Glenn Fortin, gestionnaire de portefeuille à Beutel, Goodman & Co. M. Fortin est un spécialiste des États-Unis membre de l’équipe d’actions mondiales de la firme. Les mandats de cette équipe comprennent le Fonds d’actions américaines Beutel Goodman.
Jim Young, vice-président des placements à Invesco Canada. Il a la responsabilité du Fonds de sociétés américaines Trimark et de la Catégorie sociétés américaines Trimark.
David Pearl, vice-président principal, co-directeur du placement et chef des actions américaines auprès de la société new-yorkaise Epoch Investment Partners, qui gère des actifs pour Gestion de placements TD et Placements CI. Les produits gérés par cette firme comprennent le Fonds d’actions américaines à grande capitalisation Epoch sous la bannière de Gestion de placements TD, et le Fonds de valeur américaine CI.
Question : Vos réactions sur les dividendes et les rachats d’actions des sociétés américaines?
Jim Young : Les particuliers et beaucoup d’investisseurs institutionnels veulent une croissance des dividendes. Un rendement de 2 % de l’Indice S&P 500 et un ratio global de versements de dividendes de 32 % signifient que les sociétés peuvent facilement faire croître leurs dividendes.
David Pearl : Depuis le deuxième trimestre de 2009, presque tous les achats d’actions aux États-Unis sont le fait de sociétés qui procèdent à des rachats d’actions. Les sociétés sont bourrées de liquidités. Dans un monde de croissance organique faible des sociétés, une bonne utilisation des liquidités peut consister en acquisitions stratégiques. Les sociétés peuvent aussi adopter la solution inverse et se scinder pour créer de la valeur pour les actionnaires. Une autre tendance est le rachat d’actions. Les sociétés pensent que ces dernières auront plus de valeur dans l’avenir. Elles préfèrent les rachats aux dividendes. Le problème avec les dividendes, c’est qu’ils doivent demeurer constants.
Glenn Fortin : Dans le cas des rachats d’actions, l’évaluation entre en jeu pour ce qui est du prix que les sociétés y mettent. En général, les sociétés américaines et leur direction sont ces jours-ci beaucoup plus alignées sur les actionnaires que dans le passé. Nous en voyons les résultats par l’accroissement des dividendes, les rachats et la création d’entreprises dérivées. Tout cela crée de la valeur.
David Pearl : Prenons une société comme Microsoft Corp. MSFT. Elle comprend qu’elle ne devrait réinvestir dans l’entreprise que si son rendement du capital investi est plus élevé que le coût de son capital. Microsoft reconnaît qu’elle n’est plus une société à croissance élevée.
JY : C’est ça. Les sociétés qui sont arrivées à maturité comprennent généralement le besoin d’un programme d’affectation du capital équilibré.
GF : Beaucoup de sociétés technologiques à grande capitalisation sont à maturité. Elles en sont à un point de leur cycle de vie où leur bilan est solide, leurs flux de trésorerie sont abondants et leur rentabilité est excellente. Elles peuvent donc restituer de l’argent aux actionnaires de même que réinvestir dans l’entreprise.
Q : Le tiers des revenus des sociétés du S&P 500 provient de l’étranger. La hausse du dollar américain et la lenteur de la croissance doivent les affecter.
JY : C’est effectivement un problème. Certaines sociétés sont meilleures que d’autres dans leur propre protection contre la hausse du dollar américain. Les devises semblent relever de situations transitoires et des ajustements sont effectués avec le temps. Les sociétés peuvent ajuster leurs prix.
GF : La hausse du dollar américain nuit à court terme aux sociétés. Nous, c’est à plus long terme que nous considérons les choses, et nous nous soucions beaucoup moins de ce qu’il advient aux devises dans les 12 mois.
Q : Le président Barack Obama cherche à imposer les profits étrangers des multinationales américaines.
DP : L’imposition des sociétés américaines est élevée, et c’est la raison pour laquelle elles gardent de l’argent à l’étranger. Un compromis entre démocrates et républicains pourrait intervenir sur cette question. Ils pourraient introduire un congé fiscal pour permettre aux sociétés de faire revenir de l’argent aux États-Unis.
Q : Parlons rapidement de vos styles de placement respectifs.
GF : Beutel Goodman est un gestionnaire à l’approche ascendante privilégiant la valeur et axé sur la recherche. Nous nous concentrons sur les sociétés où existe une dissociation entre leur valeur sur le marché public et notre estimation de ce qu’elle devrait être selon l’actualisation de leurs flux de trésorerie disponibles. Nous cherchons un rendement de 50 % sur une période de trois ans. Lorsque l’action atteint notre prix cible, nous vendons le tiers de l’avoir concerné. Nous avons un portefeuille concentré de 25 à 35 noms et notre rotation est faible. À l’heure actuelle, nous avons 28 noms dans le Fonds d’actions américaines Beutel Goodman.
JY : Nous recherchons la croissance durable. Les sociétés assurent une croissance soutenue en montrant des facultés d’innovation et d’adaptation. Si l’innovation est ancrée dans sa culture, une société peut continuellement créer de nouveaux produits. Cela lui assure une part de marché et un avantage du point de vue de l’échelle et de la marge, ce qui lui procure suffisamment d’argent pour réinvestir dans l’entreprise et conserver ces atouts. Elle institue un cercle vertueux de croissance. Le Fonds de sociétés américaines Trimark a un portefeuille relativement concentré de 40 sociétés. On peut considérer notre style comme relevant de la croissance à un prix raisonnable.
