En règle générale, les clients arrivent plus facilement à comprendre le fonctionnement d’une succession. Probablement parce que plusieurs d’entre eux ont rédigé un testament et participé au règlement d’une succession d’un proche parent ou d’un ami.
J’utilise donc les similitudes entre les deux scénarios suivants afin de mieux leur faire comprendre le fonctionnement d’une fiducie familiale.
1er scénario : la succession
Claude est propriétaire d’une société qui détient divers placements ayant une valeur marchande de 2 000 000$. Présumons que le coût fiscal de ses actions est nul.
Suite à son décès, Claude a légué ses actions à ses deux enfants, Jonathan et Sébastien, en parts égales.
En vertu des règles fiscales, la succession de Claude doit payer des impôts sur la plus-value de 2 000 000$ (gain en capital) réalisée au moment de son décès. Dans ce cas-ci, le liquidateur de la succession, David (le frère de Claude), devra débourser la somme d’environ 500 000$ en impôts.
Dans le cadre du règlement de la succession de Claude, Jonathan et Sébastien recevront chacun un dividende de 50 000$ versé par la société et provenant des rendements réalisés sur le portefeuille.
Au terme de la succession, chacun des enfants recevra 50% des actions de la société. Celles-ci ont maintenant une valeur marchande de 2 400 000$ grâce à de très bons rendements.
Si Jonathan décide alors de vendre ses actions à Sébastien au prix de 1 200 000$. Jonathan devra à son tour payer des impôts sur la plus-value. Puisqu’il a acquis les actions de son défunt père pour une valeur de 1 000 000$, il devra payer environ 50 000$ en impôts sur le gain en capital de 200 000$.
2ième scénario : la fiducie familiale
Reprenons maintenant le même exemple, mais en modifiant certains faits.
Premièrement, Claude, plutôt qu’attendre jusqu’à son décès, décide de transférer les actions de sa société à ses enfants. Pour se faire, il effectue un « gel successoral ».
Il échange donc ses actions ayant une valeur de 2 000 000$ contre des nouvelles actions de la société qui ont la principale caractéristique de ne pas pouvoir augmenter de valeur dans le temps, d’où leur nom : « actions de gel ». Cet échange ne déclenche pas l’imposition sur la plus-value des actions. Ainsi, le gain sera imposable au décès de Claude.
Deuxièmement, Claude crée une fiducie familiale afin de souscrire à des nouvelles actions de la société pour 100$. Afin de l’aider à gérer la fiducie, il fait appel à son frère David et le nomme à titre de fiduciaire. Par ailleurs, les bénéficiaires de la fiducie seront ses deux enfants.
À la fin de l’exercice financier subséquent, la société verse un dividende de 100 000$ à la fiducie qui attribuera le dividende en parts égales entre les deux enfants de Claude.
Après quelques années, la fiducie attribue 50% des actions de la société à Jonathan. Celui-ci décide alors de les vendre à Sébastien pour 200 000$. Jonathan devra payer des impôts sur la plus-value puisque la fiducie les a acquises pour une somme nominale. Il devra donc payer environ 50 000$ en impôts sur le gain en capital de 200 000$.
Si les deux exemples sont comparables, alors pourquoi Claude devrait-il considérer une fiducie familiale ?
Si Claude reste en vie encore plusieurs années et qu’il décide de ne pas créer une fiducie familiale suite à un gel successoral, alors les conséquences fiscales seront, notamment :
– Au moment de son décès, la valeur marchande de la société pourrait être de 2 400 000$ (et même plus) plutôt que de 2 000 000$. Ainsi, la succession de Claude devrait payer des impôts supplémentaires d’environ 100 000$ plutôt que de reporter l’imposition de cette plus-value jusqu’à une vente par l’un des enfants ou le décès ultérieur des enfants.
– Si Claude considérait donner la somme annuelle de 50 000$ à chacun de ses enfants en guise de prépaiement de leur héritage, il pourrait lui en coûter jusqu’à 166 057$ annuellement. En effet, si Claude a d’autres revenus importants, le taux d’imposition sur un dividende de 100 000$ (2 fois 50 000$) pourrait atteindre 39.78%.
Par opposition, les enfants de Claude pourraient avoir un taux d’imposition largement inférieur, par exemple 10% ou 15%. Ainsi, les impôts supplémentaires que Claude devra payer annuellement pourraient dépasser les 50 000$.
Fonctionnement annuel :
Pour ce qui est de la mécanique fiscale annuelle, une fiducie familiale fonctionne de façon similaire à une fiducie de fonds commun de placement qui investit dans des sociétés cotées en bourse, à savoir :
1. La société de Claude verse un dividende de 100 000$ à la fiducie familiale. Ce dividende devra être déclaré sur un feuillet T5/Relevé 3 avant le 28 février de chaque année;
2. La fiducie inclura ce dividende à son revenu et obtiendra une déduction pour les sommes attribuées à Jonathan et Sébastien. Dans notre exemple, la fiducie n’aura aucun revenu imposable et donc, aucun impôt à payer.
3. La fiducie produira une déclaration d’impôts T3/TP-646 avant le 31 mars de chaque année et remettra un feuillet T3/Relevé 16 à chacun des bénéficiaires.
4. Jonathan et Sébastien incluront le dividende de 50 000$ chacun à leurs impôts personnels et produiront leurs déclarations avant le 30 avril de chaque année.
Photo Bloomberg