Fonds étrangers : pourquoi coûtent-ils plus cher ?

«Les frais de gestion d’un fonds international sont en règle générale plus élevés que ceux d’un fonds canadien, puisque le travail de recherche et de sélection de titres est plus important», affirme Alain Huard, vice-président et directeur régional des ventes chez Invesco Trimark.

Ainsi, il est beaucoup plus facile d’analyser les quelques centaines de titres canadiens que le marché des actions internationales, «qui représente un bloc de près de 10 000 titres», souligne Dan Hallett, vice-président de HighView Financial Group.

Il faut aussi tenir compte des déplacements que font de nombreux gestionnaires qui visitent la direction et les installations des entreprises en Europe ou en Asie, dit Alain Huard.

«Parfois, ces coûts sont parfois absorbés en partie ou entièrement par la firme. Dans d’autres cas, on les repassera entièrement aux détenteurs de parts», précise Dan Hallett.

Payer plus pour avoir plus

Les firmes emploient souvent des gestionnaires internes pour la partie canadienne ou américaine de leur portefeuille. Toutefois, pour la partie étrangère, elles s’adjoindront à l’occasion les services d’un sous-conseiller à l’externe. «Cela augmentera les coûts du fonds», note Dan Hallett.

Chez BMO Gestion mondiale d’actifs, Léon Garneau Jackson, vice-président, ventes, Est-du-Canada, cite l’exemple du Fonds asiatique de croissance et de revenu de BMO géré par Matthews, à San Francisco.

«La firme de gestion se spécialise dans les titres asiatiques. Le ratio de frais de gestion (RFG) de ce fonds est de 2,8 %. Cela peut sembler cher, mais les gestionnaires font leur propre analyse de titres. Ils visitent régulièrement les entreprises en Asie. Ils suivent un processus de gestion rigoureux. C’est plus coûteux», explique Léon Garneau Jackson.

«De prime abord, la solution peu coûteuse peut être de choisir un fonds négocié en Bourse (FNB) étranger, ajoute-t-il. Mais n’oublions pas que la gestion active a fait ses preuves en démontrant que dans certains marchés moins liquides et moins efficaces, les gestionnaires peuvent créer de l’alpha pour les investisseurs.»

Ce fonds de BMO a d’ailleurs gagné plusieurs prix.

Économies d’échelle

Dans une catégorie de fonds, l’actif moyen joue également un rôle important par rapport aux frais que paient les détenteurs de parts.

«Au Canada, l’actif moyen des fonds d’actions canadiennes est d’environ 488 M$. Dans les fonds internationaux, il est plutôt de 231 M$, soit moins de la moitié, indique Alain Huard. J’ai donc moins d’actif pour répartir les frais fixes (comme les frais liés à la documentation et à la conformité).»

Le nombre de détenteurs de parts aura quant à lui une incidence sur les frais variables. Par exemple, plus les détenteurs seront nombreux, plus les frais d’envois postaux seront élevés.

Il va sans dire que le scénario le plus coûteux reste celui du fonds qui a un actif peu élevé, mais qui compte beaucoup de détenteurs de parts.

«Quand il y a beaucoup de détenteurs de parts dans un fonds dont l’actif est peu élevé, on perd les économies d’échelle que peut réaliser un fonds canadien important. Ultimement, cela aura un effet important sur le RFG», explique Alain Huard.

Au pays, on note un biais important pour les actions canadiennes, ce qui a une influence sur les frais, selon Dan Hallett.

«Le portefeuille de l’investisseur canadien moyen comprend encore beaucoup plus d’actions canadiennes que d’actions étrangères. Et si la partie investie dans des fonds étrangers demeure en moyenne plus faible, cela devrait logiquement augmenter les coûts fixes et les frais d’administration d’un fonds étranger», précise-t-il.

Une situation fréquente : un investisseur qui a 20 000 $ à investir arrête son choix sur un fonds équilibré canadien et décide ensuite de placer 5 % de son portefeuille (1 000 $) dans un fonds international.

