L’économie helvétique n’est pas la seule à être touchée. Des institutions financières européennes et américaines ont subi des pertes importantes, précise le quotidien Le Figaro. «De nombreux acteurs du secteur ont tremblé sur leurs bases, et certains ont même fait faillite.»

Le courtier en devises londonien Alpari UK est l’un d’eux. «Lorsqu’un client ne peut couvrir ses pertes, il nous les transmet. Cela a forcé Alpari UK à confirmer que ce jour, le 16 janvier, elle est en cessation de paiement», a expliqué la firme dans un communiqué.

À New York, les échanges ont été suspendus sur le titre du courtier Forex Capital Markets (FXCM) qui, dès le lendemain de l’annonce de la BNS, s’est effondré de près de 87 %.

«Il a réussi à obtenir in extremis un prêt de 300 millions d’euros de la banque d’investissement Jefferies, après avoir déclaré des pertes de 225 M$», rapportait Le Figaro.

Les banques traditionnelles n’ont pas échappé au tsunami, ajoute le quotidien français : «Citigroup, Deutsche Bank et Barclays ont par exemple perdu 400 M$ à elles trois.»

Ceux qui au cours des dernières années ont contracté des emprunts en francs suisses font aujourd’hui les frais de cette envolée. C’est le cas de milliers d’épargnants français, dont le capital à rembourser n’a cessé d’augmenter malgré leurs versements.

Charles Constantin-Vallet, avocat de clients de BNP Paribas qui poursuivent leur banque, déclarait à ce sujet au Figaro : «Une personne qui avait emprunté 100 000 euros il y a cinq ou six ans doit encore rembourser environ 150 000 euros, alors même qu’elle a déjà payé 30 000 euros de mensualités.»

Dans les Balkans, «la flambée du franc suisse ne quitte pas les unes de la presse», rapporte le Courrier international. En Croatie, 60 000 ménages sont menacés de faillite, faute de pouvoir rembourser des crédits immobiliers contractés en devise suisse.

Plus que jamais, on s’interroge sur le rôle des banques centrales.

Jean-Gabriel Attali, stratège chez la française Kepler Cheuvreux, rappelle sur le site Zonebourse.com que leur rôle consiste à «limiter, voire, à prévenir les récessions. Elles fournissent un « plancher » à l’économie».

«Les politiques monétaires ont ainsi pour vocation de limiter la volatilité macroéconomique afin (idéalement) d’améliorer la croissance de long terme», poursuit-il.

Paradoxalement, note-t-il, ce sont des banques centrales qui sont des facteurs d’instabilité actuellement. Il cite l’exemple de la Banque populaire de Chine, qui «souffle le chaud et le froid» : après avoir assoupli sa politique monétaire en novembre, suscitant une hausse de 40 % de l’indice de la Bourse de Shanghaï, elle vient de sanctionner des sociétés financières, provoquant une baisse de l’indice de près de 8 %.

Constat : «Les banques centrales, par leurs actions toujours plus « innovantes », font courir de nouveaux risques aux agents économiques qui peinent à les évaluer correctement», affirme Jean-Gabriel Attali.

Leçons à retenir

Selon Pierre-Henri Thomas, chroniqueur au magazine financier Trends-Tendances, la Suisse est pour ainsi dire victime de son succès.

«Dans un monde plus que jamais instable […], le franc suisse était le Saint Graal. Les grands patrimoines s’y sont précipités, achetant des actifs libellés en devise helvète, même si ceux-ci étaient assortis de taux négatifs», écrit-il.

La demande exceptionnelle de francs suisses a créé une pression insupportable, soutient-il. «Le cas suisse est emblématique. Il témoigne du fait que dans un monde où rôde la déflation, les repères se perdent. Les vertus d’hier sont les vices d’aujourd’hui», dit-il.

De nos jours, même une banque centrale est impuissante quand il s’agit de juguler des forces qui la dépassent, souligne-t-il.

Quelle leçon tirer de cette volatilité ? «La Suisse montre par l’absurde qu’il est urgent de coordonner les politiques monétaires. Face aux déséquilibres actuels, un pays isolé ne peut rien. Même s’il est le plus riche de tous», conclut Pierre-Henri Thomas.