Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu’il adoptait une approche optimiste après que le Parlement européen a pris un tournant vers l’extrême droite lors des élections européennes. Ces résultats pourraient toutefois avoir un impact sur les politiques commerciales et climatiques du Canada.
« Cela montre que l’extrême droite devient de plus en plus dominante à travers l’Europe, explique Achim Hurrelmann, codirecteur du Centre d’études européennes de l’Université Carleton.
« Ils sont désormais devenus un élément persistant du système des partis duquel nous devons tenir compte. »
Les partis d’extrême droite ont fait un bond en avant lors du vote qui a eu lieu en fin de semaine pour le Parlement européen, prenant des sièges aux partis traditionnels à travers le continent.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé, à la surprise générale, qu’il déclenchait des élections législatives anticipées après que son parti a subi une lourde défaite face au parti d’extrême droite du Rassemblement national, qui a obtenu plus de 31 % des voix. Quelque 16 % des voix allemandes sont allées à l’Alternative pour l’Allemagne, également d’extrême droite, malgré une série de scandales et d’accusations de racisme.
Achim Hurrelmann souligne que des pays de l’Union européenne (UE) comme l’Italie et l’Autriche ont également vu le soutien se renforcer pour des partis auparavant considérés comme marginaux, mais qui ont récemment adopté un ton plus modéré.
« Les partis d’extrême droite existent désormais en tant que force politique significative dans la plupart des États membres (de l’UE) », constate-t-il.
Achim Hurrelmann note que ces élections s’inscrivent dans un contexte où l’Europe est aux prises avec des défis auxquels elle doit répondre, notamment des préoccupations concernant le coût de la vie et l’immigration.
Les résultats ont été influencés par des facteurs uniques à chaque pays, explique Achim Hurrelmann. Il estime que le soutien élevé aux partis d’extrême droite en France et en Allemagne était aussi un vote de protestation contre les gouvernements de ces deux pays.
Mais il ajoute que certains problèmes se retrouvent à travers le continent, comme le coût de la guerre en Ukraine et l’argument selon lequel laisser la Russie envahir ce pays pourrait faire baisser les prix élevés du gaz.
Quels effets au Canada ?
Achim Hurrelmann rappelle que le « pacte vert » européen comprend des politiques de réduction des émissions de carbone qui sont conformes aux politiques canadiennes, mais que de plus en plus de partis à travers le continent souhaitent réformer ce projet.
« Le domaine le plus intéressant à surveiller est probablement la politique relative au changement climatique », croit le chercheur.
En novembre dernier, le Canada et l’UE ont déclaré qu’ils formaient un « partenariat de plus en plus approfondi » axé sur la stabilité mondiale, la lutte contre le changement climatique et le respect des droits de l’homme.
Mais Achim Hurrelmann pense que le populisme croissant pourrait mener à une approche plus insulaire de la part de l’Europe, en particulier si les électeurs américains ramènent Donald Trump à la Maison-Blanche, alors que celui-ci promet de ne pas respecter les règles et les institutions internationales.
« Nous constatons déjà, en Europe, une tendance accrue à veiller de plus près aux intérêts de l’Union européenne, au lieu d’essayer de protéger avant tout l’ordre international fondé sur des règles, dit-il.
Ce pourrait être assez problématique pour le Canada, si l’Europe n’est plus cet allié inflexible pour les priorités canadiennes. »
Lundi, Justin Trudeau a réagi aux résultats en France, notant qu’« une montée des forces populistes de droite » se produit dans la plupart des démocraties.
« Nous voyons dans toutes les démocraties à travers le monde plus de pression d’une droite populiste qui n’offre pas énormément de solutions, mais qui est en train de mobiliser la colère, la peur, la frustration », a-t-il déclaré aux journalistes à Québec.
« Mon approche, c’est toujours de proposer des solutions concrètes plutôt que simplement d’amplifier la colère. D’autres choisissent d’essayer de l’instrumentaliser », a-t-il poursuivi.
Les conservateurs ont soutenu à plusieurs reprises que la frustration croissante au Canada était le résultat des politiques libérales qui, selon eux, ont causé des problèmes économiques.
Achim Hurrelmann indique également que les résultats des élections françaises pourraient mettre à rude épreuve l’accord de libre-échange entre le Canada et l’UE. En mars, le Sénat français a rejeté l’accord qui est provisoirement en vigueur depuis 2017, tandis qu’une poignée d’autres pays n’ont pas encore pleinement mis en œuvre l’accord.
L’ambassadrice du Canada auprès de l’UE, Ailish Campbell, a déclaré le mois dernier que la mise en œuvre provisoire avait bien fonctionné, et elle a suggéré que la signature du même accord aujourd’hui pourrait ne pas être possible en raison de la montée du protectionnisme en Europe ces dernières années.
« Il était incroyablement judicieux que nous ayons conclu cet accord au moment où nous l’avons fait », a-t-elle déclaré devant la commission sénatoriale des affaires étrangères le 30 mai.
« C’est le devoir de l’UE de déterminer la manière dont elle ratifie cet accord, et elle devrait prendre tout le temps nécessaire pour mener à bien ce processus, car l’accord fonctionne vraiment bien. »