Une question de style

Par ailleurs, faire garder par un fiduciaire des titres détenus dans des pays comme la Pologne et l’Inde coûte cher. Le fait de négocier des titres dans les Bourses locales ajoute au fardeau financier des fonds internationaux.

«Dans notre cas, les coûts des transactions à l’étranger sont beaucoup plus élevés. Par exemple, nous déboursons 8 $ par transaction au Canada. En Europe, une transaction nous coûte 40 $, et dans un cas extrême comme celui de l’Inde, c’est 165 $», illustre Alain Huard, d’Invesco Trimark.

Le style de gestion du portefeuilliste aura donc une incidence sur les coûts. Le fonds international qui affiche un taux de rotation élevé de ses éléments d’actif aura des frais de négociation beaucoup plus élevés que ceux d’un fonds canadien qui effectue une rotation semblable.

Chez BMO Fonds d’investissement, la garde des valeurs des transactions mondiales est assurée par CIBC Mellon.

«Pour les fonds canadiens, les frais tournent autour de 2 ou 3 points de base, et pour nos fonds étrangers, ils sont plutôt de l’ordre de 4 à 5 points de base», précise Léon Garneau Jackson. Toutefois, cela ne comprend pas les frais de transaction.

Comparez avec un FNB

Même si les frais de gestion des FNB d’actions étrangères sont souvent plus élevés que ceux d’un FNB d’actions canadiennes, ces fonds restent quand même beaucoup moins coûteux que les fonds communs mondiaux.

«L’essentiel de la différence tient au travail du gestionnaire. Il faut alors déterminer si le savoir-faire et l’expérience des gestionnaires en valent la peine», souligne Léon Garneau Jackson.

La meilleure façon de comparer les frais entre un FNB international et un fonds commun international est d’observer les frais de gestion du fonds avant la commission versée au conseiller, conseille Léon Garneau Jackson. Pour ce faire, on observe les séries F (Fee-Based Account ou compte à honoraires) qui ne versent pas de commissions de suivi.

Il est vrai que dans le cas d’un FNB indiciel, les frais sont peu élevés. Le gestionnaire doit essentiellement payer la licence pour reproduire l’indice.

Cependant, beaucoup de manufacturiers de FNB modifieront un indice, en l’équipondérant par exemple, pour en réduire la volatilité. Ce type d’intervention augmentera les frais du FNB.

BMO offre également aux conseillers l’accès au marché des FNB internationaux par l’intermédiaire de fonds d’investissement.

«Le coût de ces solutions de placement reste raisonnable. Par exemple, nous offrons des portefeuilles de FNB diversifiés comme le fonds Catégorie Portefeuille FNB actions de croissance, qui est un fonds mondial», précise Léon Garneau Jackson. Son RFG est de 1,78 %.

Pourquoi investir dans un tel fonds plutôt que d’acheter les FNB sous-jacents ? Parce que certains conseillers ne peuvent pas négocier des FNB pour leurs clients, comme c’est le cas actuellement pour la majorité des représentants en épargne collective. Il y a aussi toute la question de la rémunération du conseiller.

Fonds subventionnés

Par ailleurs, certaines firmes de fonds communs ne factureront pas plus pour leurs fonds internationaux que pour leurs fonds canadiens. «Elles décideront de subventionner ces frais plus élevés», affirme Dan Hallett.

«Quand on lance un nouveau fonds, il peut arriver qu’on le subventionne afin d’éviter que le RFG ne dépasse 3 %, ce qui pourrait arriver en début de vie d’un fonds. C’est une décision que prend chaque société, et parfois fonds par fonds», explique Alain Huard.

La firme s’adapte ensuite en fonction de l’évolution de l’actif. «Dès que l’actif sous gestion d’un fonds atteint de 70 à 80 M$, les coûts fixes comme les frais de garde, d’enregistrement et de vérification comptable deviennent moins importants, et le fonds sera rentable», note Léon Garneau Jackson.

Plusieurs facteurs vont donc influer sur les RFG des fonds internationaux. Tout dépend de ce que le conseiller recherche pour son client, nous disent les experts.