Pourtant, le domaine culturel a grand besoin de ces bienfaiteurs. C’est pourquoi le Canada et le Québec ont mis de l’avant un programme de crédit d’impôt très généreux. Ainsi, en excluant les crédits d’impôt habituels, nous vous proposons une revue des crédits d’impôt se rapportant plus précisément à l’art et à la culture destinés aux contribuables philanthropes, entre autres ceux instaurés par le ministre des Finances du Québec le 3 juillet 2013 (Bulletin d’information 2013-6, « Nouvelles mesures fiscales pour encourager la philanthropie culturelle »), soit ceux relatifs à un don d’un immeuble destiné à des fins culturelles, à un premier don important en culture et au mécénat culturel des particuliers.
• Don de titres de placement et de biens immobiliers
Afin de favoriser le don de titres de placement, en vertu du sous-alinéa 38a.1)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») et du paragraphe 231.2a) de la Loi sur les impôts (« L.I. »), une mesure permet à un contribuable d’obtenir une exemption du gain en capital réalisé sur la donation de certains placements, notamment les actions de sociétés publiques et les unités de fonds commun de placement.
Selon les nouvelles dispositions fédérales introduites dans le Budget du 21 avril 2015, une exemption sur le gain en capital réalisé provenant de la disposition d’actions de sociétés privées et de biens immobiliers effectuée après 2016 sera aussi disponible. Il convient de noter que le Québec s’y est également harmonisé (QUÉBEC, ministère des Finances, Bulletin d’information 2015-4, « Harmonisation à certaines mesures fiscales fédérales et autres mesures fiscales », 18 juin 2015). Cependant, l’allègement ne vise pas la récupération d’amortissement. Afin que la mesure s’applique, le produit en espèces résultant de la disposition faite en faveur d’un acheteur sans lien de dépendance avec le donateur et le donataire reconnu devra être offert à ce dernier dans un délai de 30 jours suivant la disposition.
Lorsque le donateur est une société, la moitié du gain en capital pourra être ajoutée au compte de dividendes en capital, et ce, même si ledit gain en capital n’a pas été imposé.
Toutefois, une règle antiévitement inclura le gain en capital exempté dans le revenu du contribuable si, au cours des cinq années suivant la disposition, le bien est acquis de nouveau par le contribuable ou par une personne ayant un lien de dépendance. Plus particulièrement, dans le cas où le bien consisterait en des actions, la règle antiévitement s’appliquera si le contribuable ou une personne ayant un lien de dépendance acquiert des actions en remplacement d’actions qui avaient été vendues, ou si les actions d’une société qui avaient été vendues sont rachetées et qu’à ce moment, le donateur a un lien de dépendance avec la société. Cette inclusion s’effectuera dans l’année de l’acquisition du bien ou du rachat des actions.
Dons de bienfaisance à des fins culturelles
• Don d’un immeuble destiné à des fins culturelles
Le nouveau crédit d’impôt pour don d’un immeuble destiné à des fins culturelles (« DIDFC ») prévoit que la juste valeur marchande (« JVM ») de l’immeuble sera majorée de 25 % aux fins du crédit d’impôt. À cet effet, l’immeuble situé au Québec doit être susceptible d’accueillir des ateliers d’artistes ou des organismes à vocation culturelle et la JVM doit être attestée par le ministre de la Culture et des Communications.
Également, le bâtiment devra être acquis par un donataire admissible dont le but est d’y aménager des locaux offerts en location à des prix abordables servant à l’une de ces deux fins, et le donataire admissible devra être une municipalité québécoise, un organisme municipal ou public remplissant une fonction gouvernementale au Québec, un organisme de bienfaisance enregistré œuvrant dans le domaine des arts et de la culture, un organisme culturel ou de communication enregistré ou une institution muséale enregistrée.
Le contribuable sera assujetti à la réalisation d’un gain en capital ainsi qu’à la récupération de l’amortissement. Un don d’un bien immobilier et un don se qualifiant de DIDFC sont tous deux assujettis à la récupération de l’amortissement. Ainsi, le coût du don fait par un particulier sera inférieur et il sera plus avantageux de réclamer la majoration de la JVM permise par le DIDFC que l’exemption du gain en capital, si le rapport entre le gain en capital et la JVM de l’immeuble est inférieur à 24 %. A contrario, lorsque le gain en capital excède ce pourcentage, le coût absorbé par le particulier sera plus élevé, il sera alors plus bénéfique de profiter de l’exemption du gain en capital. Quant au don fait par une société, un tel rapprochement ne peut être fait puisqu’il varie en fonction du taux d’imposition de ladite société.
