La probable disparition des commissions intégrées en faveur d’une rémunération à honoraires au cours des prochains mois inquiète particulièrement les jeunes professionnels en services financiers.
« Ça va définitivement chambouler l’industrie », assure Hugo Neveu, directeur au développement hypothécaire pour AFL Groupe Financier et président sortant du Regroupement des jeunes courtiers du Québec (RJCQ).
Il fait une analogie avec les services de santé. « Si nous devions payer directement la facture toutes les fois que nous allons chez le médecin plutôt que ce soit prélevé sur nos impôts, les coûts nous surprendraient et nous hésiterions à nous faire soigner, illustre-t-il. Alors qu’aujourd’hui, comme nous ne rendons pas compte que nous payons, nous n’hésitons pas à utiliser ces services quand nous en avons besoin. »
Ces changements risquent également d’alourdir la tâche des conseillers. « Nous allons devoir faire de la facturation individuelle pour être rémunérés, ce qui sera plus compliqué à gérer », souligne Annie Beaumont, coordonnatrice aux avantages sociaux et conseillère en sécurité financière chez Gagnon Rochette Services financiers.
« Nous allons décider de nos propres tarifs, donc il y aura peut-être un peu plus de compétition entre nous, mais nous ne sommes pas encore assez informés pour connaître tous les impacts que ça aura sur notre futur », fait remarquer celle qui est à la tête du RJCQ depuis le 1er janvier.
Les clients devront eux aussi être tenus au courant. « La gestion de la publicité et de la mise en marché du changement de mode de rémunération ainsi que de l’évolution des mesures règlementaires sera un défi pour les conseillers, et c’est par le web que ça va passer, affirme Hugo Neveu. Les outils technologiques seront le nerf de la guerre dans la façon d’entrer en contact avec nos clients et pour optimiser nos procédés, surtout avec l’arrivée des fintechs et la vente en ligne légale des produits financiers sans intermédiaire. »
Il fait entre autres référence aux conseillers-robots qui gagnent en popularité. Ceux-ci pourraient cependant devenir des alliés, estime Annie Beaumont. « Notre rôle de conseiller est important et va le rester, donc il faut utiliser ces nouveaux outils pour faciliter notre travail, s’y adapter plutôt que de les considérer comme des ennemis. » Sans compter que les clients plus jeunes apprécient le recours aux outils en ligne. « Ils aiment utiliser la technologie à leur avantage, note Michel-Olivier Marcoux, président de Gestion de patrimoine ASF. L’industrie peut parfois trainer de la patte, mais je crois que si nous essayons de nous moderniser un peu, être davantage sans papier par exemple – ce qui pas facile parce qu’il y a beaucoup de règlementation -, ça peut aider à intéresser une clientèle plus jeune. »
Encore faut-il qu’ils aient envie d’utiliser les services d’un conseiller. « La tendance à l’épargne et à la planification d’avenir est de plus en plus rare, donc la clientèle plus jeune représente un défi », admet Hugo Neveu.
Une industrie en transition
À l’inverse, le fait que l’industrie se fasse vieillissante crée d’autres opportunités. « Depuis ses débuts, notre cabinet fonctionne par acquisition de clientèle, mentionne Anne Beaumont. Acheter la première est assez difficile – il faut pouvoir la financer -, mais avec du travail, il est possible de faire du rendement et de s’en acheter d’autres ensuite. »
L’abondance de clientèles à prévoir sur le marché est d’ailleurs un sujet de réflexion au sein du groupe Facebook du RJCQ. « Ce qui est préoccupant, c’est de savoir comment nous allons faire pour les acheter, les financer et intégrer ces clients à notre pratique… Avoir une saine façon de faire la transition, en somme », résume Hugo Neveu.
L’une des options est de s’associer avec d’autres collègues. « Je crois que la tendance s’en va vers ce que nous appelons les « super équipes » : plusieurs conseillers avec du bon personnel de soutien, des assistants et un chef de la conformité », dit Michel-Olivier Marcoux. Ces nouvelles équipes pourront en profiter pour transformer l’atmosphère de travail.
« Pour attirer les jeunes – pas juste les clients, mais aussi les conseillers – nous pourrions rendre l’ambiance plus amicale et décontractée, sans retirer le côté professionnel, avance le professionnel de 27 ans. Pas se promener en longboard dans le bureau comme dans d’autres industries, mais peut-être enlever la cravate et commencer à porter nos chemises avec le premier bouton déboutonné. Si nous voulons que les gens s’y reconnaissent davantage, il faut leur ressembler. »