Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé jeudi que son gouvernement voulait suspendre pendant deux mois la taxe de vente fédérale sur une série de biens et de services juste à temps pour Noël, mais aussi envoyer des chèques de 250 $ à des millions de Canadiens le printemps prochain.
« Notre gouvernement ne peut pas déterminer les prix à la caisse, mais nous pouvons mettre plus d’argent dans les poches des Canadiens », a déclaré Justin Trudeau lors d’une conférence de presse jeudi matin à Toronto, aux côtés de la ministre des Finances, Chrystia Freeland.
« La Remise pour les travailleurs canadiens de 250 $ qui sera envoyée aux gens en avril va donner aux gens le soulagement dont ils ont besoin, et le congé fiscal au cours des deux prochains mois va aider à l’approche des Fêtes. »
La suspension pendant deux mois de la Taxe sur les produits et services (TPS) commencerait le 14 décembre et se terminerait le 15 février, proposent les libéraux.
Ce « congé de TPS » s’appliquerait à un certain nombre de biens et de services, notamment les vêtements et les chaussures pour enfants, les jouets, les couches pour bébés, les repas au restaurant, la bière et le vin. Elle s’appliquerait aussi aux sapins de Noël, à une variété de collations et d’aliments préparés, et même aux consoles de jeux vidéo.
Par ailleurs, les Canadiens qui ont travaillé en 2023 et qui ont gagné jusqu’à 150 000 $ recevraient également un chèque de 250 $ « dès le début du printemps » prochain.
Environ 18,7 millions de Canadiens seraient admissibles à cette « remise », ce qui coûterait au gouvernement fédéral environ 4,7 milliards de dollars (G$). La suspension de la TPS pendant deux mois devrait coûter 1,6 G$ supplémentaires.
Inflation et impopularité
Ces mesures sont annoncées alors que la crise du coût de la vie provoquée par l’inflation a suscité du mécontentement chez les électeurs face au gouvernement Trudeau.
L’inflation élevée a également mis de la pression sur les libéraux pour qu’ils évitent d’introduire des mesures fiscales qui stimuleraient les dépenses et alimenteraient une hausse des prix.
Le premier ministre a toutefois rejeté l’idée que les mesures proposées jeudi pourraient à nouveau alimenter l’inflation. Il a souligné que la croissance des prix et des taux d’intérêt est actuellement en baisse au Canada.
« Ça nous permet de nous assurer que nous mettons de l’argent dans les poches des gens d’une manière qui ne va pas alimenter l’inflation, mais qui va les aider à joindre les deux bouts et à poursuivre notre croissance économique », a déclaré Justin Trudeau.
Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a fustigé le NPD et les libéraux et a qualifié cette suspension temporaire de la TPS de « tour de passe-passe ».
« Aujourd’hui, nous avons un tour de passe-passe fiscal temporaire de deux mois, qui ne compensera pas le quadruplement permanent de la taxe sur le carbone sur le chauffage, le logement, la nourriture et le carburant », a déclaré Pierre Poilievre. Le chef conservateur faisait référence au plan libéral de continuer à augmenter le prix du carbone chaque année jusqu’en 2030.
Le NPD n’a pas « négocié »
Pour faire adopter ces mesures par le Parlement, les libéraux auront besoin de l’appui d’au moins un parti d’opposition — et les néo-démocrates semblent disposés à le faire, s’attribuant même le mérite d’avoir forcé le gouvernement à adopter leur idée sur la TPS, du moins en partie. Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a insisté jeudi pour dire qu’il n’y avait eu aucune négociation avec les libéraux.
La semaine dernière, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a promis que s’il était élu, il abolirait définitivement la TPS sur plusieurs biens et services « essentiels ». Mercredi soir, à la veille de l’annonce libérale, Jagmeet Singh indiquait que son parti avait obtenu pour les Canadiens un « congé de TPS pour l’hiver ».
« Le bureau du premier ministre nous a tout juste informés qu’il cédait en partie à notre campagne “éliminer la TPS sur les produits essentiels” », soutenait Jagmeet Singh jeudi soir.
La proposition néo-démocrate supprimerait définitivement la TPS sur plusieurs biens et services « essentiels » comme les couches pour bébés, les aliments préparés et les factures de téléphone cellulaire et d’internet. Cela devrait coûter 5 G$ au trésor public. Jagmeet Singh inviterait également les gouvernements provinciaux à faire correspondre ce plan avec leurs propres réductions de taxes de vente.
Les changements proposés par les libéraux feront partie de l’énoncé économique annuel de l’automne, qui devra être adopté par le Parlement pour entrer en vigueur.
Or, la Chambre des communes est embourbée dans une impasse procédurale depuis près de deux mois, alors que les conservateurs font de l’obstruction parlementaire en exigeant que le gouvernement publie des documents non caviardés sur des dépenses présumées abusives dans un fonds de technologies vertes.
Cela signifie qu’aucun projet de loi n’a été débattu ou voté depuis plus de huit semaines aux Communes, car les questions de privilège ont préséance sur toutes les autres affaires de la Chambre.
Le NPD affirme qu’il ne mettra pas fin au débat sur la question de privilège. Au lieu de cela, un porte-parole du parti a indiqué que le NPD utiliserait une procédure pour ajourner ce débat un jour seulement, afin de permettre l’adoption des mesures fiscales proposées.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’a pas voulu préciser si son parti appuierait les propositions aux Communes, puisque de toute façon, le NPD devrait le faire.
Yves-François Blanchet s’est dit heureux que « les gens aient davantage d’argent dans leurs poches », mais il a déploré le fait que les libéraux ont trouvé trop coûteuse la proposition du Bloc de hausser les pensions des aînés de 65 à 74 ans.
« Le gouvernement vient de nous prouver, avec le NPD, que quand ils veulent des milliards […] ils les ont. C’est fantastique ! Nous, on a demandé une mesure qui coûterait trois milliards par année […]. Oh ! c’était épouvantable ! »
Le chef du Bloc a souligné que selon les libéraux, la mesure proposée pour les retraités n’était pas modulée selon les revenus. « Et eux, ils donnent des chèques de 250 piastres à du monde qui gagne plus cher que mon directeur de cabinet. Ils baissent les taxes sur la bière à l’épicerie pour des gens qui gagnent un demi-million de dollars par année. »