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CRA / Government of Canada

Le 16 avril 2024, le gouvernement fédéral a présenté son Budget 2024, annonçant plusieurs changements fiscaux, dont une nouveauté majeure : l’augmentation du taux d’inclusion du gain en capital, une mesure depuis annulée. Pourtant, une autre réforme fiscale a attiré moins d’attention, mais pourrait avoir des conséquences encore plus importantes :  les nouvelles règles relatives à la collecte de renseignements par l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Des changements qui passent sous le radar

Les experts en fiscalité s’accordent à dire que ces nouvelles règles sont passées sous le radar de nombreux contribuables. Elles risquent pourtant de transformer de manière significative les pratiques de vérification fiscale et la collecte de renseignements par l’ARC. Ces modifications méritent d’être mieux comprises, car elles pourraient avoir des répercussions bien plus vastes que l’augmentation du taux d’inclusion du gain en capital.

Quelles sont ces nouvelles règles ?

Le régime fiscal canadien repose sur le principe de l’autocotisation, ce qui permet à l’ARC de collecter des renseignements auprès des contribuables. Toutefois, un rapport de 2018 du Bureau du vérificateur général a révélé que ces demandes étaient souvent retardées de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Pour y remédier, le Budget 2024 propose de renforcer les pouvoirs de l’ARC en matière de vérification fiscale et de collecte de renseignements. Ces mesures, appuyées par un projet de loi (modifié en août 2024), visent à améliorer l’efficacité des vérifications fiscales et à garantir la perception des revenus fiscaux en temps opportun.

Quatre mesures clés à surveiller :

  1. L’ARC est autorisée à obliger une personne d’être interrogée sous serment (oralement ou par écrit).
  2. Émission d’avis de non-conformité avec des pénalités pouvant atteindre 25 000 $ pour non-respect des demandes de l’ARC.
  3. Imposition de pénalités automatiques en cas de non-respect d’une ordonnance d’exécution.
  4. Suspension de la période de prescription dans certaines situations.

Des mesures controversées

Ces mesures ont soulevé de vives critiques au sein de la communauté fiscale. Bien que certains praticiens reconnaissent la nécessité pour l’ARC de disposer d’outils efficaces pour effectuer des vérifications, beaucoup estiment que les règles existantes sont déjà suffisantes. De plus, ces nouvelles mesures pourraient entraîner des abus de la part de l’ARC dans le traitement des dossiers des contribuables.

Voici quelques préoccupations soulevées par les fiscalistes :

  • Les interrogatoires sous serment risquent d’entraîner des coûts importants pour les contribuables.
  • Les pouvoirs actuels de l’ARC en matière de collecte de documents sont déjà considérables et pourraient suffire à garantir la conformité fiscale.
  • La possibilité d’émettre des avis de non-conformité pourrait être utilisée de manière excessive, notamment contre les contribuables qui, bien qu’ayant répondu aux demandes de l’ARC, s’opposent à certaines demandes jugées abusives.
  • L’imposition de pénalités automatiques pourrait pénaliser des contribuables ayant déjà fourni la majorité des renseignements demandés.

Une réforme suspendue, mais pas oubliée

Face aux critiques, un groupe de travail a été mis sur pied par l’Association du Barreau canadien et Comptables professionnels agréés du Canada pour étudier ces mesures. Toutefois, le projet de loi concernant ces nouvelles règles a été suspendu par la prorogation du Parlement le 7 janvier dernier, suite à une demande du Premier ministre Justin Trudeau. La communauté fiscale s’attend à ce qu’un nouveau projet de loi soit présenté lors de la reprise des travaux de la Chambre des communes. À suivre…