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Les courtiers de plein exercice et les courtiers en épargne collective devraient travailler à rendre conseillers heureux s’ils souhaitent les garder au sein de leur organisation. Il en va de leur avenir et de leur croissance.

Un ancien dirigeant d’un courtier a déjà dit avec justesse : « Les clients les plus importants sont ceux qu’on a déjà ». Il en va de même pour les conseillers liés à une firme de courtage. En prendre soin et les rendre heureux fait que leurs clients sont plus susceptibles de l’être et de demeurer fidèles à la firme. Ainsi, clients et conseillers contribuent à sa croissance.

Le hic est que l’inverse est aussi vrai. Un conseiller malheureux risque de quitter l’entreprise et de poursuivre ses activités chez un concurrent. Ce faisant, il entraîne une part importante de clients, ces derniers étant souvent plus attachés à la relation qu’ils ont avec leur conseiller qu’à celle qu’ils ont avec leur courtier. La firme peut perdre alors des parts de marché difficiles à regagner dans le paysage hautement concurrentiel qu’est le secteur du conseil financier.

Considérant ce qui précède, il est parfois difficile de comprendre pour quelle raison, lors des trois dernières années, de 5 % à 15 % des conseillers sondés pour le Pointage des courtiers québécois et pour le Pointage des courtiers multidisciplinaires n’étaient pas prêts à recommander leur firme à d’autres conseillers. Finance et Investissement les appelle des détracteurs, soit des conseillères ou des conseillers qui ont donné une probabilité variant de 0 à 6 sur 10 aux possibilités qu’ils recommandent leur courtier à un ami ou un collègue de travail.

La part de détracteurs varie d’un courtier à l’autre et se concentre souvent au sein d’une poignée de firmes pour lesquelles de l’incertitude ou des problèmes de communication déplaisent à des conseillers. Le pourcentage de détracteurs au sein d’une firme est soustrait du pourcentage de conseillers promoteurs (notes de 9 et 10 à la probabilité de recommander) pour donner le taux de recommandation net d’une firme-qui paraît au tableau sommaire de chacun des pointages.

Nous avons analysé le profil de ces détracteurs. Voici certains constats.

En général, de 2022 à 2024, les conseillers liés à des courtiers multidisciplinaires étaient plus susceptibles d’être des détracteurs leurs que les conseillers en placement sondés pour le Pointage des courtiers de plein exercice.

Les détracteurs tendent à avoir plus d’expérience dans l’industrie que leurs pairs et à travailler depuis plus longtemps au sein de leur firme, donc à être plus âgés en moyenne. Leurs revenus de production brute médians sont semblables à ceux des conseillers qui ne sont pas détracteurs de leur courtier.

Difficile de savoir ce qui amène un conseiller à devenir détracteur. De nombreux facteurs sont en cause. En comparant les notes moyennes accordées aux courtiers par les détracteurs dans nos pointages avec celles données par l’ensemble des répondants, il ressort que les premiers sont davantage critiques de l’équipe de direction, de son orientation stratégique et de sa réceptivité aux rétroactions. Ne pas se sentir écouté ni compris par la haute direction ou par un directeur de succursale ou régional semble figurer parmi les insatisfactions les plus fortes.

« J’aimerais que la direction soit plus à l’écoute de ses conseillers », dit un répondant. « Ils sont terribles. On ne les voit jamais et lorsqu’on se plaint d’un problème, ils nous le reprochent », ajoute un autre. « Ils entendent ce qu’on dit, mais ne font rien par la suite », note un autre.

L’incertitude liée au changement de l’équipe de dirigeants ou de l’orientation stratégique ou encore l’incompréhension à l’égard de cette dernière est parfois en cause. « On avait une bonne équipe. On l’a mise dehors. On a de nouveaux gestionnaires incompétents et qui prennent des décisions irréfléchies », résume un répondant.

« On est à la merci de la haute direction, qui pullule de carriéristes, d’inexpérimentés et de gens déconnectés du travail d’un conseiller autonome en bas de la pyramide », affirme un autre.

Pour des conseillers qui apprécient leur indépendance, un changement qui les brime sur ce plan est souvent mal vu. C’est le cas lorsqu’on les force à utiliser des produits maison, par exemple.

Ne pas avoir l’impression que leur courtier fait la bonne chose pour les clients est aussi un facteur irritant. « Pour ma firme, l’argent est plus important que les besoins premiers des clients », dit un conseiller détracteur. « [Les dirigeants] ont une perspective à très court terme et sont toujours en train de soutirer davantage de sous des clients », ajoute un autre.

Des outils technologiques déficients, qui nuisent à la productivité des conseillers, sont également source d’insatisfaction. Le manque de soutien sur le plan technologique ou sur le plan du développement des affaires est aussi un élément qui déplaît. « C’est affreux les temps d’attente qu’on a quand on a un problème », dit un détracteur.

Pour un segment de détracteurs, l’absence perçue de soutien sur le plan du développement des affaires, du développement professionnel ou de la résolution de problèmes nuit à leur relation avec leur courtier. « La firme n’écoute pas, n’a pas de vision pour sécuriser les différentes étapes de carrière d’un conseiller, ne prévoit pas de relève. Nous sommes laissés à nous-mêmes », dit un répondant.

En comparant les notes moyennes accordées par les détracteurs avec celles de l’ensemble des conseillers pour les quelque 27 critères d’évaluation des deux pointages, on constate que les premiers accordent des notes plus faibles de 1,5 à 4 points sur 10 que les seconds. Les détracteurs deviennent plus sévères envers leurs firmes, en tolèrent moins les irritants et développent une perception générale négative. Ils risquent de contaminer la perception d’autres conseillers.

Fait intéressant, la rémunération ne figure pas au haut de la liste des critères d’évaluation où l’écart est le plus grand entre la note moyenne des détracteurs et la note moyenne des conseillers. Évidemment, la rétribution des conseillers est importante, mais les représentants semblent davantage insatisfaits lorsqu’ils se sentent peu soutenus et peu écoutés.

Certains détracteurs peuvent le rester longtemps, surtout lorsqu’ils constatent que leur modèle d’affaires, leur niveau de production brute ou leur clientèle cible ne correspond plus à ce qui est attendu de leur courtier à cet égard. La situation est pire lorsque leur contrat de travail ne leur permet pas de changer facilement de firme.

Considérant notamment les risques que peuvent représenter les détracteurs sur le plan de la productivité et de la croissance des affaires d’un courtier, celui-ci doit s’affairer à améliorer sa relation avec ses conseillers moins satisfaits. En affaires, c’est payant de soigner ses relations.