Actif sous le nom de Fondation Universitas jusqu’en 2019, le courtier en plans de bourses d’études Kaleido Croissance fête cette année ses 60 ans et poursuit sa croissance dans une formule transformée.
Pour la petite histoire, la Fondation Universitas est née en 1964, dix ans avant l’apparition du régime enregistré d’épargneétudes (REEE). À l’Université Laval, des étudiants ont formé un club de placement visant à investir pour les études de leurs enfants. Les investisseurs-parents renonçaient aux revenus de leurs placements et pouvaient retirer seulement leur capital. Émergeant de ces origines modestes et sous l’impulsion de Jean Marchand, qui a plus tard fondé la compagnie d’assurance L’Unique, « on a participé à la conception du REEE au Québec », affirme Isabelle Grenier, présidente et chef de la direction de Kaleido depuis 2019.
En 2021, un recours collectif intenté contre six distributeurs canadiens de régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) a mis Kaleido sur la sellette à titre d’un de ces distributeurs. Le recours mettait en question les frais de souscription, qu’on jugeait « abusifs » ou « illégaux ». Ainsi, selon un article de Marie-Ève Fournier paru dans La Presse, ces frais s’élevaient à 3798,70 $ sur une contribution annuelle de 5 000 $ la première année, à CST Consultants et non pas à Kaleido. Ces frais atteignaient un plafond de 5194,80 $ la deuxième année.
Pour l’heure, « la date d’audition de cette cause n’a pas encore été fixée », affirme Isabelle Grenier. Les premiers remous de cette poursuite remontent à 2016, précise-t-elle, au moment où « les plans collectifs comme les nôtres étaient de plus en plus critiqués pour leurs restrictions ».
La dirigeante prend soin de dissocier sa société de toute notion d’abus : « Toutes les fondations au Canada ont appliqué les mêmes réglementations, mais on était les seuls à rembourser les frais de souscription en totalité à la maturité du plan quand le bénéficiaire atteignait 17 ans. Les autres fondations remboursaient ces frais seulement en partie. »
Or, depuis 2017, la société a entrepris de transformer sa présentation et son offre. En 2017, la Fondation Universitas fait voter ses clients sur un projet de réforme qui vise à assouplir les critères et à refléter la plus grande diversité des parcours post-secondaires des bénéficiaires. Or, le vote est fortement critiqué parce qu’il entraîne un spectre plus large de bénéficiaires et un partage plus grand des actifs. Un second vote en 2018 confirme le premier.
Aussi, nouvelle donne, le paysage concurrentiel en transformation, un nombre croissant d’institutions financières offrant des REEE. Aujourd’hui, dans le site de Revenu du Québec, on compte 58 fournisseurs autorisés, mais on y trouve beaucoup de filiales d’une même institution. Par exemple, BMO y est présente trois fois à titre de BMO Investissements, BMO Ligne d’action et BMO Nesbitt Burns.
Au moment où elle accède à la présidence, Isabelle Grenier accélère la réforme. « On a changé le nom, qui était trop évocateur de l’université et portait une connotation élitiste qui ne reflétait pas notre réalité. »
Le modèle d’affaires a également été modifié. « On voulait une approche moins transactionnelle et plus relationnelle », illustre-t-elle. Surtout, en mai 2022, Kaleido lance des produits individuels sous le nom IDEO+, sur le modèle des REEE individuels des concurrents et, en même temps, ajoute-t-elle, « on cesse la distribution de nos plans collectifs, mais sans les dissoudre et en continuant d’honorer les plans existants ».
Un peu avant la pandémie, la Fondation Universitas amorce un virage numérique, permettant à un client de suivre un parcours quasi autonome pour ouvrir un compte en ligne, avec possibilité d’accompagnement par clavardage ou par télérencontre. Aujourd’hui, les produits de Kaleido circulent via trois canaux : un canal traditionnel avec représentants sur le terrain qui rencontrent les clients en présentiel ou virtuellement, un canal en ligne et, depuis 2023, une offre en entreprise pour les employeurs qui veulent ajouter une option REEE à leurs avantages sociaux.
