Homme avec loupe sur fond blanc.
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Une idée reçue dans le secteur du courtage des valeurs mobilières surgit à l’occasion lorsque Finance et Investissement sonde des conseillers liés à des courtiers indépendants.

Certains jugent discutables la pratique d’un courtier en épargne collective ou en placement appartenant à une institution financière d’offrir des avantages aux clients lorsque ceux-ci y transfèrent leurs actifs financiers.

Par exemple, un client souhaite obtenir le taux d’intérêt le plus bas possible pour le financement de son projet. Lors de la négociation, on laisse entendre que si le client veut obtenir le meilleur taux, il devrait transférer ses actifs, comme ses comptes REER ou non enregistrés. On désigne parfois cette activité comme une vente croisée.

Certains croient à tort que cette pratique est interdite, selon des répondants au Baromètre de l’assurance 2023. Dans tous les cas, ils aimeraient qu’elle le devienne. Selon eux, il est déloyal pour une institution financière d’utiliser sa marge de négociation sur un prêt hypothécaire afin de faire gagner des actifs au courtier en épargne collective ou au courtier en placement dont elle est propriétaire.

On a demandé à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de se prononcer sur les ventes croisées. Selon nos recherches, différents règlements semblent encadrer ce genre de pratique, comme l’article 7.4 du Règlement 81-105 sur les pratiques commerciales des organismes de placement collectif (OPC), qui porte sur les ventes liées, ou le Règlement 31-103 sur les conflits d’intérêts découlant des ententes d’indication, ces ententes qui sont faites entre un courtier et une société tierce.

«Les autorités en valeurs mobilières du Canada ne verront pas de manquement à l’article 7.4 dans le fait qu’une institution financière offre un prêt à un client à des conditions plus favorables qu’elle ne le ferait autrement, s’il souscrit des titres d’OPC qu’elle parraine», répond l’AMF, citant la section 9.2 de l’instruction générale relative au Règlement 81-105.

Le groupe de régulateurs provinciaux sait que certains intervenants du secteur offrent des avantages pécuniaires à des clients, «pratique qu’on peut qualifier de “relationnelle ». L’article 7.4 ne vise pas à interdire cette pratique ni d’autres semblables».

«Par contre, il y aura manquement dans le fait que l’institution financière refuse d’octroyer un prêt au client si ce dernier ne souscrit pas de titres d’OPC qu’elle parraine, bien qu’il réponde par ailleurs à ses critères de crédit», selon l’instruction générale. En clair, le genre de vente croisée qui déplaît à certains représentants est davantage une «pratique relationnelle»qui n’est pas interdite.

Or, selon l’AMF, l’institution de dépôt a certaines obligations relatives à ses pratiques commerciales, dont d’évaluer si le produit offert convient au client, notamment à ses besoins financiers.

«Lorsqu’une situation de conflit d’intérêts entraîne une vente, une opération ou une pratique inadéquate, l’AMF s’attend à ce que tout conflit d’intérêts réel ou potentiel soit évité ou géré de façon à assurer le traitement équitable des clients», indique le régulateur dans un courriel en réponse à nos questions.

«L’Autorité s’attend à ce que l’institution gère les situations pouvant engendrer des conflits d’intérêts, et qu’elle effectue des contrôles pour détecter les pratiques inadéquates en découlant et s’assure du traitement équitable des clients (respect de leurs besoins et intérêts)», précise-t-on. Cette dernière obligation prévoit entre autres d’assurer de façon continue et efficace la surveillance, la supervision et la formation de ses personnes physiques inscrites.

Le régulateur ajoute que si un représentant détectait chez une institution des pratiques pouvant nuire au traitement équitable des clients, il pourrait dénoncer le tout à l’AMF:«Toutefois, le fait de rapatrier les avoirs d’un client afin de centraliser ceux-ci dans une même institution ne signifie pas nécessairement qu’une pratique inadéquate a eu lieu.»

«Je trouve la pratique discutable, indique Maxime Gauthier, directeur général et chef de la conformité à Mérici Services financiers. Cela donne un avantage indu aux institutions financières… Il est plus facile de démarrer un courtier qu’une banque dans la vie ! Disons que la barrière à l’entrée est importante.»

Le dirigeant ajoute qu’il sait qu’il était interdit de refuser un prêt à un client si ses actifs ne suivaient pas. «Ces cas sont rares. Selon mon expérience et, généralement, quand on indique au client que c’est illégal, le tout se règle rapidement à l’avantage du client», précise-t-il.