Homme marchant loin.
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« J’exerce un des métiers du monde où n’importe qui peut faire mieux que nous, lance Sébastien St-Hilaire, mi-figue, mi-raisin. N’importe quel investisseur peut avoir une stratégie qui fonctionne, mais on ne trouverait certainement pas la même chose avec un chirurgien cardiaque. »

Cependant, le conseiller, gestionnaire principal de patrimoine et gestionnaire de portefeuille à Valeurs mobilières Desjardins multiplie les stratégies pour donner à ses clients des rendements solides et fiables, notamment en ayant recours à des outils parfois non traditionnels.

Son entrée dans la carrière de conseiller en placement est originale. Après avoir décroché un baccalauréat en mathématiques et un certificat en analyse financière dans les années 1990, il a occupé divers rôles de gestion en entreprise. Un jour de 2008, il appelle les deux gestionnaires de son portefeuille, Stéphane Martineau et Marc Leblanc, et leur demande à brûle-pourpoint : « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour me joindre à vous ? » Ils lui ont répondu qu’il devait suivre le cours en gestion de valeurs mobilières, ce qu’il a fait. Et cela fait 17 ans qu’il a rejoint l’équipe d’une quinzaine d’employés, qui gère aujourd’hui environ 1,5 milliard de dollars d’actifs.

Si n’importe qui peut faire de l’argent en Bourse, le gestionnaire aguerri sait, à l’instar de Warren Buffett, que la première loi du placement est de ne pas en perdre — la deuxième loi étant de ne pas oublier la première. Sébastien St-Hilaire juge que les investisseurs suivent une voie dangereuse en ce moment, qui risque de leur coûter cher. « Il y a trop de consensus présentement dans le marché, dit-il. Les gens se basent sur des stratégies qui ont cours dans les médias sociaux en privilégiant l’investissement passif. »

Pourtant, le marché actuel appelle à la prudence. « On n’a pas eu de prises de profits, souligne le conseiller, les mauvaises nouvelles ne font pas sursauter les marchés. »Ce sont tous des signes suspects qui imposent « d’être prudent dans l’allocation de capital ».

C’est pourquoi les stratégies que retient Sébastien St-Hilaire sont axées d’abord et avant tout sur la protection du capital en marché baissier et sur la production de revenus. Fidèle à la politique de Desjardins, il refuse d’identifier des fonds en particulier et s’en tient à des choix stratégiques généraux, ce qui constitue une première pour cette chronique.

Notes structurées à revenu conditionnel

Nous sommes ici dans le domaine des produits financiers dérivés, dont il existe une très grande variété et qui sont du ressort exclusif des conseillers de plein exercice. « Dans le contexte de bas taux, rapporte Sébastien St-Hilaire, on aime le fait que, si le marché fait zéro dans les prochaines années, ils offrent quand même des garanties de revenu. »

Avec un tel produit, le gestionnaire s’engage dans un contrat avec une institution financière où celle-ci lui garantit le rendement d’un actif sous-jacent. Il peut s’agir tout simplement du rendement de l’indice S&P 500 ou d’un panier sur mesure de titres sectoriaux, en télécommunications, par exemple. Un contrat typique va garantir un rendement de 8 %, payé semi annuellement en deux tranches de 4 % « à la condition que le sous-jacent ne baisse pas de plus que 30 % dans sa durée, qui s’étend typiquement sur cinq ou sept ans, explique le conseiller. Le capital est garanti tant que cette barrière n’est pas brisée ». En contrepartie de cette protection à la baisse, le contrat peut offrir un potentiel de gains, mais plafonné, à 10 % par exemple.

Outre le risque de marché implicite, le principal risque attaché à de tels produits en est un de solvabilité, lié à la possibilité que l’institution financière fasse faillite. Mais au Canada, précise Sébastien St-Hilaire, c’est une éventualité peu probable. Quand même, « on évite de concentrer les contrats dans une seule banque », lance-t-il.

Par ailleurs, un tel contrat peut offrir un revenu substantiel et son rendement est peu corrélé aux marchés courants. Bien qu’il s’agisse de contrats liés au marché des actions, un tel produit a sa place dans la part obligataire d’un portefeuille et « il est rare qu’on y investisse plus que 15 % du portefeuille d’un client ».

Fonds communs thématiques

« On n’achète pas des fonds communs classiques, dit Sébastien St-Hilaire, on gère plutôt nos propres portefeuilles. Par contre, certains manufacturiers offrent des thématiques attrayantes qu’on juge indispensables dans certains secteurs. »

Le plus souvent, ces fonds thématiques logent à l’enseigne de ce qu’on appelle communément les « fonds alternatifs liquides », car de façon typique, indique le conseiller, ils ont recours à des stratégies de vente à découvert, qui sont une marque de commerce de certains de ces fonds. « On achète ainsi une police d’assurance quand on pense que les marchés sont élevés. »

Fidelity, Dynamique et Piéton Mahoney sont des manufacturiers de tels fonds. Par exemple, explique Sébastien St-Hilaire, « si on juge que le secteur des technologies est cher, on va le vendre à découvert via un tel fonds, qui achète plutôt dans des titres de valeur. Plutôt que de le faire à l’interne, ce qui n’est pas notre mission de base, cette approche nous donne accès à des équipes aguerries ».

FNB intelligents

Sébastien St-Hilaire distingue ces fonds négociés en Bourse (FNB) factoriels ou « à bêta intelligent » des produits indiciels, dont il n’est pas friand. « Ils nous permettent de mettre en place une stratégie de diversification rapidement à très peu de frais », fait-il ressortir.

La faveur actuelle accordée aux FNB indiciels est hasardeuse, juge-t-il. « Les gens ne réalisent pas nécessairement qu’ils achètent surtout les Magnificent Seven (M7), qui ont généré 95 % du rendement de l’indice et dont les valeurs sont très élevées. On pense, pour notre part, que le potentiel de rendement pourrait se trouver ailleurs. »

Certes, ces FNB comportent certains désavantages, notamment des frais plus élevés, une certaine complexité et une liquidité parfois réduite. Par contre, ils permettent de faire un découpage très sélectif dans le marché général. Par exemple, Sébastien St-Hilaire pourrait recourir à un FNB plus axé sur la qualité des entreprises. « On pourrait y retrouver des titres des M7, mais on serait moins exposé à une thématique qui ne cesse d’enfler. »