Q: Parlez-nous brièvement de vos styles de placement.
DP : À Epoch, nous gérons tout un ensemble de stratégies américaines, notamment des mandats de grande capitalisation axés sur la valeur. Nous cherchons des sociétés qui génèrent des liquidités et peuvent augmenter la rentabilité de leurs flux de trésorerie. Nous cherchons un rendement élevé du capital investi qui dépasse le coût du capital. Il faut que règne un avantage durable pour s’assurer que la société peut continuer à faire augmenter ses flux de trésorerie disponibles. La qualité de la gestion est importante et ses affectations de capitaux ont beaucoup de pertinence. Nous définissons la valeur comme un prix de l’action modeste par rapport à la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs. Nous conservons les actions pendant une période de trois ou quatre ans en moyenne. Il y a entre 55 et 60 noms dans le Fonds de valeur américaine à grande capitalisation Epoch.
Q : Le moment est venu de parler de vos avoirs. Commençons par la technologie, qui représentait 19,7 % de l’indice à la fin de décembre et a produit un rendement total de 20,1 % en 2014. Jim, le Fonds de sociétés américaines Trimark avait 32,5 % d’investis dans la technologie à la fin de décembre.
JY : Nous aimons bien ce secteur parce que les sociétés y montrent beaucoup d’innovation. C’est un bon secteur de croissance. Une grosse pondération dans le portefeuille est Apple AAPL. J’ai aussi une pondération importante dans Skyworks Solutions SWKS, société liée à l’Internet. Une grosse portion de ses affaires réside dans la fabrication de produits destinés aux iPhones d’Apple. Skyworks existe depuis longtemps et a développé des compétences de taille.
Apple est une société extrêmement novatrice. Ce fut en fait une société en démarrage pendant 30 ans. Lorsque la société a fini par rassembler toutes ses compétences et s’est redéfinie comme une compagnie d’électronique grand public, elle a pu montrer ces compétences au public et continuer à les utiliser pour innover. Elle génère énormément de flux de trésorerie disponibles. Son action n’est pas chère.
DP : Nous avons une surpondération dans la technologie. Apple fournit au consommateur des solutions élégantes et simples. Ça a commencé par le iPod. La société y combinait un équipement informatique et un logiciel et a facilité le téléchargement de chansons par les utilisateurs en utilisant iTunes. Elle en a fait de même avec le iPhone et sa boutique d’applications. Apple s’est construit une marque qui est désormais une marque de luxe, notamment dans les marchés émergents. Sa croissance en Chine pendant les deux ans qui ont suivi ont largement dépassé sa croissance aux États-Unis. Apple verse un dividende et rachète des actions. Son encaisse est imposante à 200 milliards $US. Son action est bon marché. Apple est un avoir principal dans le Fonds de valeur américaine à grande capitalisation Epoch et dans le Fonds de valeur américaine CI.
GF : Le Fonds d’actions américaines Beutel Goodman a une position surpondérée dans la technologie, avec 21,7 % à la fin de 2014. Nous préférons investir dans les sociétés qui se concentrent sur le marché des entreprises et qui ont des flux de revenus importants et constants. Cela nous conduit aux sociétés de logiciels. Nous avons une participation importante à Oracle ORCL. Ses produits sont si ancrés dans les entreprises de ses clients que ces derniers ne peuvent en changer qu’en payant le prix fort.
DP : Moi aussi, j’ai une forte participation à Oracle.
GF : Oracle est probablement l’une des sociétés les plus rentables de l’Indice S&P 500. Elle génère des flux de trésorerie importants et au cours des trois dernières années elle a commencé à restituer beaucoup plus de cet argent aux actionnaires. Elle verse un dividende, même s’il est modeste, et, plus important encore, elle rachète ses actions. Nous considérons que c’est un titre dont l’évaluation est attrayante, et cela nous rassure.
DP : Le marché des entreprises est l’un des plus dynamiques dans la technologie. Ses sociétés clientes sont extrêmement rentables et veulent améliorer leur productivité, et sont donc disposées à dépenser de l’argent en technologie. Oracle facilite cela. Elle s’est aussi bien débrouillée dans ses affectations de capitaux, notamment dans le domaine le plus ardu des acquisitions. Elle a acquis des douzaines de sociétés ces cinq dernières années et en a tiré des profits. Elle peut offrir une pléthore de solutions aux entreprises, en tant que fournisseur unique.
Q : Enfin, parlons donc de Microsoft.
GF : Ce n’est pas une position importante dans notre portefeuille.
DP : C’en est une chez nous. La direction est en train de transformer Microsoft en fournisseur aux entreprises. Les entreprises, voilà où se trouve la croissance, pas le consommateur. Apple est l’exception. Microsoft est devenue la deuxième plus grosse société de services d’informatique en nuage, elle y travaille en collaboration avec Oracle. Les deux tiers des bénéfices de Microsoft proviennent des entreprises. La société génère 25 milliards $US par an de liquidités. L’action a un rendement en dividendes d’environ 3 % et Microsoft rachète des actions. La société a une croissance modeste et réinvestit comme il faut. Son action se négocie à une évaluation faible