Introduit en 2012 sous le nom de « crédit d’impôt pour travailleurs d’expérience », le crédit d’impôt pour prolongation de carrière visait à encourager le maintien ou le retour à l’emploi des travailleurs plus âgés. À l’origine, il était réservé aux travailleurs de 65 ans et plus. Ce n’est qu’en 2017 que l’âge d’admissibilité a été révisé, abaissant la limite à 60 ans. De plus, le montant admissible au crédit a connu une hausse significative depuis 2012. Toutefois, depuis 2017, ce montant est soumis à une récupération progressive, en fonction d’un seuil de revenu précis.
La mise à jour économique et financière du Québec 2024 vise à « optimiser » le crédit d’impôt pour la prolongation de carrière. D’emblée, le terme « optimiser » revient fréquemment dans la documentation présentée par le gouvernement. Mais que désigne-t-il réellement ? Faut-il comprendre qu’il s’agit de rendre ce crédit plus efficace, ou vise-t-on à maximiser ses rendements ? Le mot « optimisation » peut être interprété de diverses manières.
Ainsi, à partir de 2025, le crédit d’impôt pour la prolongation de carrière sera « optimisé » de la manière suivante :
- l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt sera relevé de 60 à 65 ans ;
- le montant de l’exclusion des premiers dollars du revenu de travail admissible au crédit passera de 5 000 $ à 7 500 $ et sera indexé à partir de 2026, afin de cibler les travailleurs qui apportent une contribution substantielle au marché du travail ;
- le plafond des revenus de travail admissibles au crédit, au-delà de l’exclusion, sera augmenté de 11 000 $ à 12 500 $ et sera également indexé à partir de 2026 ;
- le seuil de réduction du crédit sera relevé de 42 090 $ à 56 500 $ indexé annuellement, et la réduction du montant s’effectuera désormais en fonction du revenu net ;
- et le taux de réduction applicable sera haussé, passant de 5 % à 7 %.
Le relèvement de l’âge d’admissibilité à 65 ans n’est pas surprenant à la lumière de certaines statistiques. En effet, selon Statistique Canada, l’âge moyen de départ à la retraite au Québec est passé de 61,5 ans en 2012 à 64,7 ans en 2023. De plus, le taux de participation au marché du travail des personnes âgées de 60 à 64 ans a fortement progressé depuis 2012, particulièrement par rapport à d’autres provinces comme l’Ontario.
En revanche, peu de changements ont été observés pour les personnes âgées de 65 à 69 ans. Il n’est donc plus nécessaire d’encourager la prolongation de carrière puisque ces personnes restent de toute manière sur le marché du travail.
Dans le passé, le crédit d’impôt était réduit en fonction du revenu de travail admissible, à un taux de 5 %, à partir d’un certain seuil. Désormais, l’objectif est de mieux cibler les travailleurs de 65 ans et plus, ayant un faible revenu ou appartenant à la classe moyenne, en augmentant le seuil de récupération. Bien que le taux de récupération soit désormais plus élevé, il ne dépend plus uniquement du revenu de travail, mais du revenu net (c’est-à-dire la somme de tous les revenus). Autrement dit, il faut avoir un revenu net inférieur à 81 500 $ pour pouvoir en bénéficier.
Par exemple, ces modifications pourraient faire en sorte qu’une personne de 65 ans ayant un revenu de travail de 35 000 $ et une rente de retraite de 22 000 $ recevrait 210 $ de plus par année. Son crédit d’impôt passerait ainsi de 1 540 $ à 1 750 $.
En revanche, une personne de 65 ans ayant un revenu de travail de 25 000 $ et une rente de retraite de 75 000 $ ne devrait plus être admissible au crédit. Selon la méthode actuelle, il aurait obtenu une aide fiscale de 1 540 $.
« Les travailleurs qui seront âgés de 60 à 64 ans en 2025 ne seront, quant à eux, plus admissibles au crédit d’impôt, ce qui représentera une diminution moyenne de l’aide fiscale de 973 $ pour 194 683 contribuables », lit-on dans le point sur la situation économique et financière du Québec de 2024.
En ajustant le crédit d’impôt, Québec vise à :
- mieux arrimer l’âge d’admissibilité à l’incitatif à l’âge moyen du début de la retraite des Québécois, qui est désormais de près de 65 ans ;
- rendre l’incitatif financier plus attrayant pour les travailleurs de 65 ans ou plus, puisqu’il existe toujours un écart significatif dans la participation au marché de l’emploi de ce groupe d’âge en comparaison avec l’Ontario ;
- et exclure certains contribuables ayant un revenu net élevé, pour qui la décision de demeurer en emploi est moins susceptible d’être influencée par le crédit d’impôt.
Alors, peut-on vraiment parler d’une optimisation du crédit d’impôt ? Ne serait-il pas plus juste de parler d’un meilleur alignement avec les besoins actuels des travailleurs plus âgés ? À vous de juger.
David Truong est président, Banque Nationale Planification et Avantages sociaux