Avec la crise immobilière et les taux d’intérêt élevés, plusieurs parents souhaitent donner un coup de pouce financier à leurs enfants adultes pour qu’ils deviennent propriétaires. Cependant, cette démarche peut être lourde de conséquences si elle n’est pas bien encadrée, notamment en cas de divorce. Pour éviter des complications, il est essentiel de bien consigner le don et de garder la trace de l’argent, d’après une formation du congrès de l’institut de planification financière.
Près de deux clients financièrement aisés sur trois à la retraite envisagent de donner de l’argent à leurs enfants pour financer une mise de fonds sur une maison, selon la conférence. Or, il y a des répercussions possibles à considérer avant de le faire. Elles dépendront notamment du régime matrimonial de l’enfant donataire.
Un don parental peut en effet créer des différences dans les apports financiers de chacun des époux pour l’achat de la propriété. En fonction du régime matrimonial choisi, cela peut engendrer des défis advenant une séparation. Le don pourrait devoir être partagé avec le conjoint en cas de divorce si des mesures spécifiques ne sont pas prises pour l’exclure du patrimoine familial.
Pour éviter les problèmes, il serait prudent d’inscrire le don parental dans un acte, de préférence notarié (convention d’indivision, convention de vie commune ou acte d’achat), a précisé la planificatrice financière et formatrice, lors de l’événement. En la matière, mieux vaut éviter de se fier à ses souvenirs ou à une parole donnée. De plus, conserver une trace des dépôts et des retraits effectués avec les sommes provenant du don s’avère pertinent.
Par exemple, si l’enfant donataire achète une maison en utilisant le don et qu’un mariage intervient après l’acquisition, le don est exclu de la valeur partageable du patrimoine familial en vertu de l’article 418 du Code civil du Québec. Cette disposition prévoit que la valeur nette du bien qu’un époux possède au moment du mariage, et qui fait partie du patrimoine familial, doit être déduite de la valeur nette totale lors du divorce. C’est aussi le cas avec la plus-value qui découle de cet apport financier.
Si l’enfant reçoit le don après le mariage et l’utilise pour acquérir une propriété avec son époux, le don et sa plus-value peuvent également être exclus du patrimoine familial à condition qu’ils soient appuyés de preuves écrites.
Les conséquences financières d’avoir gardé la trace ou non du don peuvent se chiffrer en dizaines de milliers de dollars au moment du divorce. Prenons le cas de Sarah et Jean, mariés sous le régime de la séparation de biens. Au moment de leur mariage, en août 2020, ils possèdent une maison de 300 000 $ avec une hypothèque de 250 000 $.
En septembre 2024, leur maison vaut 330 000 $, leur hypothèque, 230 000 $, pour une valeur nette de la maison de 100 000 $. Le couple souhaite acheter une nouvelle demeure, plus grande et plus chère. Sarah prévoit utiliser un don de 100 000 $ de ses parents pour la mise de fonds lors de l’achat, tandis que Jean n’y contribuera pas. Après l’achat, la maison vaut 800 000 $ et l’hypothèque est de 600 000 $. La valeur nette de la maison passe donc de 100 000 $ à 200 000 $ en raison du don.
Quelques années plus tard, Sarah et Jean divorcent. Leur maison vaut maintenant un million de dollars, soit une hausse de 25 %.
Si le don des parents utilisé pour acheter la maison a été correctement consigné, Sarah pourra l’exclure de la valeur partageable, tout comme sa plus-value pendant le mariage (25 000 $). Ceci augmentera la valeur nette non partageable de Sarah de 125 000 $.
Cependant, si le don de Sarah n’a pas été bien officialisé, il sera inclus dans le partage du patrimoine, ce qui réduira la valeur nette de Sarah. Dans ce cas, la différence s’élève à 62 500 $.
Outre les aspects juridiques, d’autres éléments financiers doivent être pris en compte lorsqu’un client fait un don à son enfant, comme l’importance d’assurer l’équité avec les autres enfants. Un don important pourrait également avoir un impact sur les projections de retraite des parents, les obligeant à revoir leur plan.
Pour limiter les risques en cas de séparation, les parents pourraient considérer de prêter de l’argent à leur enfant plutôt que de faire un don. Un prêt sans intérêt pourrait être consenti aux deux époux, les rendant conjointement responsables.
De plus en plus d’institutions financières exigent que les parents soient copropriétaires des résidences achetées par leurs enfants lorsqu’ils offrent un soutien financier. Cette pratique peut entraîner des conséquences fiscales, surtout si c’est l’enfant qui habite la propriété. Les gains en capital lors de la vente ou du transfert de la maison à l’enfant peuvent alors entrer en jeu. Dans cette situation, une contre-lettre mentionnant que seul l’enfant est propriétaire devrait être envoyée aux autorités fiscales fédérale et provinciale dès la signature de l’achat pour réduire la facture fiscale.
En résumé, que le don soit fait avant ou pendant le mariage, l’essentiel est de l’officialiser pour protéger les intérêts financiers de toutes les parties.