La plupart des fiducies résidentes du Canada sont assujetties à la mesure fiscale de disposition présumée à la juste valeur marchande tous les 21 ans, selon les biens qu’elles possèdent. Les actions d’entreprises, les unités de fonds communs de placement et les immeubles locatifs sont quelques exemples des biens visés par la règle des 21 ans lorsqu’ils sont détenus en fiducie. Les polices d’assurance vie détenues par les fiducies font exception à la règle de disposition présumée.
Cette disposition présumée génère un gain en capital imposable, une récupération d’amortissement ou tout autre revenu, et peut entraîner une facture fiscale potentiellement élevée.
Il ne faut pas confondre la disposition présumée fiscale et la fin de la fiducie, qui pour sa part varie d’une fiducie à l’autre selon ce qui est mentionné dans l’acte constitutif de la fiducie et dans les limites imposées par la loi.
Stratégies en vogue
Pour éviter une telle facture fiscale, différentes stratégies peuvent être mises en place. Les plus populaires sont de ne rien faire, de transférer des biens à un bénéficiaire de capital ou de mettre en place une stratégie de gel successoral qui comprend parfois la création d’une nouvelle fiducie.
Évidemment, ne rien faire et subir les impacts de la disposition réputée est l’option la plus simple et la moins coûteuse. On produira alors les formulaires T1050 et TP653 faisant foi de la disposition réputée et de la réacquisition de l’actif. Toutefois, avant de choisir cette option, il faudra en évaluer les conséquences non seulement fiscales, mais aussi financières.
À la suite de la disposition présumée de l’actif, des impôts seront exigibles et des liquidités seront requises pour les acquitter. Et dans bien des cas, la fiducie n’a pas d’argent ! Une distribution peut donc être requise, qui entraînera potentiellement d’autres impôts.
Grâce à une planification fiscale adéquate, il est généralement possible de profiter d’un roulement fiscal en transférant les biens de la fiducie à un ou plusieurs bénéficiaires canadiens, en vertu de l’article 107(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et de l’article 688 de la Loi sur les impôts (LI). Le bénéficiaire sera ainsi imposé ultérieurement, à la disposition des biens reçus par voie de roulement.
Il est important de mentionner que le roulement fiscal n’a pas à viser l’ensemble des biens détenus par la fiducie. Certains actifs peuvent être roulés à certains bénéficiaires, et on disposera d’autres biens, la fiducie subissant ainsi les conséquences fiscales qui découleront de cette stratégie.
Bien que le roulement soit une solution fiscalement avantageuse, la perte de contrôle de certains actifs transférés à un bénéficiaire pour éviter la disposition réputée et l’impôt à payer pourrait ne pas plaire à l’actionnaire initial. Cette décision ne doit pas s’appuyer uniquement sur des considérations fiscales. Dans un tel cas, la rédaction d’une convention entre actionnaires peut aider à rétablir un certain contrôle.
Lors d’un roulement, si l’un des bénéficiaires qui reçoit les biens est une autre fiducie, il faudra aussi faire attention. Selon les articles 104(5.8) LIR et 656.9 LI, la date de disposition réputée de la première fiducie devient celle de la seconde fiducie, ce qui vient du coup compromettre la stratégie.
Il faut aussi se méfier du lieu de résidence des bénéficiaires, car le roulement pourrait être compromis en présence de non-résidents canadiens.
D’autre part, si certains des bénéficiaires ont moins de 21 ans, il peut être possible de rendre le revenu payable à une fiducie pour enfants mineurs en vertu de l’article 104(18) LIR, qui permet de rendre des sommes payables à un enfant sans avoir à les lui remettre avant qu’il ait atteint l’âge de 40 ans. Pour le moment, les fiducies au profit d’enfants mineurs ne semblent pas être visées par les modifications proposées à l’égard des taux d’imposition progressifs.
Gel des actions de la fiducie
Outre le roulement, le gel des actions détenues par la fiducie et la réorganisation d’entreprise sont des solutions envisageables, puisqu’elles permettent de remettre le compteur à zéro en ce qui concerne la règle des 21 ans. En gelant les actions détenues par la fiducie et en réémettant de nouvelles actions dans une nouvelle fiducie, on limite les conséquences de la règle des 21 ans.
Autrement dit, avec un peu de planification, on pourra trouver une solution optimale. La présence de bénéficiaires mineurs, de non-résidents canadiens ou de citoyens américains, la perte de contrôle sur certains actifs sont tous des éléments clés qui peuvent mêler les cartes et modifier la planification suggérée pour réduire l’impact de la disposition réputée des 21 ans d’existence de la fiducie.