Le présent article effectuera un survol des règles fiscales au décès en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni, pour souligner l’ampleur des éléments à considérer dans une planification fiscale au décès. Pour la plupart de ces pays, les impôts calculés sur l’héritage varient en fonction du lien de filiation entre l’héritier et le défunt. L’identité de l’héritier peut donc s’avérer déterminante dans l’évaluation des impôts et le cadre législatif successoral aura donc un impact crucial dans cette détermination.
Comprendre le processus et les règles successorales applicables aux biens détenus à l’étranger pourrait permettre d’éviter les mauvaises surprises quant aux héritiers effectifs des biens et aux impôts à payer.
Les impôts sur l’héritage et la succession
Une première analyse de l’imposition successorale identifie le payeur des impôts et la base taxable : soit le défunt est imposé sur le gain non réalisé (comme au Canada), la succession doit payer des droits successoraux (États-Unis), ou encore les héritiers sont assujettis à un impôt sur l’héritage (dans plusieurs pays d’Europe).
Dans les successions internationales, ces trois types d’impositions peuvent cohabiter, quelquefois de façon non harmonieuse. Une attention particulière doit être apportée aux définitions et notions qui peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, les notions de domicile en France et au Royaume-Uni diffèrent grandement et peuvent chevaucher celle de la résidence habituelle, fiscale ou encore de la nationalité.
Même si les conventions fiscales peuvent alléger les problèmes de double imposition, elles ont en général une application limitée, ciblant davantage l’administration et les définitions.
France
Lorsqu’un domicilié fiscal français décède, l’impôt sur l’héritage est payable sur tous ses actifs. Autrement, l’impôt est payable sur les biens transmis situés en France, ou sur les héritages reçus par les héritiers domiciliés en France depuis plus de six ans.
Les impôts sont calculés sur l’héritage après déduction d’un abattement. À la fois le montant d’abattement et le taux de l’impôt sur la fraction de la part nette taxable dépendent du degré de filiation de l’héritier avec le décédé.
Les deux tableaux suivants expliquent l’abattement pour différents héritiers.
Les transferts au conjoint sont exemptés des droits au décès, mais pas à la donation. Autre point important, 75 % de la valeur des entreprises est exemptée des droits.
Allemagne
En général, l’impôt sur l’héritage est applicable à toute la succession d’un décédé résident en Allemagne à son décès. Même après l’émigration, un citoyen allemand demeure résident fiscal allemand pour les cinq années suivant son départ. Des règles transitoires s’appliquent au décès pour les 10 années suivant le départ, si le décédé était ensuite domicilié dans un pays à faible imposition. Après les 10 ans suivant le départ, la base fiscale d’imposition au décès sera limitée aux biens situés en Allemagne.
L’Allemagne impose les héritiers sur tout transfert de propriété légué ou donné, même si la succession reste solidaire de la charge fiscale. Comme pour la France, le taux d’imposition dépend du degré de filiation entre l’héritier et le décédé.
Le tableau suivant explique l’imposition des héritiers en Allemagne.
Les héritiers bénéficient ensuite d’une exemption variant aussi selon le degré de filiation et la résidence, ou non, de l’héritier et du défunt.
Espagne
Il est intéressant de constater que la nationalité ou la résidence du défunt n’est pas considérée pour l’assujettissement à l’impôt sur l’héritage en Espagne. C’est l’héritier qui est assujetti à l’impôt sur l’héritage. S’il est résident, il doit payer un impôt sur l’héritage relativement aux actifs mondiaux dont il hérite. S’il n’est pas résident, l’impôt s’applique sur la valeur nette des biens transmis situés en Espagne.
L’héritier résident en Espagne sera soumis aux règles prévues par la communauté autonome (« CA ») de sa résidence. La législation nationale s’applique lorsqu’aucune législation n’est prévue par la CA, ou lorsque ni l’héritier ni le défunt ne sont résidents en Espagne.
La base successorale inclut les dons faits aux héritiers au cours des cinq années avant le décès et est réduite par les dettes grevant les biens hérités, et par l’abattement personnel pour chaque héritier résident en Espagne, selon le degré de filiation.
Comme l’explique le tableau suivant, la base imposable de chaque héritier est soumise à un taux progressif variant de 7,65 % à 34 %, le taux maximal s’appliquant à une valeur de plus de 797 555 €. Ce montant sera multiplié par un coefficient variant aussi selon le degré de filiation et de la valeur mondiale de l’héritier.
Un héritier sans lien de parenté pourrait donc se voir imposé à un taux de 81,6 % s’il hérite d’une valeur importante en Espagne. Certaines déductions peuvent s’appliquer notamment si l’héritier est résident en Espagne, et surtout pour les groupes I et II.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, en plus d’un impôt sur le revenu et sur les gains en capital, un impôt sur l’héritage est exigé à la succession. Les actifs mondiaux d’une personne domiciliée au Royaume-Uni seront assujettis à l’impôt sur l’héritage.
De façon générale, les actifs situés au Royaume-Uni seront assujettis à des impôts sur l’héritage, peu importe le lieu de résidence ou de domicile du défunt. Certaines conventions fiscales avec d’autres pays pourraient amener une exonération.
