Façade de la Banque du Canada.
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Alors que l’incertitude pèse sur l’économie canadienne en raison d’une guerre commerciale avec les États-Unis, la Banque du Canada (BdC) abaisse encore une fois son taux directeur d’un quart de point de pourcentage, le portant à 2,75. Le taux officiel d’escompte s’établit quant à lui à 3 % et le taux de rémunération des dépôts, à 2,70 %.

« Ce n’était pas une baisse motivée par un ralentissement de l’inflation. Ni une baisse pour soutenir une économie en difficulté. Le gouverneur Macklem a d’ailleurs souligné la récente vigueur de l’économie canadienne et du marché du travail. Cette baisse était une réponse directe aux droits de douane annoncés récemment par le président Trump. Le communiqué de politique monétaire laissait presque entendre que sans ces tarifs, la croissance meilleure qu’anticipé aurait pu justifier une pause de la Banque du Canada. Néanmoins, elle doit jouer avec les cartes qu’elle a en main », commente Pierre-Benoît Gauthier, Vice-président, stratégie d’investissement chez IG Gestion de patrimoine.

Cette décision de la BdC était partiellement anticipée. En début de l’année, les experts pensaient que la BdC maintiendrait son taux inchangé pendant un certain temps, puisque l’économie canadienne était en bonne posture, avec un taux d’inflation proche de l’objectif de 2 % et une croissance robuste du produit intérieur brut. Cependant, les décisions du président américain ont bouleversé ces prévisions. Dans les derniers jours, les experts évoquaient une potentielle baisse du taux directeur, un scénario qui s’est finalement concrétisé le 12 mars.

« L’absence de réaction significative sur le marché des taux de changes et les rendements obligataires à long terme montre bien que cette décision était déjà largement anticipée. À ce stade, les marchés des produits dérivés évaluent à 50 % la probabilité d’une autre baisse dès le mois prochain », confirme Pierre-Benoît Gauthier.

Des métriques encourageantes

La croissance de l’emploi s’est renforcée de novembre à janvier, et le taux de chômage a baissé pour atteindre 6,6 %. Si les baisses de taux ont stimulé la demande de main-d’œuvre, les tensions commerciales pourraient freiner la reprise du marché du travail. La croissance des salaires montre déjà des signes de modération.

L’inflation reste près de sa cible de 2 %, mais elle devrait atteindre 2,5 % en mars, sous l’effet de la fin du congé de TPS et de TVH.

L’économie a progressé de 2,6 % au quatrième trimestre de 2024 et a connu une croissance révisée à la hausse de 2,2 % au troisième trimestre. Toutefois, la croissance au premier trimestre de 2025 va probablement ralentir. La BdC s’attend ainsi à ce que les tensions commerciales et les droits de douane imposés par les États-Unis ralentissent la progression de l’activité économique et fassent augmenter les pressions inflationnistes au Canada.

L’incertitude est le mot de l’heure et appelle à la prudence.

L’incertitude plane sur tous les secteurs

Aux États-Unis, l’économie semble ralentir, avec une inflation légèrement au-dessus de la cible. Dans la zone euro, la croissance économique a été modeste à la fin de 2024. En Chine, l’économie a connu une forte progression, soutenue par les mesures prises par les pouvoirs publics.

En ce qui concerne les marchés financiers, les cours boursiers ont chuté et les rendements obligataires ont baissé. Les prix du pétrole sont caractérisés par une grande volatilité. Quant à la valeur du dollar canadien, elle reste stable par rapport au dollar américain, mais a connu une dépréciation face à d’autres devises.

Ainsi, bien que la croissance économique ait surpassé les attentes, l’incertitude généralisée modère les intentions d’achat des consommateurs, incitant la BdC à faire preuve de prudence.

« Dans ce contexte, et comme l’inflation se situe près de la cible de 2 %, le Conseil de direction a décidé d’abaisser de nouveau le taux directeur de 25 points de base », conclut le communiqué de la BdC.

« Au final, la politique monétaire ne peut pas, à elle seule, neutraliser les effets de la guerre commerciale avec les États-Unis, mais elle peut assurément jouer un rôle. En étant plus agressive sur les baisses de taux, la Banque du Canada affaiblit le dollar canadien, ce qui soutient nos exportateurs qui subissent les contrecoups des barrières tarifaires. Par contre, cette stratégie a un coût : un huard plus faible signifie des biens importés plus chers pour les Canadiens. La Banque se retrouve donc une fois de plus coincée entre deux feux », signale Pierre-Benoît Gauthier en notant que la Réserve fédérale américaine ne semble pas du tout sur la même longueur d’onde puisque les experts évaluent à moins de 1 % de chances d’une coupe en mars.

« Plus les tarifs resteront en place, plus les dommages potentiels pour l’économie canadienne sont importants, et plus le taux directeur continuera de descendre », conclut-il.