En faisant ses débuts dans l’industrie comme analyste financier, Philippe Béland avait certains préjugés, tant sur l’assurance que sur le courtage hypothécaire: « À mes débuts, vendre de l’assurance c’était un peu comme vendre des balayeuses au porte à porte, raconte celui qui est maintenant courtier hypothécaire chez Planipret et conseiller en sécurité financière chez 41 Services financiers. J’avais aussi un préjugé défavorable sur les courtiers en hypothèque, je me disais que c’était une affaire d’agents d’immeubles.»
Après avoir suivi une formation sur les concepts fiscaux en assurance, Philippe Béland a été convaincu d’aller chercher son titre de conseiller en sécurité financière. Puis, quelques années plus tard, il perd un client au profit d’une banque lors d’un renouvellement hypothécaire.
« L’hypothèque ne m’intéressait pas vraiment jusqu’à ce que je perde un portefeuille de 250 000 $ parce que mon client s’était fait offrir un rabais sur son hypothèque s’il transférait ses avoirs auprès de la banque en question, dit Philippe Béland. Je me suis alors dit que j’étais capable d’offrir le service de courtage hypothécaire, ne serait-ce que pour protéger mon bloc d’affaires.»
Jonathan Bouffard, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective, Gilbert et associés à Val D’Or, a obtenu, en 2010, son permis de conseiller en sécurité financière puis, en 2014, il est allé chercher celui de courtier hypothécaire.
« L’hypothèque est un produit en demande, les gens veulent avoir le meilleur taux possible. Le fait que je puisse offrir plusieurs produits au client lui fait économiser beaucoup de temps et d’énergie. Il retrouvent les meilleurs produits disponibles auprès d’une même personne », explique-t-il.
Rares
Les conseillers portant également le titre de courtier hypothécaire sont des oiseaux rares au Québec. L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier au Québec (OACIQ) ne tient pas de statistiques sur le sujet, mais affirme compter plusieurs types de professionnels dans les rangs de ses courtiers hypothécaires.
« Nous avons des planificateurs financiers, des avocats et même des ingénieurs », souligne Robert Nadeau, président et chef de la direction de l’OACIQ.
Chez Mica Services financiers, Gino Savard soutient que les conseillers qui possèdent les deux permis font figure d’exception: « Ce sont peut-être 2 ou 3 % de nos conseillers, donc 5 ou 6 sur un total de 175 conseillers, indique le président du cabinet. De plus, c’est une chose d’avoir le permis, mais s’en est une autre de s’en servir tous les jours. Je crois que deux de mes conseillers doivent faire effectivement le travail de courtier hypothécaire à tous les jours.»
Selon lui, il est possible que certains conseillers qui ont déjà eu leur permis de courtier hypothécaire l’aient abandonné au profit d’une alliance avec un autre professionnel ou en incluant simplement un courtier hypothécaire à plein temps à leur cabinet.
« Je vois beaucoup de jeunes conseillers qui arrivent avec une multiplication des permis et un soucis de faire le tour à 360 degrés de la situation du client. Toutefois, lorsqu’ils se mettent à devoir produire et rencontrer des clients, il se rendent compte qu’ils perdent du temps et trouvent quelqu’un pour le faire à leur place.»
Autre dynamique
Vendre une hypothèque n’a rien à voir avec offrir une assurance ou un placement à un client. La dynamique est complètement différente, selon Philippe Béland.
« Au départ, c’était simplement un question de concurrence, mais au fil du temps, j’ai développé une philosophie différente. Lorsque le client vient te voir pour une hypothèque, tu n’as pas besoin de la lui vendre. Il reconnaît son besoin, contrairement à lorsqu’on aborde la question de l’achat d’une assurance ou d’un fonds pour son REER », indique-t-il.
Chez Jonathan Bouffard, le courtage hypothécaire devance l’assurance et les placements, mais il sert également de porte d’entrée pour la clientèle : « Je ne dirais pas que les gens réalisent après avoir pris une hypothèque qu’ils ont besoin d’assurance ou de placement, mais plutôt qu’ils ont plus envie d’en acheter.»
Fait intéressant, les clients sont souvent moins méfiants lorsqu’ils viennent chercher une hypothèque puisqu’ils savent qu’ils doivent montrer patte blanche afin d’obtenir leur prêt. Ils auront moins tendance à cacher des sources de revenu ou à ne pas mentionner qu’ils ont de l’épargne dans telle ou telle institution financière.
« Ils ouvrent le kimono un peu plus grand puisqu’ils savent qu’en hypothèque, il est bénéfique de dire où et combien d’argent ils ont, soutient Philippe Béland. De plus, il n’y a pas d’irritant, comme en assurance par exemple, et on sait plus facilement si un dossier va passer ou non. L’expérience client est plus intéressante et les gens réfèrent davantage en hypothèque qu’en assurance.»
Et les ventes croisées? C’est possible, mais pas nécessairement systématique: « J’ai beaucoup de références au niveau hypothécaire, ça devient une porte d’entrée. S’il y a une bonne chimie entre le client et moi, je peux lui offrir de m’occuper de ses assurances ou lui donner un deuxième avis sur son REER.»
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