
Membre fondateur de l’équipe Leblanc Martineau St-Hilaire[1] chez VMD, en 2008, ce diplômé en mathématique, qui a délaissé une carrière florissante dans le secteur des médias pour se consacrer entièrement à sa passion, les finances, n’anticipait absolument pas un tel scénario.
Des débuts prometteurs, puis… la crise
Quelque temps avant que la crise financière n’éclate, Sébastien St-Hilaire et ses deux associés, Marc Leblanc et Stéphane Martineau, avaient effectué une retraite de quelques jours afin de structurer leur modèle d’affaires, établissant leurs choix d’investissement, leurs politiques de placement ainsi que les stratégies à adopter.
Enthousiaste, Sébastien St-Hilaire avait même commencé à démarcher des clients et à rencontrer des partenaires, percevant déjà l’intérêt pour leur nouveau modèle d’affaires.
« Je venais juste d’accrocher mon diplôme au mur lorsque la crise financière est arrivée », confie-t-il.
Une crise qu’il qualifie d’intense par son amplitude.
« Une chance que ça n’arrive pas tous les 10, 15 ans », admet-il.
En effet, la crise financière touche de plein fouet les actifs gérés par l’équipe.
« Quand je suis arrivé, Marc et Stéphane géraient déjà 100 millions d’actifs depuis plus de 14 ou 15 ans. Suite à la crise financière, on est descendu à 75 millions. Quand vous perdez 25 % de votre actif et que vos revenus sont basés sur ça, c’est une autre réalité [qui s’impose]. »
La force d’un plaidoyer
Compte tenu des circonstances, ses associés lui ont alors dit, lors d’une rencontre, qu’il leur serait difficile de poursuivre l’aventure avec lui.
Nouvellement papa et venant tout juste de réaliser un changement de carrière, Sébastien St-Hilaire était déterminé à plaider sa cause auprès de ses associés.
Il leur a d’abord rappelé la valeur de leur modèle d’affaires et de leurs stratégies. Puis, il leur a expliqué que, souvent, les meilleures idées naissent lors de récessions, donnant pour exemple Apple et HP.
« Si le modèle d’affaires est fort, il va être résilient et il va passer au travers de la crise », leur a-t-il dit.
Ses arguments ont su convaincre.
« À ce moment-là, on avait tous décidé d’assumer une perte financière, de réduire chacun nos salaires, puis d’espérer que le vent tournerait. »
Et c’est ainsi que, 17 ans plus tard, l’équipe gère plus de 2 milliards de dollars d’actifs pour ses clients.
Les leçons apprises
Avec le recul, le gestionnaire de portefeuille et conseiller en placement se félicite, tout comme ses associés, d’avoir maintenu le cap.
À l’époque, cherchant les conseils de professionnels expérimentés du milieu de la finance, il est allé dîner avec Catherine Laurin, une gestionnaire de portefeuille de chez BMO Nesbitt Burns, qui lui a fait cette réflexion :
« Tu sais, Sébastien, c’est pas mal le meilleur moment pour commencer, parce que tous tes clients vont faire de l’argent. Un nouveau cycle s’amorce. Alors, pendant des années, tu vas juste avoir des rendements positifs à montrer à tes clients. »
Et ce fut effectivement le cas pour la clientèle d’investisseurs de Sébastien St-Hilaire.
Ce dernier a également pris conscience que, dans les moments difficiles, il est essentiel non seulement de redoubler d’efforts, mais aussi de communiquer directement avec les clients et prospects.
« Le facteur humain est super important. Il faut toujours répondre présent, surtout quand ça va mal, mais aussi quand ça va bien, parce qu’il faut être là pour parler des bonnes nouvelles. »
Le marché financier en 2025
Face à la volatilité actuelle, Sébastien St-Hilaire rappelle que le marché boursier est, par nature, extrêmement liquide, contrairement à une maison ou encore à une entreprise privée.
« Quand ça va mal, les chefs d’entreprises ne vont pas liquider leur entreprise au rabais parce qu’il y a une période d’incertitude. Au niveau des actions, c’est différent. Le cours acheteur-vendeur est disponible à la seconde. »
Pour lui, il est essentiel de se poser cette question : « De quel côté de la transaction on veut être, au moment où on veut ? »
Lorsque les clients sont stressés et qu’ils ont peur, il est toujours possible, concède-t-il, de les accommoder et de vendre leurs actions.
Mais, précise-t-il, « [notre] rôle comme conseiller, c’est aussi de rassurer les clients afin qu’ils ne commettent pas des erreurs suite à des mouvements d’incertitude comme ceux que l’on connaît ».
« L’investisseur patient a largement été récompensé dans les 100 dernières années en ne vendant rien », observe-t-il.
Selon lui, « la Bourse devrait connaître des rendements intéressants sur les 10 prochaines années ».
Son conseil ? « Il faut être capable d’acheter une action aujourd’hui ou une entreprise et de la détenir pendant 10 ans, peu importe ce qui va se passer dans le marché. Il faut juste de ne pas avoir à la vendre. »
Le facteur Trump
Comment ce professionnel compare-t-il la crise financière de 2008 avec les soubresauts actuels de la Bourse ?
« Avant que Donald Trump soit au pouvoir, les rendements boursiers entre démocrates et républicains, c’était pas mal la même chose. Cette fois-ci, ça ne devrait pas être très différent. La seule chose, c’est que la volatilité, pour se rendre du point A au point B, risque d’être beaucoup plus grande avec Trump. On l’a vu dans son premier mandat, on le voit dans son deuxième mandat. La différence entre 2008 et aujourd’hui, c’est qu’actuellement, c’est comme un genre de self-fulfilling prophecy[2], c’est-à-dire que c’est une personne qui crée cette distorsion. »
La résilience des clients
Autre constat par rapport à 2008, le professionnel remarque que ses clients sont davantage résilients aujourd’hui. Il attribue cette résilience au travail effectué avec eux au fil du temps.
« Nos clients nous suivent depuis des années. On les informe, on communique avec eux, on leur envoie une publication sur ce qui a retenu notre attention cette semaine. »
D’après lui, il est important d’outiller (to empower, dit-il) les clients.
« Oui, ils posent toujours des questions, mais on reçoit beaucoup moins de demandes irrationnelles de tout vendre. »
Le conseil de Winston Churchill
En terminant, Sébastien St-Hilaire cite cette phrase célèbre de Winston Churchill : Never let a good crisis, go to waste[3].
« La crise représente une occasion. On a le choix de se positionner en victime, de broyer du noir, d’être démoralisé, ou de se retrousser les manches, de redoubler d’efforts et de travailler plus fort. Ça bénéficie autant à nos modèles d’affaires qu’à nos clients. »
[1] Aujourd’hui l’équipe Leblanc Martineau St-Hilaire L’Heureux.
[2] Une prophétie auto-réalisatrice.
[3] Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise.