Les récents changements sociétaux, légaux et fiscaux peuvent bouleverser les plans successoraux des clients. C’est pourquoi les conseillers devraient, de concert avec les autres professionnels d’un client, engager des conversations franches et ouvertes dans le but de créer des plans flexibles et personnalisés à ses besoins.
Il s’agit d’un message clé qu’est venu livrer la juriste Paula Lester, spécialiste en planification fiduciaire et successorale chez Société fiduciaire Solus à l’occasion de la Conférence Acuity 2024, organisée par Knowledge Bureau, à Montréal, mardi.
Le vieillissement de la population, jumelé à la hausse du nombre de familles recomposées ou dont l’un des membres n’habite pas le Canada ainsi que les récents changements fiscaux, complexifie les plans successoraux des clients.
« Le plan successoral d’hier peut ne plus fonctionner aujourd’hui, et le plan successoral d’aujourd’hui peut ne plus fonctionner demain », a souligné Paula Lester.
Parmi les changements récents sur le plan fiscal, la juriste a noté la fin des taux progressifs pour les fiducies testamentaires en 2016, les changements aux règles de l’impôt minimum de remplacement et l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital en 2024. Ces changements pourraient accroître la facture fiscale au décès des clients.
« Les structures complexes de sociétés et de fiducies déjà établies pourraient ne plus offrir des avantages fiscaux suffisants », a-t-elle fait valoir.
Par ailleurs, certains clients, qu’ils soient résidents fiscaux américains ou non, pourraient être touchés par une possible diminution prévue de l’exemption des droits de succession aux États-Unis attendue en 2025.
Actuellement, tous les actifs des personnes américaines, y compris notamment les polices d’assurance, les résidences et les titres boursiers, sont soumis à l’impôt américain sur les successions.
Pour les clients non américains, ceux-ci peuvent également être assujettis à l’impôt successoral américain, en fonction de la valeur de leurs actifs américains, lesquels comprennent entre autres leurs actions américaines et leurs fonds négociés en Bourse inscrits à la cote aux États-Unis.
Lorsqu’un client a des héritiers établis à l’étranger, sa planification successorale peut engendrer une foule de problèmes potentiels de fiscalité transfrontalière. Cela peut être le cas si cette planification comprend notamment l’utilisation de fiducies (entre vifs et testamentaires), la détention commune de biens, le recours à l’assurance vie. Le lieu de résidence de l’exécuteur testamentaire et du fiduciaire peut également compliquer les plans successoraux des clients.
Entre autres pour toutes les raisons évoquées précédemment, « les conseillers devraient discuter avec leurs clients des obligations et des risques du rôle de fiduciaire ou d’exécuteur testamentaire » lorsque vient le temps d’en choisir un, a insisté Paula Lester.
Selon elle, les exigences envers les fiduciaires se sont accrues au fil du temps. Ceci augmente leur responsabilité et les met à risque des conséquences en cas de non-respect de ces exigences. « Les fiduciaires devraient être habilités et encouragés à faire appel à des professionnels pour obtenir des conseils juridiques, fiscaux, voire, de déléguer ce rôle à des sociétés de fiducie pour agir en tant que mandataire », a-t-elle noté.
Plan d’action en 5 étapes
Afin d’apporter de la valeur ajoutée au client, un conseiller devrait d’abord s’assurer d’inclure et coordonner tous les professionnels concernés autour de son client afin de concevoir et mettre à jour son plan successoral, a souligné Paula Lester. La liste peut être longue, mais devrait comprendre notamment les juristes, comptables, fiscalistes, conseillers en sécurité financière et autres professionnels pertinents.
Deuxièmement, les conseillers devraient stimuler des conversations franches avec les clients ainsi que les membres de la famille clé à propos de leur succession. « Cette conversation devrait d’abord partir des valeurs du client », a-t-elle indiqué.
Elle a donné l’exemple d’un couple ontarien qui détenait un chalet en bordure d’un lac et qui tenait à le léguer à son seul enfant, lequel avait fait sa vie en Colombie-Britannique. Leur testament était conçu en ce sens. Le hic est que l’enfant n’en voulait pas, « mais personne ne le lui avait demandé ».
Une conversation franche avec ces clients lui a permis de découvrir qu’ils tenaient à préserver l’aspect naturel du terrain et éviter que celui-ci ne tombe entre les mains d’un promoteur immobilier. Elle a pu ainsi conseiller aux clients d’en faire un don au décès à un organisme caritatif qui vise la conservation de territoire et ainsi, profiter de l’avantage fiscal qui en est associé.
Troisièmement, les conseillers peuvent s’assurer que les plans successoraux de leurs clients aient toute la flexibilité nécessaire afin de faire face aux changements fiscaux et à des ajustements de situation des bénéficiaires et/ou des fiduciaires.
Quatrièmement, sans se transformer en experts en tout, les conseillers devraient s’assurer d’actualiser leurs connaissances de manière à pouvoir identifier les signaux d’alerte et savoir qui consulter le cas échéant.
Cinquièmement, les représentants devraient, de concert avec d’autres professionnels, s’assurer que le plan successoral soit révisé et mis à jour au minimum tous les 3 à 5 ans, selon Paula Lester. Cela peut également être le cas lors de tout changement important, qu’il soit de nature familiale, juridique, fiscale ou dans l’entreprise du client.
NDLR : Newcom Média, qui détient Finance et Investissement, était commanditaire de cet événement, mais n’a pas influencé sur la couverture journalistique de celui-ci.