Le présent dossier tente de relever le défi de mettre un certain ordre dans cette panoplie de mesures afin d’avoir une idée plus claire de celles-ci.
Chacun des crédits ou mesures est étudié en présentant sa raison d’être et en expliquant brièvement les situations qui y donnent accès, dans l’objectif de pouvoir cibler rapidement ceux qui pourraient être applicables à une situation donnée. Le lecteur pourra ensuite se diriger vers d’autres sources pour prendre connaissance des modalités détaillées, notamment le Guide des mesures fiscales de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
Le tableau qui suit présente une vue d’ensemble des 13 crédits et mesures étudiés. Ils sont regroupés selon qu’ils sont communs aux deux ordres gouvernementaux ou à un seul. Ils sont également classés selon trois catégories :
- ceux liés à l’âge ou au fait de recevoir des revenus de pension (fédéral) ou de retraite (Québec);
- ceux destinés à apporter une aide financière pour le maintien à domicile des personnes âgées;
- ceux liés à la santé.
Pour consulter le tableau en grand format, veuillez cliquer sur le présent lien.
Les crédits liés à la santé seront présentés dans le cadre d’un deuxième article. Tous les montants et taux cités ci-après sont ceux applicables en 2024.
Les crédits et les mesures liés à l’âge ou au fait de percevoir un revenu de pension
Le simple fait d’atteindre un âge déterminé ou de percevoir des revenus de pension peut donner accès à l’une ou plusieurs des quatre mesures qui suivent. Étant donné que leur but est d’apporter une aide financière, le niveau du revenu a un impact sur l’admissibilité.
- Crédit d’impôt en raison de l’âge (fédéral et Québec) – Non remboursable
L’accès à ce crédit est lié au fait d’atteindre l’âge de 65 ans. Puisque la raison d’être du crédit est de réduire le fardeau fiscal des personnes âgées ayant un faible ou un moyen revenu, des seuils de réduction (40 925 $ au Québec et 44 325 $ au fédéral) et de sortie (61 181 $ au Québec et 102 925 $ au fédéral) sont à considérer dans le calcul.
À noter :
- Alors que le montant admissible au crédit est réduit par le revenu net du contribuable au fédéral, au Québec, les paramètres de calcul du crédit considèrent plutôt le revenu familial.
- Crédit d’impôt pour revenus de pension ou de retraite (fédéral et Québec) – Non remboursable
L’objectif derrière ce crédit est de protéger le revenu de retraite des personnes âgées à faible et moyen revenu de l’inflation. Le prérequis pour l’admissibilité à ce crédit est donc la réception de revenus de pension admissibles.
Tant au fédéral qu’au Québec, les revenus de pension de source gouvernementale ne donnent pas accès au crédit (pension de la Sécurité de la vieillesse, Supplément de revenu garanti, rentes du Régime de rentes du Québec).
Pour ce qui est des rentes admissibles, il est important de savoir qu’il y a des différences au fédéral selon que le pensionné a atteint ou non l’âge de 65 ans, ce qui n’est pas le cas au Québec.
À noter :
- Il y a un seuil de réduction au Québec qui débute à 40 925 $ de revenu net familial.
- Le crédit fédéral n’ayant aucun seuil de réduction, le particulier a droit à la valeur maximale du crédit dès que son impôt à payer est suffisant. Ce crédit n’est toutefois pas indexé annuellement.
3) Le fractionnement du revenu de pension ou de retraite entre conjoints (fédéral et Québec)
Cette mesure est une option annuelle offerte aux couples. Elle a été mise en place pour aider les retraités dans la gestion de leur retraite en leur donnant accès à une réduction du fardeau fiscal du couple. Comme il n’y a pas de seuil de réduction, cette mesure est disponible pour tous les pensionnés. Du côté du Québec, le particulier qui fractionne son revenu doit toutefois avoir atteint 65 ans avant la fin de l’année, ce qui n’est pas exigé au fédéral.
Le choix, qui peut être différent au fédéral et au Québec et qui ne lie pas les conjoints d’une année à l’autre, consiste à transférer l’imposition d’une partie du revenu de pension admissible d’un particulier entre les mains de son conjoint, jusqu’à un maximum de 50 % de ce revenu. Le choix n’entraîne donc pas de réel transfert d’argent. C’est simplement l’imposition du revenu de pension admissible qui est partagée entre les deux conjoints au moment de la préparation des déclarations de revenus annuelles.
