C’est le 4 septembre prochain que la Banque du Canada doit établir son nouveau taux directeur. Le 24 juillet, la banque centrale a choisi de l’abaisser d’un quart de point de pourcentage pour le fixer à 4,5 %.
Cette baisse était attendue par la majorité des observateurs et un consensus similaire est présent pour septembre. Le gouverneur Tiff Macklem a d’ailleurs indiqué que les responsables de la Banque du Canada sont « de plus en plus convaincus que les ingrédients nécessaires pour ramener l’inflation à la cible sont réunis », tandis que son taux se rapproche effectivement de l’objectif de 2 %.
Il a affirmé que, si « l’inflation continue de ralentir de manière généralement conforme à notre prévision, il est raisonnable de s’attendre à d’autres réductions du taux directeur. Le moment de ces baisses dépendra de la façon dont nous pensons que ces forces opposées vont évoluer », ajoutant néanmoins que les décisions de politique monétaire seraient prises une à la fois.
Tout dépend donc de la manière dont la situation économique va évoluer. À cet égard, les facteurs à considérer ne manquent pas. Par exemple, Statistique Canada a publié cette semaine son rapport sur le produit intérieur brut. Il fait état d’une légère croissance de l’économie canadienne de 0,2 %. Les économistes ont qualifié cette croissance de « timide », bien qu’elle soit légèrement meilleure que prévue. Ce léger mouvement justifie, selon eux, « une réduction continue des taux d’intérêt de la part de la Banque du Canada », a rapporté La Presse Canadienne.
Philippe Simard, Directeur hypothécaire au Québec chez Ratehub.ca, partage cet avis. Selon lui, bien que « le PIB du mois de mai ait été légèrement plus élevé que prévu, il ne fera pas dérailler la Banque du Canada dans sa stratégie de réduction des taux d’intérêt. La croissance rapide de la population continue de dépasser largement les gains d’emplois, tandis que la mesure par habitant continue de baisser. Ces signes concrets de ralentissement de la croissance économique plaident en faveur d’un assouplissement de la politique monétaire, ce qui laisse présager une nouvelle baisse d’un quart de point en septembre. »
« L’un des principaux freins à la croissance du PIB en mai a été la baisse du secteur du commerce de détail, qui a reculé de 0,9 %. Cela indique que les dépenses des consommateurs et des ménages restent faibles et limitées par les taux d’intérêt élevés. C’est une preuve supplémentaire que le cycle de forte hausse des taux entrepris par la Banque du Canada continue d’avoir l’effet désiré sur l’inflation », ajoute Philippe Simard.
Les yeux tournés vers le sud
La situation économique aux États-Unis est un autre facteur incontournable à considérer. Ainsi, au moment de décider du prochain taux directeur, les responsables de la Banque du Canada vont regarder de quel côté vient le vent qui souffle sur son voisin américain.
À cet égard, le 31 juillet, la Réserve fédérale américaine (Fed) a maintenu la fourchette cible des taux des fonds fédéraux entre 5,25 % et 5,50 %, malgré certaines attentes baissières de la part des marchés financiers.
Cependant, le président Jerome Powell et les autres décideurs de la Fed ont clairement laissé entendre qu’une baisse des taux se profilait à l’horizon, probablement dès la réunion de septembre.
Plus particulièrement, dans sa déclaration suivant la réunion de mercredi dernier, la Fed a souligné qu’elle est désormais attentive aux risques présents des « deux côtés » de son double mandat. Elle abandonne ainsi l’accent mis sur l’inflation, qui a été le thème dominant jusqu’à présent. Il faut dire que le Congrès réclame de la Fed qu’elle favorise à la fois des prix stables et le plein emploi.
Philippe Simard ne s’étonne pas que le Federal Open Market Committee (FOMC) ait choisi de maintenir le taux des fonds fédéraux américains inchangé dans une fourchette de 5,25 à 5,5 %. Il trouve toutefois « remarquable » le « changement de langage du FOMC en ce qui concerne l’inflation, indiquant que, bien qu’elle reste quelque peu élevée, il y a eu de nouveaux progrès vers leur objectif de 2 %. Cela renforce la possibilité d’une réduction des taux en septembre, à condition que l’IPC publié le 14 août montre une amélioration ».
De fait, parmi les autres éléments militant en faveur d’une baisse de taux en septembre aux États-Unis, c’est l’indication faite par la Fed à savoir que « certains » progrès supplémentaires vers une inflation à 2 % ont été réalisés — une amélioration par rapport aux résultats précédents —, tandis que les gains d’emplois ont été « modérés ».
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un engagement préalable explicite, le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des États-Unis se prépare à procéder à une baisse dans un avenir très proche, estime Michael Brown, stratège de recherche principal chez Pepperstone, dans une analyse de marché.
Bien sûr, le président Powell ne s’est pas engagé sur une trajectoire politique spécifique en offrant plus de précision sur le moment où la normalisation de la politique devrait commencer. La Fed a ainsi répété en conférence de presse qu’elle « ne s’attend pas à ce qu’il soit approprié » de réduire les coûts d’emprunt « tant qu’elle n’aura pas acquis une plus grande confiance » dans le fait que l’inflation chute progressivement à 2 %, ce qui laisse planer des doutes sur le calendrier de baisse des taux.
Cependant, même si le Conseil des gouverneurs de la Fed reste dépendant des données, tout indique que la première baisse des taux aura lieu lors de la réunion de septembre.
Ainsi, « tous les regards seront tournés vers les prochains chiffres de l’IPC américain, le président de la Fed, Jerome Powell, ayant confirmé dans ses commentaires que de bons chiffres ouvriraient la voie à une baisse en septembre », affirme Philippe Simard.
Par la suite, de nouvelles réductions à un rythme trimestriel, en lien avec la publication des résumés actualisés des projections économiques, semblent probables, conduisant à des réductions cumulées de 50 points de base cette année, légèrement plus fortes que ce que les marchés anticipent actuellement − à moins, bien sûr, d’éventuelles surprises défavorables en matière de données ou de chocs externes, prévoit Michael Brown.
Pour l’analyste, un tel rythme d’assouplissement serait à peu près conforme à celui qui sera appliqué dans les prochaines semaines par d’autres banques centrales du G10, soit le Groupe des dix dont fait partie le Canada. Déjà, le 1er août, la Banque d’Angleterre, encouragée par un retour de l’inflation à sa cible, a abaissé son taux directeur d’un quart de point de pourcentage, à 5 %. Il s’agit d’une première baisse pour la banque centrale depuis mars 2020 et le début de la pandémie de COVID-19.
Au final, le « langage utilisé dans l’annonce de la Fed et dans les commentaires de M. Powell donne à la Banque du Canada une assurance supplémentaire qu’elle peut continuer à réduire son taux directeur sans risque pour notre monnaie ou sans déclencher davantage d’inflation », selon Philippe Simard.
(Avec Nathalie Savaria)