Premièrement, sur une base macroéconomique, cette chute représente l’équivalent d’une baisse d’impôt pour le consommateur et soutiendra la croissance économique des régions qui sont des importateurs nets de pétrole. Par contre, ceci n’est pas indicateur d’une diminution de l’inflation si ce n’est pas accompagné d’une réduction de la masse monétaire. On parle plutôt de variation de prix relatifs et de l’indice général des prix.
La baisse de prix survient à la suite de la décision de l’OPEP de ne pas diminuer sa production pour défendre le niveau de prix passé, soit plus de 90$ le baril. Cela ressemble fortement à ce qui s’est produit en 1985. Fondamentalement, l’OPEP vise à défendre sa part de marché à long terme.
Rappelons que l’OPEP se trouve menacée par la croissance de production venant du pétrole de schiste et des sables bitumineux. Cette nouvelle production est rendue possible par le prix élevé et par l’avancement technologique, surtout en ce qui a trait à la combinaison du fractionnement et du forage horizontal. L’OPEP veut ralentir et même stopper ces nouvelles sources d’approvisionnement.
L’impact sur la production future sera de réduire les nouveaux projets d’exploration et d’exploitation du pétrole et, ainsi, laisser le déclin naturel de la production pétrolière éliminer le surplus de capacité mondial existant. Les questions à se poser sont :
1) Quel est le nouveau régime de prix?
2) Combien de temps vivra- t’on avec des prix plus bas?
Tout d’abord, parlons de ce nouveau régime de prix. Il est important de se rappeler que le prix d’une denrée est fixé par la dernière unité vendue. Donc, théoriquement, le prix plancher dans un marché en surplus est le coût marginal de production qui ramène à l’équilibre. Il y a une grande confusion sur le coût d’exploitation du pétrole. Nous ne parlons pas ici du coût total mais du coût marginal de production.
Celui-ci est parfois très bas une fois le coût du capital investi dépensé et ceci même pour les projets les plus onéreux. Cette leçon fut clairement démontrée en 1986 lorsque les prix ont atteint environ 10$ américains et très peu de projets ont cessé de produire incluant les très couteux sables bitumineux.
De plus, les entreprises réagissent en réduisant leurs dépenses. D’autres firmes vont continuer à produire pour continuer le service de leur dette et dans certains cas, elles accepteront de perdre de l’argent car les coûts d’arrêter pour ensuite repartir la production plus tard sont faramineux. Donc, en général, le prix plancher est plus déterminé par la psychologie de marché que par les fondamentaux. Il faut faire abstraction du point de départ, car comme il était en partie le produit de la gestion de l’offre de l’OPEP, celui n’est pas pertinent pour déterminer le prix dans ce nouveau régime.
La meilleure façon de faire monter le prix du pétrole est de le garder trop bas versus le prix d’équilibre de long terme et ceci, l’OPEP l’a très bien compris. Plus le prix sera bas, plus l’ajustement de l’offre et de la demande se fera rapidement et nous retournerons à un régime de prix élevé. La durée de l’ajustement est fonction du taux de déclin de la production. Celui-ci est particulièrement rapide pour le pétrole de schiste, mais plutôt lent pour les sables bitumineux.
La technologie et la capacité de l’industrie à s’adapter a ce nouveau niveau de prix est généralement sous-estimée si on se fie a ce qui s’est passe dans les années 80. De plus, plusieurs projets qui ne verraient pas le jour si on les débutait aujourd’hui, seront lancés. En effet, la décision de continuer ou d’arrêter le projet ne tient en compte que l’investissement futur et non les sommes dépensées dans le passé. Ceci réduit dramatiquement le prix auquel ces projets deviennent rentables.
En général, l’histoire a démontré que l’ajustement de prix du pétrole lors de cette tactique de contrôle de part de marché à long terme prend plus de temps que l’on croyait initialement. Les deux raisons sont que le prix ne descend pas aussi bas qu’il devrait et que l’industrie s’adapte mieux et plus rapidement rendant nos prévisions linéaires peu valables. Par contre, comme il est souvent dit, prédire est hasardeux surtout lorsque cela concerne le futur. C’est encore plus vrai dans un marché contrôlé comme le pétrole. Le meilleur conseil que je peux vous donner est d’en profiter pendant que cela passe.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.