Le gestionnaire montréalais d’actifs Fiera Capital serait sur le point de perdre un actionnaire de longue date tandis que le Mouvement Desjardins souhaite vendre sa participation.
Desjardins holding financier inc., une filiale en propriété exclusive indirecte de la Fédération des caisses Desjardins du Québec, a effectivement informé Fiera Capital de son intention de vendre la totalité des parts de Fiera S.E.C. et des actions de Gestion Fiera qu’elle détient.
L’avis d’intention a été communiqué le 23 avril. À cette date, les « titres offerts représentent 7 257 960 actions avec droit de vote subordonné de catégorie A de la Société, soit 6,8 % du nombre total d’actions en circulation de la Société », selon le communiqué diffusé par Fiera Capital.
L’analyste de Valeurs mobilières TD, Graham Ryding, croit qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle. « Notre première impression est que c’est une mauvaise nouvelle. Un important actionnaire à long terme et un partenaire du fondateur Jean-Guy Desjardins souhaite vendre. »
Desjardins a été un partenaire de la première heure de Fiera. En 2003, Desjardins a vendu sa participation majoritaire dans Elantis à Jean-Guy Desjardins. Cette transaction sera le premier chapitre de la création de Fiera. Elle a permis à Jean-Guy Desjardins de se relancer en affaires après avoir vendu TAL Gestion globale d’actifs à la Banque CIBC.
Graham Ryding évalue la participation de Desjardins dans Fiera a une valeur de 55 millions de dollars.
« Nous sommes au capital de Fiera dans une forme ou une autre depuis sa création en 2003. En tant qu’investisseur, nous avons seulement appliqué notre stratégie d’investissement », a signalé Chantal Corbeil, porte-parole principal, Relations publiques, au Mouvement Desjardins, à Finance et Investissement, dans un courriel.
Fiera traverse une période difficile tandis que son action a perdu près de la moitié de sa valeur depuis 2017. Au cours de cette période, Fiera a vu les dirigeants se succéder à la tête de l’entreprise.
En 2017, Vincent Duhamel prenait les rênes à titre de président et chef de l’exploitation globale jusqu’en 2020. Le 1er janvier 2022, Jean-Philippe Lemay a été nommé président mondial et chef de la direction. Il est demeuré en poste une seule année, amenant Jean-Guy Desjardins, qui agissait alors comme président exécutif du conseil de Fiera Capital, à reprendre ses fonctions de chef de la direction, comme il l’avait fait dans l’intervalle Duhamel – Lemay. En janvier 2024, Maxime Ménard a été nommé président et chef de la direction, Fiera Canada et Gestion privée mondiale.
Le départ du gestionnaire de portefeuille vedette, Nadim Riz, en 2021 a soulevé des inquiétudes chez les investisseurs qui craignent l’exode de clients.
L’analyste Geoffrey Kwan, de RBC Marchés des capitaux, voit aussi d’un mauvais œil le départ d’un partenaire de longue date. Il se questionne également à savoir si le désinvestissement de Desjardins aura un impact sur les fonds que Fiera gère pour le compte de la coopérative québécoise.
« Fiera Capital demeure un partenaire d’affaires important pour Desjardins », a précisé Chantal Corbeil, évoquant à titre d’illustration les fonds que le gestionnaire indépendant gère pour Desjardins.
« La vente de ces parts ne remet pas en question notre relation d’affaires avec Fiera », a ajouté la porte-parole de Desjardins.
La transaction pourrait toutefois entraîner des conséquences sur le contrôle qu’exerce la haute direction de Fiera sur l’entreprise, souligne Geoffrey Kwan. La structure en capital où sont les actions de Desjardins détient des actions de catégorie B avec le fondateur Jean-Guy Desjardins et des membres de la haute direction de Fiera.
Les actions de catégorie A et B ont le même poids pour les droits de vote, sauf pour l’élection des administrateurs. Les actionnaires de la catégorie A élisent le tiers des 9 administrateurs tandis que les actionnaires de catégorie B élisent les deux tiers.
La haute direction de Fiera Capital a mentionné « son intention de présenter une offre, avec un partenaire financier, en vue d’acheter les titres offerts auprès de Desjardins ».
Les actions détenues par Desjardins se trouvent dans une structure en capitale différente du reste de l’actionnariat. Ainsi, conformément aux modalités de la convention de la société en commandite régissant Fiera S.E.C., les porteurs de parts détiennent donc un droit de premier refus qui leur permet d’acheter les titres offerts avant que les actions de catégorie A que les titres offerts représentent soient vendues.
« L’équipe de gestion de Fiera est en train de structurer une offre pour pouvoir acquérir les parts que Desjardins est en train de vendre », a confirmé Yasmine Sardouk, vice-présidente, Communications corporatives, à Fiera Capital, dans un entretien téléphonique avec Finance et investissement.
La porte-parole a réitéré le fait que « la transaction de Desjardins fait vraiment partie de la réalisation de leur stratégie d’investissement ».
« Nos relations d’affaires et commerciale avec Desjardins restent évidemment intactes », a ajouté Yasmine Sardouk.
Fiera Capital, dont le siège social est situé à Montréal, est une société de gestion de placement indépendante avec une présence à l’échelle mondiale. Ses actifs sous gestion se chiffraient approximativement à 164,2 milliards de dollars canadiens au 30 juin 2023.
(Avec La Presse Canadienne)