains, des fonds spéculatifs ou d’autres investisseurs institutionnels. L’argent recueilli auprès de ceux-ci est placé dans un fonds.
L’entreprise qui parraine le fonds (le commanditaire) paie des coupons aux détenteurs d’obligations jusqu’à l’échéance ou jusqu’à ce que l’événement (la catastrophe) se produise. Dans ce cas, l’assureur pourra se servir du fonds pour indemniser ses assurés. À l’échéance, le capital, ou ce qui en reste, est redistribué aux investisseurs.
Les obligations catastrophes offriraient des bénéfices non négligeables pour la diversification de portefeuilles, selon une étude récente de chercheurs de l’Université de Caroline du Nord (http://tinyurl.com/jzfswbg).
«On considère que l’immobilier et les ressources naturelles sont peu corrélés aux autres actifs financiers. C’est encore plus vrai pour les obligations catastrophes, qui sont naturellement liées à des événements extérieurs aux marchés financiers», explique l’un des chercheurs, Steven Clark, en entrevue.
En effet, les événements couverts par des obligations catastrophes sont imprévisibles. Il s’agit en règle générale d’ouragans ou de tremblements de terre, particulièrement aux États-Unis, mais la liste est relativement longue : typhons, météorites, éruptions volcaniques, etc.
Selon Aon Benfield, un autre réassureur, les dernières émissions de cat bonds (du 2e trimestre 2016) portaient toutes sur des risques de catastrophes aux États-Unis.
Marché peu développé au Canada
Au Canada, le marché des cat bonds est encore aujourd’hui immature, selon Peter Morris.
C’est également l’avis de Koker Christensen, associé au cabinet d’avocats Fasken Martineau et observateur du marché des titres assurantiels. Il remarque que la plupart du temps, les catastrophes «purement canadiennes» sont couvertes par des obligations qui couvrent d’autres pays.
La principale raison, selon lui, «a trait à la disponibilité et au coût de la réassurance au Canada. Les assureurs ne ressentent pas le besoin de recourir aux marchés de capitaux», souligne Koker Christensen.
Victimes de leur popularité
Sur le plan des rendements, certains croient que les belles années des cat bonds sont révolues.
Dans un article récent du Journal of Alternative Investments, les deux auteurs concluent que les obligations catastrophes ont offert un rendement stable de quelque 8,3 % par an en moyenne depuis 14 ans.
Elles seraient cependant devenues «victimes de leur popularité», en raison de l’effet combiné d’une vogue grandissante et de nouvelles émissions somme toute limitées qui auraient poussé les rendements à la baisse, soit en deçà de 3 %. (http://tinyurl.com/j27rnhc)
Selon Aon Benfield, à la fin de juin 2016, le rendement sur son indice maison (AONCILS) pour les 12 mois précédents était de 6,84 %. Pour la période correspondante l’année dernière, il s’établissait à 2,81 %.
Un autre indice, le Eurekahedge ILS Advisers Index, qui suit la performance de fonds spéculatifs largement investis dans les titres assurantiels, a affiché un rendement négatif pendant neuf mois seulement, de janvier 2006 à août 2016. L’indice affichait un rendement annuel de 4,24 % pour l’année 2015.
Si les cat bonds permettent de redistribuer le risque, est-ce qu’on peut craindre, comme dans le cas des fameuses obligations de créances hypothécaires, que le processus en vienne à encourager les assureurs à prendre davantage de risques ?
«J’espère que non. Je ne suis pas au courant en tout cas. Et je crois que s’il y avait un « assureur voyou », ça se saurait assez rapidement dans l’industrie», croit Peter Morris.
On peut cependant se demander si les investisseurs, eux, sont au fait des risques auxquels ils s’exposent et s’ils reçoivent les rendements à la mesure de ces risques, souligne-t-il. «Je ne le sais pas et je pense que personne ne le sait vraiment.»
Pour Koker Christensen, la réponse dépend de la manière dont la transaction est structurée.
Dans certaines ententes, le paiement (du fonds à l’assureur) dépend d’un événement – un certain degré sur l’échelle de Richter, par exemple.
Dans d’autres cas, le paiement à l’assureur est lié directement aux montants que celui-ci doit verser aux assurés, et non seulement à la matérialisation d’un événement. L’assureur pourrait alors être moins diligent, puisque son risque est pleinement transféré à autrui.
«Dans ce dernier cas, on pourrait voir poindre une forme d’aléa moral, dit Koker Christensen. Mais les obligations catastrophes ne sont pas différentes d’autres produits qui redistribuent le risque», assure-t-il.