Lorsqu’un individu accepte de siéger au conseil d’administration d’un organisme, cela emporte un lot de devoirs et de responsabilités. L’objectif du présent texte est d’établir des balises à suivre pour toute personne qui souhaite se lancer dans ce type d’aventure afin d’éviter que l’expérience altruiste ne vire au cauchemar.

Notions légales

Au Québec, les OBNL sont généralement constitués en corporation en vertu de l’une ou l’autre de trois lois : la Loi sur les corporations du Québec, Partie III (« L.c.Q. »), la Loi sur les corporations canadiennes, Partie II (« L.c.c. ») ou la nouvelle Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Nous ne traiterons pas ici des différences entre la loi provinciale et l’une ou l’autre des lois fédérales (appelées indistinctement la « Loi » ci-dessous). L’objectif est de comprendre le fonctionnement général d’un OBNL afin de mieux cerner le mandat d’un philanthrope qui agit à titre d’administrateur.

Principales caractéristiques des OBNL

D’abord, les OBNL se distinguent des sociétés par actions en ce qu’elles n’ont pas d’actionnaires, mais regroupent des membres dans un but autre que celui de faire un profit. Le premier geste à poser par un nouvel administrateur est de demander à voir les documents constitutifs de la corporation afin de mieux saisir son but et, par incidence, le mandat donné au conseil d’administration. En effet, le conseil d’administration gère les activités et les affaires internes de la corporation et en surveille la gestion, dans les limites et en fonction des objets prévus aux statuts.

Règles de régie interne

La Loi prévoit plusieurs règles générales de régie interne qui peuvent être assouplies par l’adoption des règlements généraux de la corporation. Ces règlements prévoient la description des catégories de membres et leurs différents pouvoirs, ainsi que les règles de fonctionnement de leurs assemblées. Ils prévoient aussi le fonctionnement du conseil d’administration précisant l’éligibilité à un poste d’administrateur, la durée des mandats, la description des postes de dirigeants, le quorum requis pour la tenue d’assemblées, etc. L’administrateur doit prendre connaissance des règles encadrant les éléments plus techniques de son implication.

Le conseil d’administration

Devoir de prudence et de diligence

Le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») impose aux administrateurs le devoir d’« agir avec prudence et diligence » dans l’exercice de leurs fonctions (art. 322 et 2138 C.c.Q.). En général, les administrateurs doivent agir avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. La corporation peut poursuivre un administrateur en dommages si elle subit un préjudice par suite de la violation de ses devoirs, et ce, en vertu des dispositions générales de l’article 1457 C.c.Q.

L’administrateur doit faire de son mieux en fonction de ses aptitudes et compétences, se préparer et participer aux délibérations du conseil d’administration et, si c’est nécessaire, s’assurer que le mandat du conseil est clair eu égard aux objets et pouvoirs de la corporation.

Devoir d’honnêteté et de loyauté

Dans le cadre de leur obligation d’agir de bonne foi, les administrateurs sont tenus d’agir avec « honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la corporation » (art. 322 à 325 C.c.Q.). Ainsi, l’administrateur doit agir dans le seul intérêt de la corporation, sans se placer en conflit d’intérêts. L’administrateur doit divulguer tout conflit d’intérêts aussitôt que possible et s’assurer de ne pas faire partie du processus décisionnel, le cas échéant, notamment en évitant de participer à la délibération et au vote lorsqu’il est dans une situation de conflit.

La responsabilité des administrateurs

Responsabilité statutaire

Les administrateurs d’une corporation peuvent, en vertu de diverses lois, être tenus responsables de plusieurs manquements aux obligations de la corporation. Par exemple, selon le régime fédéral, les administrateurs de la corporation sont solidairement responsables envers ses employés du « salaire » pour services rendus à la corporation pendant leur administration, jusqu’à concurrence de six mois de salaire (art. 99 L.c.c.). Au Québec, les administrateurs seront notamment tenus personnellement responsables s’ils procèdent à la dissolution de la corporation sans le paiement des dettes ou le consentement préalable des créanciers (art. 29 L.c.Q.). Également, en vertu des lois fiscales, les administrateurs d’une corporation qui omet de retenir à la source l’impôt sur le salaire des employés ou autres contributions de l’employeur ou qui omet de remettre ces sommes aux autorités sont solidairement responsables, avec la corporation, de leur paiement. Il en va de même pour la perception et la remise des taxes à la consommation.

Responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle

Comme toute autre personne, les administrateurs sont soumis à un régime général de responsabilité civile prévue au Code civil du Québec. Dans ce contexte, les fausses représentations, les documents falsifiés, la participation active à une faute extracontractuelle de la corporation ou la diffamation constituent des fautes extracontractuelles qui engagent la responsabilité personnelle des administrateurs qui y ont participé.

Assurance responsabilité pour les administrateurs

Il est possible de souscrire à une police d’assurance responsabilité civile pour les administrateurs couvrant les dommages découlant d’actes fautifs commis par les administrateurs de corporation dans l’exercice de leurs fonctions. Ces assurances peuvent également protéger les administrateurs contre toutes les autres réclamations faites à leur encontre uniquement en raison de leur qualité d’administrateur. Le philanthrope aurait intérêt à vérifier si une telle assurance est en vigueur lorsqu’il accepte son mandat ou à demander à l’organisme qu’il soit couvert par ce type d’assurance, le cas échéant.

Le philanthrope qui s’implique bénévolement au sein d’un organisme doit s’assurer d’agir dans les limites prévues aux lois applicables à défaut de quoi il risque de ne pas agir dans l’intérêt primordial de l’organisme ou pire, d’engager sa responsabilité personnelle.

* Ce texte se veut un résumé d’un article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 17, numéro 5, du mois de décembre 2012.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Thierry Lavigne-Martel.