Commettre des erreurs est normal, voire une étape nécessaire à l’apprentissage et au développement personnel. L’important est d’apprendre de ses erreurs et d’en tirer des leçons pour continuer d’évoluer.
Voilà l’un des messages transmis par certains dirigeants et cadres primés à l’occasion du Top des leaders de l’industrie financière du Québec de 2024, dont Jean-François Chalifoux, président et chef de la direction de Beneva.
Le dirigeant était invité à faire part de l’erreur qui lui a apporté les meilleurs enseignements. Il relate celle de développer un processus automatisé pour les affaires d’un nouveau partenaire, avant même de vérifier si le modèle d’affaires allait connaître du succès et en essayant d’anticiper le parcours client. « Il en a résulté une radiation importante d’actifs au terme du partenariat. Les leçons que j’en ai tirées sont de toujours tester les processus avant de les automatiser et d’impliquer les partenaires dans l’automatisation des solutions pour éviter de mauvaises surprises », dit-il.
Négliger certaines vérifications, notamment dans le choix de partenaires potentiels, est une méprise qui peut arriver en affaires.
Par exemple, comme investisseuse, une erreur coûteuse commise par Janie C. Béïque, présidente et cheffe de la direction du Fonds de solidarité FTQ, a été de ne pas passer suffisamment de temps à connaître l’équipe dans laquelle elle investissait. « Si j’avais pris plus de temps, j’aurais compris que je n’avais pas fait le bon choix. Même si j’avais un produit extraordinaire dans un secteur qui était en émergence, je n’avais juste pas la bonne équipe pour piloter [l’entreprise]. Depuis, je passe plus de temps à connaître les gens qu’à regarder les chiffres », confie-t-elle.
Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, mentionne une erreur semblable. « Une erreur importante aura été de mal m’associer dans une entreprise qui ne partageait pas nos valeurs. Ça a été très difficile pour nous. »
Au début des années 2000, MICA avait créé les Fonds Diamant, une société de fonds communs. Sept ans plus tard, l’entreprise est emportée dans la foulée du scandale Norbourg, liquidée en 2008 avec une perte de 400 000 $.
« Je suis très content de ne pas m’être dit que je ne referai plus jamais ça. Au contraire. Après, on s’est associé avec Marc (Gingras) et Luc (Cournoyer), et ça a été enrichissant pour tout le monde. Luc a pris sa retraite en 2024, mais ça a été une belle association. »
Carl Dussault, président-directeur général d’Evovest, évoque l’erreur d’avoir engagé des gens sans faire toutes les analyses nécessaires, dont des appels de vérification. « Parfois, j’ai regretté de ne pas avoir gratté assez. Aujourd’hui, on est beaucoup plus diligents », résume-t-il.
Sur le plan de la gestion des placements, un portefeuilliste peut également faire de moins bons coups et les corriger. « Dans le domaine où on est, si on a raison 51 % du temps, on va avoir une très belle carrière. Mais il faut se dire en même temps qu’on a tort presque la moitié du temps », déclare Carl Dussault. Il suit aujourd’hui les enseignements d’un de ses patrons qui lui a dit un jour : « Il faut que tu laisses ton égo dans le toaster. » « Ces erreurs-là, ce sont toujours des erreurs de rigueur. Avec le temps, je deviens un peu plus rigide sur cette notion de rigueur, sur les petits détails. »
Gare à l’attrait de la nouveauté, nous disent deux dirigeants du Mouvement Desjardins. « On doit se méfier du shiny toy effect (effet du jouet brillant) », affirme Denis Dubois, premier vice-président Gestion de patrimoine et Assurance de personnes, Mouvement Desjardins, et président et chef de l’exploitation, Desjardins Sécurité financière. Cet effet désigne un état de distraction qui découle de la croyance que quelque chose de nouveau vaut la peine d’être poursuivi. Cela se fait souvent au détriment de ce qui est déjà prévu ou en cours.
« Peu importe ce qu’on fait, ce qu’il faut viser est la clarté derrière le sens de nos actions. Parfois, on agit sans avoir bien réfléchi au pourquoi de nos actions. On suit une tendance », explique Denis Dubois. Selon lui, on doit toujours rester rigoureux sur la clarté de la raison qui sous-tend une action ou une démarche : « Pour moi, ça a été une source de leçon de ne pas tomber en amour avec le shiny toy. »
David Lemieux, vice-président et directeur général de Valeurs mobilières Desjardins, raconte une erreur commise à ses débuts, comme conseiller : « J’avais acheté un produit structuré relativement complexe. Ce produit n’a pas bien été. Après ça, j’ai dit : “C’est terminé. Je préfère garder une gestion de portefeuille très simple. Si je ne suis pas capable d’expliquer ce produit à un juge qui ne comprend rien en finances, probablement que ce n’est pas un produit que je veux utiliser avec ma clientèle.” Ça m’a guidé tout le reste de ma carrière. »
Si les erreurs sont normales, la gestion des erreurs est très importante, selon David Lemieux : « Quand j’étais directeur de succursale, je disais aux conseillers : “Quand tu commets une erreur, tu la corriges immédiatement, tu la dévoiles au client. Il faut que le client sache qu’il y a eu une erreur, comment on va la corriger, et quel sera le résultat.” »
La pleine transparence et la communication entourant les erreurs sont capitales dans la gestion de la relation avec les clients, souligne-t-il.
Sans évoquer d’erreur en particulier, Renée Laflamme, vice-présidente exécutive, Assurance Épargne et Retraite individuelles chez iA Groupe financier, rappelle certaines leçons de gestion.
« Des fois, on fait face à des situations, mais il faut faire la part des choses entre “est-ce que le temps va arranger les choses” et si on doit intervenir maintenant. Quel est le bon équilibre ? Tout le monde, à un moment donné, a peut-être fait l’erreur de penser qu’on avait le luxe du temps ou d’oublier que des fois, on a le luxe du temps et on est capable de faire les choses de façon plus douce qu’on l’aurait fait autrement. »
Un dirigeant ne peut pas tout faire seul, et bien s’entourer peut éviter bien des erreurs, comme l’évoque Christian Mercier, président-directeur général d’UV Assurance.
« Savoir bien s’entourer, c’est la leçon pour que ça marche. Si j’ai réussi ce que j’ai accompli chez moi, ce n’est pas grâce à Christian Mercier. C’est grâce à l’équipe. »
En somme, tout le monde commet des erreurs. L’important est d’écouter les messages qu’elles portent pour éviter de les répéter.