Pièces du puzzle du travail d’équipe world business.
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Les Objectifs de Développement Durable (ODD), adoptés par les Nations-Unies en 2015, constituent un cadre ambitieux pour relever les défis mondiaux d’ici 2030, tels que la pauvreté, les inégalités, le changement climatique et la dégradation de l’environnement. Un nombre grandissant d’entreprises reconnaissent l’importance d’intégrer ces ODD dans leur stratégie. Non seulement dans le but de contribuer positivement à la société et à la planète, mais aussi pour en tirer des bénéfices tangibles. Comme le souligne Andrew Winston dans son texte « Sometimes Sustainability Costs More. So What? », les initiatives de durabilité bien menées permettent de réduire les coûts, de diminuer les risques, de stimuler l’innovation, d’augmenter les revenus et d’améliorer la valeur intangible de l’entreprise.

Tout d’abord, aligner sa stratégie sur les ODD peut aider une entreprise à réduire ses coûts opérationnels. Par exemple, en améliorant l’efficacité énergétique de ses bâtiments et processus (ODD 7 – Énergie propre et d’un coût abordable), elle diminue sa facture d’électricité. En optimisant sa consommation d’eau et en recyclant ses déchets (ODD 6 – Eau propre et assainissement, ODD 12 —Consommation et production responsables), elle réduit les coûts liés à ces ressources. Certes, certains investissements initiaux peuvent être nécessaires, mais ils sont généralement rentabilisés sur le moyen-long terme grâce aux économies générées.

Ensuite, intégrer les ODD permet de mieux gérer et anticiper certains risques. Le changement climatique (ODD 13 – Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques) fait peser des menaces physiques croissantes sur les actifs et les chaînes d’approvisionnement des entreprises (événements météorologiques extrêmes, montée du niveau des mers…). Celles qui prennent des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et s’adapter seront plus résilientes. De même, les entreprises proactives sur les enjeux sociaux comme les conditions de travail et les droits de la personne dans leur sphère d’influence (ODD 8 – Travail décent et croissance économique) sont moins exposées aux scandales et boycottages qui peuvent durablement ternir leur réputation.

L’innovation est un autre bénéfice clé de l’intégration des ODD. Pour contribuer à des objectifs ambitieux comme bâtir des villes et communautés durables (ODD 11), concevoir des modes de consommation et production responsables (ODD 12) ou lutter contre le changement climatique (ODD 13), les entreprises doivent développer des solutions radicalement nouvelles. Cela stimule leur R&D et peut déboucher sur des produits, services et modèles d’affaires innovants et davantage compétitifs. Comme l’illustre l’exemple de Trane Technologies cité par Andrew Winston, miser sur des technologies bas-carbone (acier décarboné) a été un pari stratégique pour se différencier et capter de nouveaux marchés.

En fait, on constate que servir les besoins liés aux ODD ouvre de formidables opportunités de croissance. Selon le Business & Sustainable Development Commission, atteindre les ODD pourrait générer 12 000 milliards de dollars de revenus et d’économies par an d’ici 2030[1].

Les entreprises qui sauront développer des offres alignées sur les ODD, comme des solutions d’accès à une énergie propre et abordable (ODD 7), une alimentation saine et durable (ODD 2) ou des villes résilientes (ODD 11), capteront une part substantielle de ce potentiel. Dans les pays en développement notamment, répondre aux besoins essentiels des populations à la « base de la pyramide » (ODD 1 – Pas de pauvreté) représente un immense marché encore largement inexploité.

Au-delà des revenus additionnels, contribuer positivement aux ODD renforce l’image et la réputation de l’entreprise. Cela accroît la valeur perçue de sa marque auprès des consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux de durabilité. Une étude de Nielsen montre que les produits affichant un engagement en matière de durabilité ont connu une croissance des ventes 5,6 fois supérieure à celle des produits conventionnels en 2018. L’entreprise devient aussi plus attractive pour les talents, surtout les jeunes générations en quête de sens, ce qui lui permet d’attirer et fidéliser les meilleurs profils. Enfin, son engagement crédible est valorisé par les investisseurs qui intègrent de plus en plus les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans leurs décisions.

