Ralentissement des ventes de fonds distincts
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Ailleurs, parmi les 10 plus grands assureurs canadiens selon l’actif géré en fonds distincts, l’aiguille des ventes bouge peu ou pointe carrément en territoire négatif. C’est particulièrement vrai lorsqu’on observe les entrées nettes par rapport à l’actif initial sous gestion (voir la dernière colonne du tableau).

De janvier à mai 2016, l’actif total de l’industrie canadienne des fonds distincts s’est accru de 1,9 % pour atteindre 111,1 G$. Toutefois, une étude d’Investor Economics de juin 2016 montre que ce sont les conditions favorables du marché boursier et non les ventes qui expliquent la croissance de l’actif.

UN CHANGEMENT D’ÈRE

C’est en comparant les fonds distincts aux fonds communs de placement (FCP) et aux fonds négociés en Bourse (FNB) que l’on constate à quel point ces trois instruments de gestion de patrimoine avancent à trois vitesses différentes. Ainsi, entre 2011 et 2015, l’actif sous gestion des fonds

distincts a augmenté à un taux annuel composé de 4,6 %, par rapport à 9,8 % pour les FCP et à 18,5 % pour les FNB.

Et bientôt, nous changerons d’ère. L’actif total sous gestion des fonds distincts dépasse encore celui des FNB (111,1 G$, par rapport à 100,4 G$ pour les chiffres de mai 2016). En revanche, si le passé est garant de l’avenir, l’actif sous gestion des FNB dépassera celui des fonds distincts d’ici environ deux ans.

« Au cours des dernières années, les assureurs ont été peu dynamiques sur le terrain de l’innovation en gestion de patrimoine. Par conséquent, les ventes ont été peu énergiques en fonds distincts, contrairement à ce qui s’est passé avec les FNB », dit Robert Landry, consultant et ancien vice-président exécutif chez AXA Canada.

CROISSANCE PAR ACQUISITIONS

L’achat des activités canadiennes de Standard Life par Manuvie en 2014 montre à quel point la croissance des assureurs en gestion de patrimoine peut dépendre des acquisitions.

Entre 2011 et 2015, Standard Life a été la championne incontestée des entrées nettes de fonds distincts, avec une moyenne annuelle de 641 M$. Great-West Lifeco et ses diverses filiales (345 M$), iA Groupe financier (340 M$) et Empire Vie (256 M$) ont détenu les deuxième, troisième et quatrième positions. Pendant ces cinq années, Manuvie affichait des sorties nettes annuelles moyennes de 518 M$.

Et ce n’est pas tout, car entre 2011 et 2015, Standard Life a doublé ses parts de marché, de 3,1 % à 6,5 %. Pendant ce temps, les parts de marché de Manuvie ont diminué, passant de 29 % à 26,1 %, selon Investors Economics.

Sans l’acquisition de Standard Life, Manuvie serait maintenant le deuxième acteur de l’industrie canadienne des fonds distincts après Great-West Lifeco.

« Perdre 3 points de pourcentage en parts de marché, c’est énorme. Manuvie a pu maintenir ses positions grâce à l’achat de Standard Life », dit René Hamel. PDG de SSQ Groupe financier jusqu’en 2015 et maintenant retraité, René Hamel se demande si Manuvie « pourra continuer de bénéficier de l’élan de Standard Life ».

Les assureurs qui voudraient augmenter leurs parts de marché en fonds distincts peuvent-ils imiter la stratégie de Manuvie en acquérant un assureur comme Standard Life ?

« Les Standard Life ne courent pas les rues ! Il est plus probable que des institutions financières actives dans les fonds distincts en viennent éventuellement à acheter des assureurs afin d’accroître leur taille en gestion de patrimoine », répond Sylvain Gagné.

Consultant, ce dernier a déjà été vice-président régional chez Empire Vie et directeur général associé chez l’agent général BBA Groupe Financier.

Les statistiques d’Investor Economics montrent que des manufacturiers de FCP sont déjà présents dans le secteur : leurs fonds sont intégrés (wrapped) dans des fonds distincts.

Ainsi, à la fin de 2015, l’actif sous gest ion intégré en fonds distincts s’établissait à 14,07 G$ chez Placements CI, à 9,56 G$ chez Fidelity, 4,75 G$ chez Placements Mackenzie, 3,09 G$ chez Placements Franklin Templeton, 1,40 G$ chez Gestion de placements TD, 999 M$ chez Invesco, 347 M$ chez Gestion d’actifs CIBC et 201 M$ chez Placements AGF.

« En principe, rien n’empêcherait un Fidelity, un CI ou un AGF d’acheter une compagnie d’assurance afin d’augmenter leurs parts de marché en gestion de patrimoine. Mais le voudraient-ils ? CIBC ira-t-elle plus loin que ses partenariats de distribution actuels ? » se demande Sylvain Gagné.

Selon ce consultant, un élément clé pourrait favoriser l’entrée des banques dans le territoire des assureurs : leur « expertise très riche dans les bases de données sur leurs clientèles ainsi que leurs capacités technologiques et financières à relever le défi de la distribution en ligne. Les assureurs n’ont pas tous ces capacités… contrairement aux banques ».