La réalisation du choix et le transfert de l’imposition d’une partie du revenu de pension d’un conjoint à l’autre impliquent également un transfert proportionnel de l’impôt retenu à la source sur ce revenu. Le choix a par ailleurs pour incidence de rendre les deux conjoints solidairement responsables du paiement de l’impôt qui résulte du revenu de retraite transféré.
Tout comme le crédit pour revenu de pension, le fractionnement n’est pas admissible à l’égard des revenus de pension de source gouvernementale.
À noter :
- Ce fractionnement peut s’avérer intéressant si le conjoint à qui est transféré une partie du revenu n’a pas personnellement reçu de revenus de pension. Il pourra permettre d’obtenir une deuxième fois le crédit d’impôt pour revenu de pension ou de retraite au fédéral et au Québec si le seuil de revenu familial n’est pas atteint.
4) Crédit d’impôt pour le soutien des aînés (Québec) – Remboursable
Ce crédit d’impôt se veut un soutien financier supplémentaire aux aînés âgés de 70 ans et plus qui sont à faible ou moyen revenu. Ce crédit, d’un maximum de 2 000 $ pour un particulier admissible, peut atteindre 4 000 $ pour un couple. Le seuil de réduction pour une personne seule est de 27 065 $ et de 44 014 $ (revenu familial) pour le couple. Étant donné le taux de réduction de 5,31 %, les seuils de sortie se situent environ entre 80 000 $ et 120 000 $.
Les crédits d’impôt liés au maintien à domicile des personnes âgées
La possibilité de demeurer à son domicile le plus longtemps possible est le souhait de la plupart des personnes. À cet égard, les deux ordres gouvernementaux ont mis en place des mesures destinées à soutenir financièrement cet objectif.
L’analyse de la nature des crédits permet de constater que les crédits fédéraux visent les dépenses liées à l’aménagement structurel et permanent du logement alors que les crédits québécois, bien que touchant l’installation de certains équipements, visent plutôt l’achat ou la location d’équipements ainsi que les services de soutien à domicile qui contribuent à accroître l’autonomie et à faciliter un maintien à domicile. Autre différence notable, les deux crédits fédéraux sont accessibles à partir de l’âge de 65 ans alors qu’il faut atteindre l’âge de 70 ans pour bénéficier des crédits québécois.
- Crédit d’impôt pour accessibilité domiciliaire (fédéral) – Non remboursable
Ce crédit a pour objectif de reconnaître les incidences des dépenses engendrées pour améliorer la sécurité, l’admissibilité et la fonctionnalité d’un logement pour les aînés. Il se calcule à l’égard des dépenses admissibles qui ont été engagées pour rénover ou modifier un logement admissible. Le crédit peut être réclamé par la personne âgée de 65 ans et plus ou par un proche de cette dernière (époux ou conjoint de fait, parent, grand-parent, enfant, petit-enfant, frère, sœur, tante, oncle, neveu, nièce du particulier déterminé ou son époux ou conjoint de fait) selon l’identité du propriétaire du logement.
Les rénovations admissibles sont celles qui ont un caractère durable et qui font partie intégrante du logement. On vise tant une rénovation qu’une modification réalisée au logement. Toutefois, l’admissibilité est assujettie au fait de remplir l’une des conditions suivantes, soit :
- permettre au particulier d’avoir accès au logement, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne (par exemple, rampe d’accès pour un fauteuil roulant, modifications au logement pour être en mesure de s’y déplacer en fauteuil roulant);
- réduire le risque de blessures pour le particulier à l’intérieur du logement ou en y accédant (par exemple, baignoire avec porte, barre d’appui).
Les dépenses admissibles sont limitées à 20 000 $ par année et visent la main-d’œuvre ainsi que les biens acquis pour la réalisation de la rénovation (matériaux de construction, accessoires fixes, location d’équipement, plans de bâtiments, permis).
À noter :
- Certaines dépenses peuvent également être admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux. La double prise en compte est permise!
- Si plus d’une personne âgée de 65 ans et plus vit dans le logement admissible, les dépenses admissibles à l’égard de ce logement sont limitées à 20 000 $ par année pour l’ensemble de ces particuliers et ceux-ci peuvent se répartir le crédit.
- La quote-part du particulier dans les dépenses engagées par un syndicat de copropriété dans les aires communes peut se qualifier au crédit.
- Ce crédit est également disponible pour les personnes handicapées, sans égard à l’âge.
- Crédit d’impôt pour frais engagés par un aîné pour maintenir son autonomie (Québec) – Remboursable
Ayant les mêmes objectifs que le crédit fédéral précédent, ce crédit québécois s’applique aux frais engagés par un particulier ou son conjoint pour l’achat, la location et l’installation dans leur lieu de résidence de biens qui aident à minimiser les risques de chutes et qui facilitent les interventions rapides en cas d’accident.
