Déprimé Trader frustré fatigué de surtravail ou stressé par la faillite.
Victoria Gnatiuk / iStock

Le représentant en épargne collective (REC) Martin Raymond a été estomaqué du projet de cotisation que lui a transmis Revenu Québec (RQ), en juin dernier. En raison d’un écart entre son interprétation des règles entourant le partage des commissions avec son cabinet en assurance et celle de RQ, cette autorité fiscale a révisé à la hausse son revenu d’entreprise et sa facture fiscale personnelle pour les années 2021 à 2023. Résultat : le REC est imposé deux fois sur ses mêmes revenus, en plus de devoir payer des intérêts sur ces sommes.

« Je suis abasourdi (par la décision de Revenu Québec) », indique Martin Raymond, qui est également conseiller en sécurité financière et actionnaire d’une société inscrite comme cabinet d’assurance de personnes et de planification financière.

Il dénonce la position de RQ, qui se serait montré inflexible par rapport à certains ajustements à faire à sa situation, selon lui.

Le cas de Martin Raymond ressemble à celui de nombreux autres de conseillers qui dû acquitter une facture fiscale de Revenu Québec ces dernières années en raison d’un écart d’interprétation des règles sur le partage de commission en épargne collective. Revenu Québec a d’ailleurs récemment clarifié certains éléments entourant le partage de commission dans une note d’interprétation.

Lire : Partage de commission : flous entourant un avis de RQ

et Partage de commission : les éléments clés de l’avis de RQ

REC inscrit auprès d’un courtier en épargne collective, Martin Raymond a fait verser ses revenus de commission en provenance de son courtier dans le compte bancaire de sa société par actions, de 2021 à 2023.

Sous les conseils d’un professionnel, il déclare tous ses revenus provenant de commissions pour ses activités en épargne collective (100 000 $ pour fins d’exemple) sous forme de salaire, avec déduction à la source. Il reçoit un feuillet T4 de son cabinet.

La révision de son dossier fait que Revenu Québec a non seulement attribué au REC personnellement les 100 000 $ en provenance du courtier, mais les a additionnés aux 100 000 $ de salaires en provenance de son cabinet. Résultat, le contribuable se retrouve à être imposé deux fois sur les mêmes commissions, soit une fois sous forme de salaire et une fois sous forme de revenu d’entreprise personnelle, donnant un total de 200 000 $.

Martin Raymond a tenté en vain de faire annuler son feuillet T4 pour éviter la double imposition, la facture fiscale importante ainsi que les intérêts découlant de cette révision.

« J’ai un impôt à payer beaucoup trop élevé et je dois payer de l’intérêt sur une somme que je n’ai même pas gagnée ! déplore-t-il. J’ai beau leur expliquer qu’il est injuste de m’imposer sur 200 000 $ alors que j’en ai gagné seulement 100 000 $, rien à faire. »

Un représentant de RQ a eu beau lui dire qu’il peut déposer un avis d’opposition, Martin Raymond souhaite éviter de coûteuses démarches juridiques dont les résultats restent incertains.

Finance et Investissement a présenté ce cas à Revenu Québec afin d’obtenir davantage de précision quant à la situation de Martin Raymond. « Revenu Québec ne peut, dans le présent contexte, communiquer des renseignements à l’égard du dossier d’un contribuable ou discuter de son dossier fiscal. De même, Revenu Québec ne peut offrir de conseils relevant de la planification fiscale », écrit Claude-Olivier Fagnant, du service des relations publiques de Revenu Québec.

« Revenu Québec ne vise pas à cotiser la même personne deux fois pour le même revenu, mais il peut arriver qu’un tel résultat fiscal découle de l’application des actes juridiques auxquels est partie un contribuable. Une analyse au cas par cas est donc nécessaire », précise-t-il.

La Loi sur les impôts ne prévoit pas de règle particulière permettant à un REC de ne pas inclure dans le calcul de son revenu un montant de rémunération qui lui est dû lorsqu’il en attribue une partie ou la totalité à une tierce partie, comme une société qu’il contrôle, ajoute le porte-parole de RQ, dans un courriel.

« Dans le cas où un représentant en épargne collective partage sa commission avec une autre personne, la préoccupation principale pour l’application de la Loi sur les impôts est de déterminer si le montant remis à cette autre personne correspond à une rémunération gagnée par cette dernière pour des services qu’elle a réellement rendus », note-t-il.

Pour déterminer la personne qui doit s’imposer sur un revenu, Revenu Québec s’intéresse non pas au partage de commissions, mais plutôt à la rémunération en elle-même, telle qu’elle est prévue par les documents juridiques conclus entre les parties, poursuit-il.

Pour éviter le genre de problèmes fiscaux rencontrés par Martin Raymond, tout en reflétant la réalité commerciale de nombreux REC, à savoir que leurs cabinets leur rendent des services, on a voulu savoir si RQ s’attend à ce que le REC perçoive ses commissions personnellement, mais échange des services avec sa société par actions par l’intermédiaire services taxables (TPS, TVQ).

« De même, chaque situation doit être analysée afin de déterminer quels sont les services rendus aux fins de la TPS et de la TVQ. En règle générale, la TPS et la TVQ ne s’appliquent pas à la vente d’un produit financier. Toutefois, lorsque le service est de nature administrative, la TPS et la TVQ doivent habituellement être perçues sur la valeur de la contrepartie reçue », a-t-il indiqué.

Prudence semble donc un mot d’ordre lorsqu’un REC organise ses affaires avec son cabinet en assurance et tente de déduire certaines dépenses de son revenu d’entreprise gagné personnellement.

Martin Raymond a changé ses façons de faire afin que ses commissions pour ses activités en épargne collective soient imposées personnellement. Il dit avoir payé ses impôts selon les exigences de RQ, ainsi que les frais d’intérêt demandés. Avec un professionnel en comptabilité, il tente maintenant de trouver une solution acceptable pour Revenu Québec qui tiendra compte des sommes reçues de son cabinet.

Il s’estime chanceux d’avoir eu les liquidités afin de payer ses factures fiscales.