• Crédit d’impôt additionnel québécois pour un premier don important en culture
Un particulier résidant au Québec peut obtenir un crédit d’impôt non remboursable additionnel de 25 % s’il réalise, avant le 1er janvier 2018, un premier don en culture d’au moins 5 000 $ (le crédit maximal de 6 250 $ est atteint lorsque le don est de 25 000 $). Comparativement au super crédit pour premier don (fédéral), il ne s’agit pas de déterminer si, dans les quatre années précédentes, le contribuable avait déjà fait un don, mais plutôt de définir s’il s’est déjà prévalu du crédit d’impôt additionnel québécois pour un premier don important en culture (« CIAQPDIC »).
En l’espèce, le don peut être remis en un seul ou plusieurs versements dans l’année, pourvu que le total des dons à l’organisme soit supérieur à 5 000 $. La portion non utilisée est reportable sur une période de quatre ans et elle n’est pas transférable en faveur du conjoint. Cependant, chacun des deux conjoints peut réclamer le CIAQPDIC indépendamment l’un de l’autre.
Un particulier ayant en main des actions dont il souhaite se défaire pourra choisir de faire don de ses actions ou les vendre et en remettre le produit de disposition à titre de premier don important en culture. En considérant qu’il n’a jamais profité de la présente mesure et que le taux d’imposition marginal du gain en capital est pratiquement équivalent au pourcentage de majoration, il demeure que, dans toutes les circonstances, le crédit d’impôt additionnel réduira le coût du don. Prenons l’exemple d’un particulier souhaitant faire un don d’actions ayant une JVM de 25 000 $ et un coût de 5 000 $. S’il réclame l’exemption du gain pour un don de titres de placement et le crédit d’impôt pour don, il lui en coûtera 12 978 $ (51,91 %). S’il décidait plutôt d’en disposer et de réclamer le CIAQPDIC, il serait tenu de payer 4 997 $ d’impôt sur le gain en capital, mais pourrait réclamer le présent crédit d’impôt de 6 250 $, pour un coût net de 11 725 $ (46,90 %), soit un écart favorable de 1 253 $.
Si le don dépassait la limite de 25 000 $, le particulier pourrait disposer des actions ayant la plus faible plus-value et remettre le produit de disposition afin de bénéficier du CIAQPDIC, puis pourrait faire don des titres de placement ayant la plus forte plus-value pour bénéficier de l’exemption du gain en capital. Il est également préférable dans la mise en place d’une stratégie de don que les deux conjoints réclament le CIAQPDIC afin de minimiser le coût du don familial puisqu’il n’en coûte que 26,91 % pour un don de 25 000 $.
• Crédit d’impôt pour le mécénat culturel des particuliers
Un particulier résidant au Québec qui réalise un don en argent d’au moins 250 000 $ pourra obtenir un crédit d’impôt de 30 % sur l’entièreté du montant. Il est important de souligner que ce crédit d’impôt ne fait l’objet d’aucune limite maximale.
Le don devra être fait en faveur d’un organisme de bienfaisance enregistré au Québec dans le domaine des arts, de la culture ou d’un musée constitué en vertu de la Loi sur les musées (L.C. 1990, ch. 3). Un don d’au moins 250 000 $ versé au cours d’une année ou une promesse de don enregistrée d’au moins 250 000 $, versée à raison d’au moins 25 000 $ par année sur une période d’au plus 10 ans pourra se qualifier. À cet effet, la promesse de don devra être enregistrée dans le registre des promesses de don auprès du ministre de la Culture et des Communications. Si le particulier ne peut utiliser la totalité du crédit d’impôt pour le mécénat culturel des particuliers (« CIPMCP »), la partie inutilisée du crédit d’impôt peut être reportée pour une période de cinq ans ou transférée en faveur de son conjoint.
Si la promesse de don n’est pas respectée et qu’elle est d’au moins 250 000 $ à la fin de l’année d’imposition précédente, seuls les paiements subséquents seront refusés aux fins du CIPMCP. Autrement, la promesse de don sera réputée ne jamais avoir été enregistrée et l’incitatif fiscal obtenu fera l’objet d’une récupération, sauf si le particulier est décédé dans l’année courante. Plus précisément, les années non prescrites feront l’objet d’un redressement assujetti aux intérêts et pénalités. Pour les années prescrites, le contribuable sera assujetti à un impôt spécial dans l’année courante de 6 % du montant du don admissible au CIPMCP ainsi qu’à un montant équivalant aux intérêts qui seraient dus durant la période couvrant le 1er mai de l’année qui suit l’année où la promesse de don a été enregistrée jusqu’au début de l’année courante.
De plus, en vertu des modifications apportées à l’article 752.0.10.9 L.I., un don d’une police d’assurance vie, d’un droit de bénéficiaire soit sur un régime enregistré d’épargne-retraite, soit sur un fonds enregistré de revenu de retraite, soit sur un compte d’épargne libre d’impôt, fait par testament, sera réputé avoir été fait dans l’année d’imposition précédente et pourra ainsi être admissible aux fins du CIPMCP ainsi que du CIAQPDIC. Le crédit d’impôt pourra être réclamé dans la déclaration de revenus principale ou l’une ou l’autre des déclarations de revenus distinctes.
