La Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la LFI) vise deux objectifs principaux : le partage équitable des biens du failli entre les créanciers et la réhabilitation financière du failli, c’est-à-dire de permettre au failli d’avoir un nouveau départ financier. Pour ce faire, à l’issue du processus de faillite, le failli va être libéré de certaines dettes. Il existe cependant des exceptions à ce principe où les dettes vont survivre à la libération du failli.
Dans une récente décision, la Cour suprême du Canada (CSC) a dû déterminer si les ordonnances de remise et les sanctions administratives pécuniaires imposées par la British Columbia Securities Commission (la Commission) survivaient à la libération du failli.
Entre 2007 et 2009, monsieur et madame Poonian (ci-après les Poonians) ont manipulé le marché à l’aide d’un stratagème financier de type pump and dump obtenant approximativement 7 millions de dollars (M$) en gains illégaux[i].
Le stratagème consistait à gonfler artificiellement le prix des actions d’un émetteur public et, ensuite, à vendre ces mêmes actions à des prix très élevés, réalisant ainsi un gain important. La Commission a conclu que les Poonians avaient contrevenu à la législation en valeurs mobilières et leur a alors infligé des sanctions administratives pécuniaires totalisant 13,5 M$ et leur a ordonné de remettre les sommes obtenues à l’aide du stratagème financier, soit une somme totale de 5,6 M$.
À la suite de la décision de la Commission, les Poonians n’ont entrepris aucune démarche pour payer les sommes réclamées et ont déclaré faillite. La Commission a donc saisi les tribunaux afin que les sanctions administratives pécuniaires et les ordonnances de remise survivent à la libération des faillis. C’est dans ce contexte que la CSC a conclu que les ordonnances de remise subsistaient après la libération du failli, mais que les sanctions administratives pécuniaires ne survivaient pas à la libération du failli.
En réponse à la décision de la CSC, la Commission a publié un communiqué de presse réclamant une réforme de la LFI, soulignant que le processus de faillite avait permis à de nombreux contrevenants à la législation en valeurs mobilières de se soustraire aux sanctions administratives pécuniaires.
En effet, depuis 2001 plus de 40 individus et entreprises ont collectivement omis de rembourser 80 M$ à la Commission en déclarant faillite. La Commission a également précisé dans son communiqué que le fait que des sanctions administratives pécuniaires pouvaient être éteintes par la faillite discréditait son devoir de protéger les investisseurs et soulignait une lacune importante de la LFI.
Cette décision illustre l’un des défis des autorités en valeurs mobilières, soit la difficulté d’obtenir les sanctions pécuniaires administratives des contrevenants. Les autorités en valeurs mobilières imposent généralement des sanctions administratives élevées afin de dissuader d’autres contrevenants d’agir de manière similaire. Mais est-ce réellement dissuasif s’il est possible de s’y soustraire en faisant faillite ? Il sera intéressant de voir si cette décision et la prise de position de la Commission inciteront le législateur à modifier la LFI afin de mettre fin à cette porte de sortie pour les contrevenants.
Par Me Julie-Martine Loranger, avocate émérite, associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., avec la collaboration de Yassine Khadir et Vincent Leduc, respectivement associée, sociétaire et étudiant chez McCarthy Tétrault.
Le présent article ne constitue pas un avis juridique.
[i] Poonian (Re), 2015 BCSECCOM 96 (CanLII), <https://canlii.ca/t/ggsf7>