Bien sûr, comme le reconnaît Andrew Winston, aligner sa stratégie sur les ODD implique parfois des coûts et investissements additionnels à court terme. Choisir des matériaux plus durables, améliorer les conditions de travail et les salaires dans les chaînes d’approvisionnement a un coût immédiat. Mais il faut voir cela comme un investissement qui crée de la valeur sur le long terme en réduisant les risques, en stimulant l’innovation et en renforçant la réputation et l’attractivité de l’entreprise. C’est un raisonnement similaire à celui qui prévaut pour d’autres fonctions stratégiques comme le marketing, la R&D ou les RH : elles ont un coût, mais sont sources de création de valeur.

Certains affirment que les initiatives de durabilité ont une « valeur nette négative ». Mais ce genre d’analyse purement financière passe à côté de nombreux bénéfices intangibles, mais cruciaux comme la fidélité à la marque, l’engagement des employés ou la culture d’innovation. De plus, ne pas agir comporte aussi un coût élevé. Dans un monde de plus en plus affecté par le changement climatique et les tensions sociales, les entreprises qui n’auront pas pris le virage des ODD seront pénalisées et perdront en compétitivité.

Enfin, au-delà des bénéfices pour l’entreprise, contribuer aux ODD est tout simplement un impératif pour assurer la prospérité à long terme des affaires et de l’économie dans son ensemble. Comme le souligne Andrew Winston, « il n’y a pas de croissance pour les entreprises ou l’économie sur une planète mourante avec des personnes en mauvaise santé ». Dans les régions dévastées par le changement climatique, l’activité économique s’effondre. Lutter contre ces menaces existentielles est dans l’intérêt vital de toutes les entreprises.

En conclusion, intégrer intelligemment les ODD dans sa stratégie n’est pas juste une option pour les entreprises, c’est une nécessité au regard des défis colossaux de notre époque. C’est aussi une formidable occasion de combiner performance économique et impact positif sur la société et l’environnement. Les entreprises qui sauront s’engager de manière crédible et innovante en faveur des ODD en récolteront de multiples bénéfices : réduction des coûts et des risques, avantage compétitif par l’innovation, nouveaux relais de croissance, marque renforcée et attractivité accrue auprès des talents et des investisseurs. Elles seront les leaders de l’économie de demain, une économie plus durable, inclusive et résiliente.

Bien sûr, cette transformation ne se fera pas sans effort ni investissements. Elle implique parfois des coûts additionnels à court terme et requiert un changement profond de culture et de modèle d’affaires. Mais comme pour toute décision stratégique intelligente, il faut voir au-delà de l’horizon de court terme. Les entreprises qui n’auront pas pris ce virage seront tôt ou tard pénalisées, car elles seront perçues comme faisant partie du problème plutôt que de la solution.

Il est temps de changer de paradigme et de reconnaître que la performance durable et la performance financière ne s’opposent pas, mais se renforcent mutuellement. Les entreprises qui intégreront le plus rapidement et efficacement les ODD dans leur ADN seront les gagnantes dans un monde en profonde mutation. Elles prouveront qu’il est non seulement possible, mais hautement bénéfique de faire du profit tout en ayant un impact positif.

Pour réussir cette indispensable transformation et en tirer tous les bénéfices, les entreprises devront faire preuve de leadership, en plaçant les ODD au cœur de leur raison d’être et de leur stratégie. Elles devront adopter une approche systémique en repensant leur modèle d’affaires de bout en bout. Elles devront faire preuve de transparence et rendre compte de leurs progrès et de leur impact. Enfin, elles devront collaborer avec leur écosystème, car les défis adressés par les ODD sont trop vastes et complexes pour être relevés de manière isolée. Les pionnières qui sauront mener cette indispensable transformation stratégique avec détermination et clairvoyance en sortiront renforcées et armées pour le futur.

Elles réconcilieront enfin le court et le long terme, la quête de profits et la contribution au bien commun. Ce faisant, elles ouvriront la voie à un nouveau modèle d’entreprise et d’économie, porteur de sens et d’espoir. Un modèle où la durabilité n’est plus vue comme un coût, mais comme un investissement. Un investissement rentable et nécessaire pour construire un monde meilleur.

Michel J. Paradis B.Sc., LL.B. Adm.A., Med.Acc (IMAQ)
Président, OECONOMIA

Note : Ce billet s’inspire de l’article d’Andrew Winston « Sometimes Sustainability Costs More. So What? »

[1] https://sdgs.un.org/publications/better-business-better-world-18049?form=MG0AV3