Un particulier possédant un immeuble pourrait avoir avantage à réclamer le CIPMCP en remettant le produit de disposition plutôt que d’appliquer les mesures relatives à un don d’immeuble destiné à des fins culturelles puisque la majoration de la JVM correspondant à 25 % est sensiblement équivalente au taux d’imposition marginal du gain en capital d’un particulier. Cependant, si le rapport entre le gain en capital et la JVM de l’immeuble excède 24 %, le coût du don pour le particulier sera moindre en renonçant à la majoration de la JVM aux fins du crédit d’impôt et en faisant don de l’immeuble tout en réclamant l’exemption pour gain en capital en vertu du don d’un bien immobilier.
• Donation d’une œuvre d’art à une institution muséale, d’enseignement ou à l’État
Un contribuable qui remet une œuvre d’art public, définie comme étant une œuvre d’art à caractère permanent installée dans un espace accessible à la population, pourra obtenir une majoration de 25 % de sa JVM si elle est remise au gouvernement du Québec, à une municipalité, à un organisme municipal ou à une institution muséale québécoise, ou de 50 % si elle est remise à un établissement d’enseignement, une commission scolaire ou un organisme de bienfaisance enregistré ayant l’enseignement comme mission.
Par ailleurs, une œuvre d’art, reconnue comme un « bien culturel », tant par le fédéral que par le Québec, fera l’objet d’une exemption du gain en capital en vertu du sous-alinéa 39(1)(i.1) L.I.R. et du deuxième alinéa de l’article 232 L.I. et ne sera pas assujettie à la limite de 75 % du revenu net si le don est fait à un établissement reconnu ou à une institution muséale québécoise. De plus, au Québec, la JVM du bien culturel fera l’objet d’une majoration de 25 % lorsqu’elle est remise à une institution muséale québécoise.
Afin de se qualifier de bien culturel, le bien doit répondre à des critères d’intérêt exceptionnel et d’importance nationaux et être reconnu à ce titre selon la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels (L.R.C. (1985), ch. C-51) ou la Loi sur le patrimoine culturel (RLRQ, c. P-9.002). Ce type de don requiert une attestation de la part de la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels (« CCEEBC ») ou du Conseil du patrimoine culturel du Québec (« CPCQ »). Point important, si l’attestation est délivrée par le CPCQ, le contribuable ne pourra que se prévaloir des mesures du Québec, tandis que si l’attestation est délivrée par la CCEEBC, il pourra bénéficier des mesures mises en place par les deux paliers gouvernementaux.
De plus, un contribuable souhaitant faire don du bien culturel tout en le conservant verra le crédit d’impôt être réduit. Le concept reprend le principe de droit d’usufruit et de propriété puisqu’il remet à l’institution muséale l’œuvre en question, mais en conserve l’usage. Le contribuable peut ainsi réclamer un crédit d’impôt immédiatement. Au fédéral, le montant du crédit d’impôt sera réduit de la valeur de l’avantage du droit d’usage, établie par un expert en évaluation, tandis qu’au Québec, le crédit d’impôt est réduit à des valeurs précises établies soit sur la durée de vie du donateur (intervalle de 25 % à 91 % de la JVM), soit pour une durée fixe (87 % si elle est de 10 ans ou moins, 74 % si elle est de plus de 10 ans mais moins de 21 ans ou 61 % dans les autres cas).
Veuillez noter qu’à la date de la rédaction du présent article, selon une récente politique interne, la CCEEBC refuserait de délivrer une attestation pour un don d’un bien culturel avec un droit d’usage.
Voici un tableau récapitulatif des mesures s’appliquant aux dons. Il est important de souligner que le coût du don est présenté sans l’application des conséquences fiscales de la disposition du bien, c’est-à-dire le gain en capital et la récupération d’amortissement.
Le présent article se voulait un rappel des principaux crédits d’impôt relatifs aux dons de bienfaisance dans le domaine des arts et de la culture. Il est important de maximiser ces généreux crédits d’impôt puisque ceux-ci allègent, de façon significative, la contribution du donateur. Tous affirmeront qu’il appartient aux instances gouvernementales de supporter les arts et la culture. Or, l’analyse de ces différents crédits d’impôt nous permet d’attester qu’ils le font déjà de manière importante. Aux contribuables de faire leur part!
M. Marcel Lemay est président du conseil d’administration de l’Orchestre symphonique de Laval et M. Mathieu Joubert est membre du Cercle des jeunes philanthropes (Musée des beaux-arts de Montréal).
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Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Mathieu Joubert, CPA, CA, LL.M. fisc. .