Certaines de ces modifications ont suscité des interrogations dans la communauté fiscale, si bien qu’après des représentations faites, entre autres, par la Conference for Advanced Life (CALU) et par la Society of Trust and Estate Practitioners (STEP), le gouvernement fédéral a publié une lettre le 16 novembre 2015, par laquelle il prenait acte des problèmes soulevés. Le 15 janvier 2016, de nouvelles propositions législatives ont été publiées.

Voici un court rappel des règles existantes avant 2016, des règles initialement prévues pour 2016 et des dernières propositions législatives de janvier dernier en ce qui a trait au don de bienfaisance fait par testament.

Avant 2016, pour que le don soit réputé être fait par le particulier décédé immédiatement avant son décès, les conditions suivantes devaient être remplies :

• Le testament indique une intention manifeste du testateur d’effectuer un don à un donataire reconnu;
• Le testament précise le bien à donner, un montant ou un pourcentage du résidu des biens de la succession;
• La succession doit être en mesure d’effectuer le don après le paiement des dettes;
• Le testament ne permet aucun empiètement sur le capital de la succession par les liquidateurs.

Si les conditions ci-dessus étaient réunies, le don pouvait être utilisé dans l’année du décès ou dans une année antérieure. Il était même accepté que le conjoint survivant puisse réclamer le don. La valeur du don était la juste valeur du bien au moment du décès et non au moment de son transfert à l’organisme. Si les conditions n’étaient pas remplies, le don était fait par la succession. Il était naturellement intéressant de réclamer le crédit pour dons de bienfaisance dans la déclaration finale du défunt puisque les revenus étaient habituellement plus élevés en raison de la disposition réputée au décès.

Règles adoptées le 16 décembre 2014 et en vigueur à compter de 2016

À compter de 2016, le nouveau paragraphe 118.1(4.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») mentionne que le don serait réputé être fait par la succession au moment où le bien faisant l’objet du don est transféré à un donataire reconnu s’il est effectué :

• par le particulier au moyen de son testament;
• par la succession (qu’elle se qualifie ou non à titre de succession assujettie à l’imposition à taux progressif (« SAITP »));
• par désignation (assurance vie, régime enregistré d’épargne-retraite (« REÉR »), fonds enregistré de revenu de retraite (« FERR ») ou compte d’épargne libre d’impôt (« CÉLI »).

Cette nouvelle disposition fait en sorte que les dons faits par testament et les dons par désignation ne seront plus réputés avoir été faits par un particulier immédiatement avant son décès. Ces dons sont plutôt réputés avoir été faits par la succession du particulier et, lorsque certaines conditions seront remplies, par une SAITP.

Un don sera considéré comme étant un don fait par une SAITP si le bien faisant l’objet du don est acquis par une SAITP au moment du décès et par suite de ce décès, ou encore comme étant un don fait par désignation dans une assurance vie, REÉR, CÉLI ou FERR. De plus, le nouveau paragraphe 118.1(5.1) L.I.R. fait en sorte que seule une SAITP peut choisir qui d’elle ou du défunt réclamera le don prévu par le testament. Le don pourrait être réclamé dans les deux dernières années d’imposition du particulier, dans l’année d’imposition de la succession au cours de laquelle le don a été effectué ou à une année d’imposition antérieure à la succession. Le report prospectif de cinq ans sera également possible. Pour les successions autres que les SAITP ou qui ne se qualifient plus de SAITP parce que le délai de 36 mois a expiré au moment du don, elles pourront réclamer le don dans l’année où il a été fait ou le reporter dans les cinq années suivantes. Dans ce dernier cas, le don ne pourra être attribué à l’année d’imposition du défunt ni à une année antérieure à la succession.

En vertu des nouvelles dispositions, la valeur du don est la juste valeur du bien au moment du transfert au donataire reconnu et non sa valeur au moment du décès.

En raison de cette modification, un gain ou une perte pourra être réalisé lorsque la succession d’un particulier donne un bien qui a fait l’objet d’une disposition réputée par le particulier immédiatement avant son décès et que la juste valeur marchande du bien au moment du transfert au donataire reconnu a changé.

Dans le cas d’un don d’un titre coté en Bourse, d’un bien culturel et d’un bien écosensible, le gain en capital au décès sera exonéré seulement si le don est effectué par une SAITP. De plus, seule une SAITP peut exonérer le don en argent du produit de disposition d’actions de société privée à la condition que le don soit fait dans les 30 jours suivant la vente.

Toujours selon ces mêmes nouvelles règles, les fiducies au profit de l’époux ou du conjoint de fait, lesquelles ont une fin d’année présumée lors du décès du bénéficiaire, pourront réclamer le don dans l’année où il a été fait ou le reporter dans les cinq années suivantes.

Règles proposées le 15 janvier 2016

Les modifications de janvier 2016 proposent qu’une SAITP qui cesse d’être une SAITP parce que le délai de 36 mois a expiré, mais qui par ailleurs se qualifie toujours de SAITP, pourra choisir d’allouer le don fait après la perte de son statut, mais dans une période de 60 mois après le décès du particulier, soit dans l’année d’imposition au cours de laquelle le don a été fait ou aux deux dernières années d’imposition du particulier. Ces modifications s’appliquent également au don d’un titre coté en Bourse, d’un bien culturel et d’un bien écosensible. Cela permettra d’exonérer le gain en capital réalisé, et ce, pour une période de 60 mois à compter du décès du particulier. Par contre, le don ne pourra pas être reporté dans une année antérieure à la SAITP.

Les modifications de janvier 2016 permettront aux fiducies au profit de l’époux ou du conjoint de fait, aux fins du calcul du crédit d’impôt pour don de bienfaisance de la fiducie à l’égard d’un don fait par la fiducie dans les 90 jours suivant la fin de l’année civile au cours de laquelle le bénéficiaire principal est décédé, de reporter le don dans l’année d’imposition de la fiducie se terminant au moment du décès.

Dans le présent article, nous avons rappelé les dispositions déjà en vigueur depuis le début de 2016 et avons traité des modifications proposées le 15 janvier dernier afin de tenir compte des représentations faites par la communauté fiscale en permettant entre autres de reporter le don fait par une fiducie au profit de l’époux ou du conjoint de fait dans l’année du décès. De plus, le délai de 36 mois pendant lequel une succession se qualifie de SAITP pouvant être trop court pour permettre d’effectuer un don a été prolongé. Quant aux autres dispositions, elles demeurent inchangées.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Johanne Dubé.