Il est maintenant clair pour tous que la crise de 2007 n’était pas une récession habituelle, mais une crise financière largement causée par un excès d’endettement engendré par une bulle immobilière et une utilisation excessive du levier dans les institutions financières. Les gouvernements à travers le monde ont évité le pire en prenant la responsabilité d’une grande portion de cette dette à travers une politique fiscale expansionniste (déficits budgétaires importants). Les banques centrales ont aussi mis l’épaule à la roue en diminuant dramatiquement les taux d’intérêt pour stimuler la reprise économique. Le jugement général posé par les experts est que l’on a réussi à éviter le pire, mais qu’en termes de reprise, les résultats sont plutôt anémiques.
Cette faiblesse de la reprise s’explique par la quantité astronomique de dette encore existante dans l’ensemble de l’économie, ce qui agit un peu comme un excès de bagages qui réduit la capacité d’un avion à rester en l’air. Dans les chroniques précédentes, je vous ai parlé de plusieurs méthodes qui furent utilisées à travers l’histoire pour réduire cette dette excessive. La « Financial repression » en est une autre.
L’idée de base est de conserver les taux d’intérêt le plus bas possible pour que le taux de croissance de l’économie soit supérieur au taux d’intérêt de la dette. Ceci permet une graduelle diminution du taux d’endettement en pourcentage du produit national brut (PNB). Ceci est, pour les autorités réglementaires et politiques, bien préférable aux autres solutions car ils évitent ainsi des chocs dramatiques. C’est un peu comme un menuiser qui donnerait 1000 coups de marteau sur un clou pour l’enfoncer au lieu de seulement trois. Le résultat est le même, mais le processus est moins spectaculaire.
Il n’y a pas de méthode parfaite et c’est aussi vrai pour celle-ci. Ses mérites sont de préserver le mieux possible la paix sociale et politique ainsi que de donner du temps à nos institutions financières pour rebâtir leur bilan. Par contre, il y a des conséquences qui ne sont pas agréables pour d’autres acteurs.
En conservant les taux d’intérêt très bas, on pénalise les gens qui ont épargnés en favorisant ceux qui ont empruntés. C’est un peu comme la proverbiale fable de la cigale et de la fourmi de Jean de la Fontaine. Les retraités sont particulièrement affectés puisqu’ils se retrouvent subitement avec un revenu insuffisant pour répondre à leurs besoins malgré un comportement d’épargne passé souvent exemplaire. C’est un important transfert de richesse des créditeurs vers les débiteurs ce qui est jugé par plusieurs comme moralement discutable.
De plus, en conservant des taux anormalement bas, on crée des distorsions dans l’allocation de l’argent dans l’économie. Il est reconnu qu’en ne laissant pas le libre marché décider de l’allocation des investissements, on se retrouve tôt ou tard avec des distorsions et des résultats sub-optimaux. En intervenant sur les taux d’intérêt par la méthode d’assouplissement monétaire (QE), nous ne sommes plus dans une économie de marché.
Il y a aussi un effet pervers pour les investisseurs. En effet, les titres à revenus fixes ont performés beaucoup mieux que prévu, car ils ont été maintenus artificiellement. Mais ceux-ci devront un jour retrouver un niveau de prix qui normal dans une économie de marché. Il y donc un risque nouveau à détenir ces actifs qui sont souvent considéré sans risque. On a vu un peu ce qui pourrait arriver cette année avec une remontée des taux de 10 ans de plus de 100 points de base.
On se retrouve donc devant le dilemme suivant : pour performer a court terme, il est assez logique de posséder des obligations de long terme, mais si on les garde trop longtemps, il y a un important risque de perte de capital dans une classe d’actif jugée peu risquée. Pour les gens qui investissent pour des tiers partis, la façon dont ils aborderont cette problématique peut être la différence entre le succès et l’échec. Pour moi, la réponse est simple. Je n’achète rien avec un terme de plus de 2 ans, car je ne crois pas qu’avec des taux de moins de 4-6%, je sois rémunéré pour le risque de détenir des obligations de 10 ans.
Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.