Les dépenses admissibles sont spécifiquement prévues et elles incluent, entre autres, un dispositif de repérage par système de localisation GPS, une baignoire à porte, une douche de plain-pied, un lit d’hôpital, une prothèse auditive, une marchette, un déambulateur, une canne, des béquilles ou un fauteuil roulant non motorisé.
Le taux de ce crédit est de 20 % et les dépenses admissibles sont assujetties à une franchise de 250 $. Certaines des dépenses peuvent également se qualifier comme frais médicaux dans le calcul du crédit d’impôt pour frais médicaux qui est également à 20 %. Le cumul des crédits pour une même dépense n’est toutefois pas permis. Une vérification du crédit le plus avantageux s’avère donc nécessaire sachant que le crédit pour frais médicaux n’est pas assujetti à la franchise de 250 $, mais qu’il est toutefois un crédit non remboursable.
À noter :
- Il est possible de demander rétroactivement ce crédit jusqu’à 10 ans en arrière (sous réserve de respecter la condition relative à l’âge).
- Les frais de séjour dans une unité transitoire de récupération fonctionnelle sont également admissibles, sans franchise, mais pour un maximum de 60 jours par séjour. Il est possible de réclamer plus d’un séjour par année d’imposition.
- Crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles (fédéral) – Remboursable
Introduit en 2023, ce crédit vient en soutien aux particuliers qui choisissent la maison multigénérationnelle comme avenue pour prendre soin de proches et contribuer au maintien de leur autonomie.
Le crédit s’applique sur les dépenses admissibles qui sont engagées à l’égard d’une rénovation admissible, c’est-à-dire à l’égard d’une rénovation qui crée un deuxième logement permettant à une personne âgée d’au moins 65 ans ou une personne handicapée sans égard à l’âge de vivre sous le même toit qu’un proche admissible (parent, grand-parent, enfant, petit-enfant, frère, sœur, tante, oncle, nièce ou neveu du particulier déterminé ainsi que toute personne qui est le conjoint de l’un de ces particuliers). Il peut être demandé par le particulier ou par le proche, selon l’identité du propriétaire du logement.
Les travaux réalisés doivent avoir un caractère durable et faire partie intégrante du logement admissible (que ce soit une nouvelle construction ou le réaménagement d’un espace existant). Le deuxième logement doit être autonome et distinct, ce qui implique la présence d’une entrée privée, d’une cuisine, d’une salle de bain et d’un espace pour dormir.
Le montant maximal des dépenses admissibles est de 50 000 $ et le crédit, qui est de 15 %, pourra être réclamé dans l’année d’imposition dans laquelle prend fin la période de rénovation.
À noter :
- La création d’un deuxième logement pourrait avoir des incidences sur l’exemption pour résidence principale.
- Crédit d’impôt pour le maintien à domicile des aînés (Québec) – Remboursable
Toujours dans l’objectif de favoriser le maintien à domicile le plus longtemps possible des personnes âgées de 70 ans et plus, ce crédit est un coup de pouce financier à l’égard de services de soutien à domicile.
Le taux du crédit est de 38 % en 2024 et il atteindra 40 % en 2026. Le montant maximal des dépenses annuelles admissibles (entre 19 500 $ et 51 000 $) varie selon la situation familiale et le fait que le particulier et/ou son conjoint soient autonomes ou non. Des seuils de réduction sont applicables en fonction du revenu familial et varient encore là selon le niveau d’autonomie.
Les dépenses admissibles au crédit dépendent de l’endroit où vit le particulier et sont de la nature de l’aide à la personne comme les services d’aide à l’habillage et à l’hygiène, les services infirmiers, les services d’entretien ménager, du terrain, le déneigement et les services de livraison de l’épicerie.
À noter :
- Les services admissibles qui sont inclus dans le prix d’un loyer donnent droit au crédit à raison de 5 % du loyer mensuel calculé sur un loyer minimal de 600 $ et un loyer maximal de 1 200 $.
- Ce crédit peut être demandé lors de la production de la déclaration de revenus ou encore par anticipation en remplissant le formulaire prescrit.
Voilà qui clôt cette première partie à l’égard des différentes mesures destinées à soutenir financièrement les aînés.
Par Sophie Bélanger, notaire, M. Fisc., Professeure adjointe – Département de fiscalité, École de gestion Université de Sherbrooke, Sophie.Belanger4@USherbrooke.ca
Ce texte a été publié initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 29, no 2 (Été 2024).