Le mois dernier, le gouvernement fédéral a chargé l’Agence de la consommation en matière financière du Canada d’administrer et d’appliquer le cadre national des services bancaires axés sur le consommateur. Le succès dépendra de la manière dont le secteur privé utilisera ce cadre.
L’ouverture des services bancaires permet aux institutions financières, avec leur consentement, de partager en toute sécurité les informations relatives aux comptes des clients avec des tiers, tels que d’autres banques et des sociétés de gestion de patrimoine.
Le gouvernement définit des normes d’échange de données financières, impose la participation et fixe des règles concernant la cybersécurité, les normes techniques et le règlement des litiges, explique Hwan Kim, associé chez Deloitte Canada à Toronto, spécialisé dans le secteur des services financiers.
« Ils ne sont pas les acteurs, mais ils définissent le terrain de jeu », résume Hwan Kim à propos du rôle du gouvernement.
Le secteur privé, quant à lui, sera chargé de mettre en œuvre les nombreuses utilisations de l’open banking.
Selon Saba Shariff, responsable du développement de nouveaux produits et de la stratégie d’entreprise chez Symcor, une société de traitement des paiements basée à Mississauga (Ontario), le Canada pourrait se diriger vers un modèle hybride de services bancaires ouverts, dans lequel l’industrie poursuit des objectifs dictés par le marché dans le cadre de paramètres définis par le gouvernement.
Par exemple, le projet de loi d’exécution du budget C-69, qui a franchi l’étape de la première lecture le 2 mai, inclut les comptes de dépôt, les comptes d’investissement, les produits de paiement et les lignes de crédit dans sa définition des données financières.
Une fois les règles établies, le succès de l’open banking dépendra de la capacité du secteur privé à utiliser au mieux le cadre, estime Hwan Kim.
Le budget 2024 a encouragé l’élargissement de l’accès au crédit comme l’un des moyens d’utiliser l’open banking.
La société Spring Financial, basée à Vancouver, accorde des crédits à des personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour obtenir des prêts traditionnels, comme les nouveaux arrivants et les jeunes adultes.
Selon Tyler Thielmann, président-directeur général de Spring Financial, le processus de demande comprend le grattage d’écran (screen scraping) ou l’envoi de relevés bancaires au prêteur. Neuf emprunteurs sur dix font leur demande à l’aide d’un appareil mobile, ce qui rend difficile l’envoi de documents par courrier électronique ou par télécopie.
« C’est un processus très ardu et il y a tellement de frictions. C’est très pénible, commente Tyler Thielmann. Nous accompagnons littéralement des centaines de clients dans ce processus chaque jour. »
En outre, le grattage d’écran ne fonctionne pas toujours, précise Tyler Thielmann, et les consommateurs doivent télécharger leurs relevés ou numériser des copies papier en cas d’échec. L’open banking supprimerait ces frictions en fournissant aux prêteurs une interface de programmation d’applications (API) qui les connecterait directement à la banque de l’emprunteur.
Actuellement, le grattage d’écran se fait par le biais d’un intermédiaire appelé agrégateur, qui gratte le compte d’un consommateur et transmet ces informations à l’institution financière destinataire, explique Tyler Thielmann. Même lorsque l’open banking sera pleinement mis en œuvre, les fintechs devront toujours utiliser un intermédiaire, car elles ne disposent généralement pas d’API directes vers les banques.
Symcor est l’un de ces intermédiaires. L’un des services actuels de l’entreprise est la compensation des paiements pour les institutions financières, les services publics et les fournisseurs d’assurance. Symcor travaille depuis 2018 sur un échange de données bancaires ouvert pour le Canada et peut créer une API pour le compte d’une banque.
Symcor a choisi de suivre la norme du Financial Data Exchange (FDX), un organisme industriel à but non lucratif, qui a été mise en œuvre en 2018 et est maintenant utilisée par plus de 60 institutions financières au Canada et aux États-Unis, rapporte Saba Shariff.
« Si le gouvernement devait choisir quelque chose d’autre que FDX, nous pouvons atténuer l’écart, affirme-t-elle. Nous le mettrons à jour de notre côté. »
N’importe quelle entreprise peut recevoir des informations financières par le biais de l’open banking, à condition de passer l’accréditation réglementaire et de recevoir le consentement des consommateurs, explique Saba Shariff. Les consommateurs pourraient être disposés à partager des informations tant que l’entreprise leur offre quelque chose de significatif en retour.
« Nous ne savons pas quels seront les cas d’utilisation », souligne-t-elle.
Les détaillants qui proposent des programmes de fidélisation, par exemple, ne disposent pas d’informations sur les habitudes des consommateurs au-delà de leur propre réseau. L’accès aux données relatives aux transactions des consommateurs peut les aider à comprendre où les gens font leurs achats, ce qu’ils achètent et comment personnaliser les offres pour les clients, déclare Hwan Kim.
Les entreprises dont la clientèle est plus jeune bénéficieront probablement de l’open banking, car les jeunes sont plus susceptibles d’être à l’aise avec les nouvelles fonctionnalités numériques, selon Hwan Kim. Les entreprises qui s’engagent plus fréquemment avec leurs clients par voie numérique en sortiront également gagnantes.