Offre individuelle
L’offre de Kaleido se résume maintenant à trois portefeuilles IDEO+, qui n’imposent ni frais d’entrée ni frais de sortie. À l’instar des fonds à date cible, ils sont conçus « pour permettre une gestion évolutive du risque où celui-ci est modulé selon l’âge du jeune bénéficiaire », dit Isabelle Grenier.
Ainsi, on retrouve un fonds IDEO+ Prudent, un IDEO+ Évolutif et un IDEO+ Responsable. Dans ces portefeuilles, AlphaFixe Capital gère les actifs de marché monétaire et à revenu fixe, tandis que Fiera Capital gère la part en actions, qu’elles soient canadiennes, américaines, internationales ou de petite capitalisation.
Chacun des plans IDEO + présentait au 31 mars 2024 une feuille de route supérieure à son indice Morningstar de référence, selon Kaleido. Depuis la création des portefeuilles le 1er mai 2022, le portefeuille Prudent affichait un rendement de 2,70 % comparativement à 2,12 % pour l’indice Morningstar Canadian Fixed Income Balanced ; l’Évolutif affichait 4,90 % par rapport à 4,34 % pour l’indice Morningstar Global Neutral Balanced, et le Responsable, 8,34 % contre 4,34 % du même indice. Notons que ce dernier indice de référence n’est pas un indice de marché « responsable ». Pour chaque fonds, les frais totaux se présentent comme suit : Prudent, 2,12 % ; Évolutif, 2,42 % ; Responsable, 2,51 %.
Par comparaison, les plans REEE de la Banque Nationale proposent un choix d’investissements plus large et des frais plus bas. Le titulaire d’un plan peut composer son portefeuille à partir de CPG ou de titres individuels via Banque Nationale Courtage direct, ou choisir parmi des solutions pré-formatées : six portefeuilles complets (équilibré, croissance, prudent, etc.), six fonds d’actions canadiennes, huit d’actions mondiales, trois fonds spécialisés et trois fonds indiciels.
Le ratio des frais de gestion (RFG) va de 0,48 % pour le Fonds indiciel d’actions canadiennes à 2,36 % pour le Fonds d’actions canadiennes toutes capitalisations BNI. Par contre, pour les portefeuilles, les RFG varient de 1,88 % à 2,48 %.
Enfin, le client peut avoir accès à un conseiller de la banque à tout moment et sans frais, souligne Ravy Pung, planificatrice financière à la Banque Nationale.
Face à la vive concurrence, Kaleido maintient une croissance respectable. De 32 millions de dollars (M$) en 2020, la valeur des contrats émis est passée à 43 M$ en 2023 tandis que les actifs totaux sont passés, dans la même période, de 1,77 milliard à 1,9 milliard.
En janvier 2023, une nouvelle ombre a plané sur Kaleido à la suite d’une fraude informatique au cours de laquelle les actifs accumulés dans les comptes de quelques dizaines de clients ont été volés, pour une somme totale dépassant 100 000 $, indique Isabelle Grenier sans vouloir préciser davantage. Il ne n’agissait pas d’un événement de cyberpiratage, précise-t-elle, mais plutôt d’un vol d’identité perpétré hors des réseaux de Kaleido. À l’aide de ces identités falsifiées, les fraudeurs ont pu avoir un accès illégal aux comptes de leurs victimes.
« On a pris sur nous de rembourser la totalité des sommes », affirme la PDG, et procédé au renforcement des mesures de sécurité. « Le risque zéro n’existe pas, signale-t-elle, mais on fait régulièrement des tests sur nos systèmes, on conduit des audits de sécurité régulièrement ; des experts externes suivent notre plan de sécurité et on a instauré des mesures d’authentification robustes, notamment avec une double authentification implantée après la fraude, avec des alertes sur tout comportement douteux. »
Malgré ces défis, l’avenir de Kaleido « s’annonce radieux », lance Isabelle Grenier.