Le seuil d’exemption est de 325 000 £ au-delà duquel le taux d’imposition sur l’héritage est fixé à 40 %. D’autres exemptions existent notamment lorsque des actifs sont légués au conjoint, de façon que l’imposition survienne au deuxième décès.
Les dons entre vifs faits sept ans avant le décès seront pris en compte pour établir les impôts sur l’héritage.
L’importance des lois successorales sur les impôts au décès
Processus
Déterminer la loi successorale applicable permet de déterminer l’identité des héritiers ainsi que leur héritage respectif, car plusieurs pays prévoient des règles de succession forcée comme principe de solidarité intergénérationnelle. Les lois successorales des États sont applicables selon des critères de rattachement qui varient notamment en fonction du lieu de domicile du défunt, sa résidence habituelle, sa nationalité et le situs des biens transmis.
Lois successorales applicables en Europe
Les lois successorales prévoient les règles de dévolution mais ne couvrent pas la fiscalité expliquée plus haut.
Le Royaume-Uni applique la notion de domicile d’un individu pour déterminer la loi successorale applicable. Un domicilié britannique sera soumis à la loi successorale britannique sur ses actifs mondiaux à l’exception des biens immobiliers à l’extérieur du Royaume-Uni qui seront soumis à la loi successorale du pays où ils se trouvent. Les biens immobiliers situés au Royaume-Uni et détenus pas des non-domiciliés britanniques seront également soumis à la loi successorale britannique.
La France applique la loi du dernier domicile du défunt pour les biens meubles et la loi du situs du bien pour les biens immeubles. La France applique donc la loi française si le défunt avait sa résidence habituelle en France, ou si le défunt y possédait des biens immeubles.
L’Allemagne et l’Espagne utilisent l’unité de la succession et la loi de la nationalité du défunt au moment de son décès. Le principe de base est qu’au décès d’un citoyen, la succession en entier est soumise à la loi successorale de sa nationalité. Toutefois, les règles de renvoi peuvent permettre aux citoyens allemands ou espagnols vivant à l’étranger d’appliquer la loi du pays étranger.
Chacun de ces pays prévoit des règles pour résoudre les conflits de droits potentiels, pouvant inclure des règles de renvoi. Les résultantes peuvent aussi être contradictoires. Le règlement d’une succession internationale est un domaine extrêmement complexe, il est donc essentiel d’avoir recours à un juriste possédant une expertise reconnue dans la matière afin de bien démêler l’application des différentes lois pour les différents actifs, le défunt et ses héritiers.
Successions forcées
Voici les principales règles de successions forcées dans les pays concernés :
France
La loi successorale française prévoit que le défunt doit réserver à certains héritiers leur portion de la « réserve héréditaire ». Il pourra léguer librement le reste, appelé « quotité disponible ». La réserve héréditaire dépend du nombre d’enfants, et de la présence, ou non, d’un conjoint.
Allemagne
Le conjoint, les enfants, et quelquefois les parents, sont des héritiers pouvant réclamer à la succession une créance pour leur part forcée. En règle générale, la part forcée de chacun équivaut à la moitié de leur héritage légal dans une succession ab intestat.
Les dons des 10 années précédant le décès, ainsi que les dons au conjoint, peuvent devoir s’ajouter à la succession.
Espagne
La réserve légale légitime constitue une portion des actifs devant être réservée à certains héritiers. Les enfants auront droit au tiers de la succession de leurs parents alors que le conjoint bénéficie de l’usufruit du tiers de la succession. Les parents du défunt auront aussi droit à une réserve s’il n’y a pas de descendants. Enfin, ces réserves peuvent varier selon les communautés autonomes où réside le défunt.
Royaume-Uni
Il n’existe pas de réserves héréditaires dans la loi successorale britannique, mais la loi écossaise, de par ses racines de droits civils, en prévoit.
Nouvelle réglementation de l’Union européenne
Les différentes lois applicables aux successions dans plusieurs pays peuvent entraîner des conflits de droits, mais aussi l’exposition à plusieurs impôts payables au décès.
La Commission européenne a adopté en 2012 une nouvelle règlementation sur les successions transfrontalières destinée à simplifier, harmoniser et clarifier les règles successorales européennes.
Cette réglementation devrait entrer en vigueur dans presque tous les États membres en 2015. La nouvelle législation devrait simplifier les conflits de droit potentiels en prévoyant une définition et un critère unique pour déterminer le droit successoral applicable. En effet, le droit applicable serait celui du lieu de la dernière résidence habituelle du défunt, à moins que le défunt n’ait choisi la loi de sa nationalité par testament.
Cette législation simplifiera les successions européennes dans la détermination de la loi applicable; par contre, elle ne règlera pas les problèmes lorsque le défunt ou les héritiers sont résidents, ou encore si les actifs sont situés à l’extérieur des pays européens signataires, comme c’est le cas pour le Canada.
Enfin, il n’y a pas que les règles de droit fiscal ou successoral à considérer. Les règles de droit privé international et de droit matrimonial, notamment la définition de conjoint, peuvent créer bien des surprises.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Nathalie Fisette-Caza.