De prime abord, les primes payables au titre d’un contrat d’assurance vie ne sont pas déductibles, tel qu’il est conformément indiqué à l’alinéa 18(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »). Cependant, il y a une situation d’exception, permettant à un particulier, à une fiducie ou à une société de bénéficier d’une déduction à la suite du paiement d’une prime d’assurance vie.
Lorsqu’une police d’assurance vie est cédée en garantie par son titulaire afin de garantir un emprunt, il est possible de bénéficier d’une déduction calculée sur la prime annuelle payable pour maintenir le contrat en vigueur.
Attention, l’emprunt doit avoir été octroyé dans le but de réaliser un revenu pour l’emprunteur. Le cas échéant, quatre conditions essentielles doivent être respectées pour bénéficier de la déduction, telles qu’elles sont prévues à l’alinéa 20(1)e.2) L.I.R. Ces conditions ont d’ailleurs fait l’objet du Bulletin d’interprétation IT-309R2, « Primes d’une police d’assurance-vie utilisée comme garantie », publié par l’Agence du revenu du Canada.
Le titulaire de la police d’assurance cède la police à son créancier
L’emprunteur, qui déduit les intérêts payés au titre du prêt, doit être le propriétaire de la police cédée en garantie. Dans le cas où l’emprunteur est une société, cette même société, et non l’une de ses filiales ou l’un de ses actionnaires, doit être titulaire de la police.
Le créancier doit être une institution financière véritable, telle qu’elle est définie au paragraphe 248(1) L.I.R.
Les institutions financières reconnues au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu incluent les banques, les caisses de crédit, les compagnies d’assurances, les sociétés dont l’activité d’entreprise principale consiste à prêter de l’argent (aux personnes avec qui elles n’ont aucun lien de dépendance), etc. Pour que la déduction soit admissible, le créancier à qui la police est cédée doit obligatoirement être l’institution ayant initialement accordé le prêt. Si la créance a été cédée ou vendue à une tierce partie, la déduction ne peut être accordée. Il faut donc être prudent à ce propos, car même si la relation créancier-emprunteur demeure inchangée en ce qui concerne des relevés et/ou des paiements, dès que la dette est détenue par une autre partie, la déduction est refusée, conformément à l’alinéa 20(1)e2) L.I.R.
Les intérêts payés au titre de l’emprunt sont déductibles du revenu
Tel qu’il a été mentionné, l’emprunt doit avoir été contracté dans le but de tirer un revenu. Les intérêts payés sur l’emprunt, le cas échéant, seront également déductibles pour l’emprunteur. Si les exigences de l’alinéa 20(1)c) L.I.R. ne sont pas respectées, dans le cas où la déductibilité des intérêts serait refusée, il va de soi que la déductibilité de la prime le serait également.
L’exigence de cession d’une police d’assurance peut être démontrée
L’emprunteur doit avoir une obligation réelle de céder la police en garantie à son créancier afin de pouvoir déduire les primes payées. Il ne peut s’agir d’un simple accord tacite entre les deux parties. Une demande écrite de la part du créancier, étayant cette obligation, doit être produite et, idéalement, devrait être réitérée à chaque année d’imposition pour laquelle l’emprunteur se prévaut d’une déduction à cet effet.
Une fois les critères remplis, le montant que l’emprunteur pourra déduire ne sera pas nécessairement le montant exact qu’il aura déboursé à titre de paiement de sa prime annuelle d’assurance. Il devra utiliser le moindre des montants suivants :
a) la prime payable au titre de la police;
b) le coût net de l’assurance pure (« CNAP ») de la police, pour l’année donnée.
Le CNAP d’une police, tel qu’il est défini à l’article 308 du Règlement de l’impôt sur le revenu, correspond au capital de risque, multiplié par un coefficient de mortalité. Le capital de risque est le montant réel exposé au risque pour l’assureur (le capital-décès moins les valeurs de rachat de la police). Par exemple, une police d’assurance vie de 1 000 $ ayant une valeur de rachat de 100 $ représente un capital de risque de 900 $ pour l’assureur. La valeur annuelle du CNAP d’une police est fournie sur demande, et elle se calcule selon le « type » d’assuré (âge atteint, sexe, etc.). Le CNAP d’un assuré croît annuellement.
En considérant que le coefficient de mortalité applicable à l’assuré au titre de cette police est de 1 $ par tranche de 100 $, soit 1 %, le CNAP de la police serait de : (900 $ × 0,01) = 9 $. Dans le cas où un assuré aurait une surprime, le calcul demeurerait le même, car le CNAP est toujours calculé selon la même table de mortalité.
Le calcul devra être fait chaque année et, dans le cas où l’année contractuelle de la police d’assurance diffère de l’année d’imposition, la prime payée pour l’année devra être calculée au prorata. Également, la prime payée doit être prévue au contrat original afin d’être déduite.
Une police de type vie universelle dont la prime aurait simplement été prélevée du fonds de capitalisation n’est pas considérée comme payable pour l’année, puisque les valeurs étaient déjà au contrat. Donc, un emprunteur qui aurait cédé en garantie une police comportant suffisamment de valeurs pour absorber la prime pendant un certain temps aurait tout intérêt à payer annuellement un montant égal au CNAP de sa police, pour obtenir la déduction de ce même montant.
Une fois le montant établi, entre la prime payée et le CNAP, un dernier calcul s’impose. Un prorata doit être établi entre le solde du prêt et la fraction du capital-décès représentant ce même solde. Si la créance est de 1 000 $ et que la police donnée en garantie dispose d’un capital-décès de 5 000 $, seulement 20 % (1 000/5 000) de la prime ou du CNAP pourra être déduit. Puisque le montant de l’emprunt varie au cours de l’année, le calcul doit s’effectuer sur le montant moyen du prêt chaque année.
Le fait de déduire une portion des primes payées ne change en rien le fait que le capital-décès est payable en franchise d’impôt, si le bénéficiaire est un individu, et qu’un montant est inclus au compte de dividendes en capital (qui est égal au total du capital assuré moins le coût de base rajusté du contrat), si le bénéficiaire est une société.
Il est important d’analyser chaque situation et son cadre précis afin d’établir si la situation se qualifie pour l’obtention d’une déduction fiscale. Les produits de prestation du vivant ont également un traitement fiscal concernant la déductibilité des primes qui diffère de celui de l’assurance vie. La base de la déductibilité des primes repose sur le lien entre le titulaire, le payeur de la prime et le bénéficiaire de la prestation en cas d’utilisation. Il importe donc de structurer le tout adéquatement dès la mise en place.
* Ce texte se veut un résumé d’un article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 18 – no 3, de juin 2013.
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