La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a prévu que le marché de l’immobilier reculerait quelque peu cette année au Québec, avant de reprendre de la vigueur en 2016. Après avoir constaté une baisse des prix moyenne de 0,7% en 2014, la SCHL prévoit également un rebond de 1,9% en 2015, tout comme en 2016.
L’immobilier reprend donc dans son ensemble du poil de la bête, mais les spéculations et les hausses de prix vertigineuses ne sont plus monnaie courante.
« J’observe un ralentissement dans l’immobilier, surtout pour les condominiums, mais aussi pour les maisons. Il n’y a pas si longtemps, il y avait beaucoup de spéculations. Dans Ville de Mont-Royal où ma clientèle se trouve, il n’était pas rare de voir des maisons se revendre en peu de temps à 100 000 $ de plus. Maintenant, il y a moins d’occasions comme celles-là », illustre Josée Laframboise, planificatrice financière chez BMO Groupe financier.
Nicolas Fréchette, conseiller principal en financement hypothécaire chez Desjardins constate que l’ampleur de la demande pour les condominiums a notamment été surestimée. « Je pense que les constructeurs ont anticipé une demande qui n’était pas là en pensant que beaucoup de baby-boomers voudraient troquer leur maison pour un condo, mais ce n’est pas le cas », dit-il.
« Il y a quelques années, il était encore possible de revendre un condominium et de récupérer la mise de fonds en plus d’engranger un profit pour payer sa prochaine propriété. Aujourd’hui, je commence à voir de plus en plus de gens qui ont de la difficulté à vendre leur condo. Ça brise leur stratégie de départ », rapporte Josée Laframboise.
Elle affirme que plus de clients acceptent que deux scénarios leur soient présentés sur la table au moment de la planification soit l’achat ou la location.
Perspective
Après avoir bien pris en considération la santé du marché immobilier, le conseiller cherche généralement à mieux définir les buts de ses clients, selon des perspectives à court, moyen et long terme.
Dans le climat actuel, le placement immobilier dans le but d’obtenir des profits à court terme n’est pas toujours la solution favorisée par les experts financiers.
« Une de mes clientes est récemment venue me voir avec l’idée fixe de se racheter un condo avec l’argent obtenu de la vente de celui de ses parents, relate Josée Laframboise. La dame a toutefois 65 ans. Je lui ai fait valoir qu’elle n’avait pas absolument à acheter puisque la valeur de son condo n’allait pas tant augmenter et qu’elle prenait le risque de rester prise avec la propriété si elle voulait quitter. Je lui ai suggéré de considérer la location et d’investir son argent dans un portefeuille qui générera des revenus dont elle pourra elle-même profiter. »
La planificatrice cite aussi l’exemple des jeunes couples qui souhaitent fonder une famille et agrandir leur espace de vie, mais qui peinent à vendre leur condominium.
Par ailleurs, une calculatrice est disponible sur le site de l’Autorité des marchés financiers (AMF) afin que les clients prennent eux-mêmes connaissance de la différence entre l’achat et la location selon leurs buts, leurs échéances et les critères des habitations concernées.
https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/consommateurs/IEF_RvB_FR_061110/ief_RentVsBuy_fr.html
Valeurs
Il reste que si devenir propriétaire demeure le rêve ou l’objectif définitif de votre client, vous risquez d’avoir de la difficulté à le faire dévier de cette ligne directrice. Nicolas Fréchette fait remarquer qu’il s’agit bien souvent d’une question de désirs et non de mathématiques.
« Le projet d’achat d’une propriété est plus émotif. Être propriétaire, ça fait partie des choses qui sont ancrées dans nos valeurs. Souvent, les gens veulent décider pour eux-mêmes et être en contrôle de leur situation personnelle. Il faut leur demander quels sont leurs projets d’avenir. Souhaitent-ils faire le tour du monde ou sont-ils plus terre à terre et désirent s’acheter une propriété rapidement ? »
« Je ne crois pas à l’achat à tout prix, mais la plupart des gens sont d’avis qu’ils jettent leur argent par les fenêtres avec la location et j’ai de la misère à les convaincre du contraire, indique aussi Josée Laframboise. Si je leur arrive avec autre chose, c’est difficile pour eux à accepter. S’ils ne deviennent pas propriétaires, ils sont déçus et croient qu’ils ne se sont pas réalisés. »
Du tangible
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Photo : Bloomberg
Du tangible
Nicolas Fréchette croit de son côté que l’achat sera toujours une bonne affaire en raison du levier financier que la propriété peut représenter et de la discipline qu’elle inculque.
« Il y a des propriétés pour tous les budgets dans le marché. Devenir propriétaire ça permet aux gens de prendre leur envol en ce qui a trait à leurs finances. Ceux qui acquièrent une propriété pour la première fois commencent ensuite à consommer d’autres produits financiers et généralement se mettent à mieux gérer leurs finances et aller plus loin dans leur épargne », met-il de l’avant.
En effet, il n’est pas garanti qu’un locataire aura la volonté nécessaire pour épargner de façon stratégique les sommes qu’il n’aura pas consacrées à l’achat.
De plus, Nicolas Fréchette ajoute que les institutions financières offrent un meilleur taux d’emprunt sur leurs achats subséquents de biens à ceux qui présentent un historique de prêt qu’aux autres dont la feuille de route est blanche.
Il mentionne que si le marché immobilier a un impact sur le comportement des acheteurs, c’est celui de remettre leur achat à plus tard. Les critères pour approbation d’emprunt plus sévères depuis la crise financière de 2008 ont aussi cet effet, selon lui.
« Ce n’est pas parce que les gens veulent nécessairement louer, mais ils ont beaucoup moins accès à la propriété que par le passé. C’est toujours possible sauf qu’il faut le prévoir longtemps d’avance », avance-t-il.
Nicolas Fréchette rapporte que les emprunteurs se tournent vers des produits « qui leur offrent plus de flexibilité dans leur projet », telle que la marge de crédit hypothécaire.
Dans l’optique où l’achat demeure un désir inébranlable de votre client, assurez-vous qu’il se construise un budget exhaustif et réalisable. Les frais supplémentaires à lui rappeler de prendre en compte sont les taxes, les assurances, les frais de condos, l’électricité plus chère, les rénovations, l’entretien et l’intérêt sur l’emprunt.