La confusion semble provenir d’un passage du manuel Assurance vie (F-301, p. 105) de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui édicte que «Depuis le 1er janvier 1994, une police ne peut être cédée qu’à une personne qui a un intérêt assurable dans la vie de l’assuré».

Selon Gaétan Veillette, Fellow administrateur agréé et planificateur financier à Brossard, en Montérégie, il s’agit probablement d’un oubli. «Le manuel omet de mentionner le deuxième paragraphe de l’article 2418 du Code civil qui permet la cession d’une police», affirme-t-il.

Ce point de vue est corroboré par André Bélanger, professeur à l’Université Laval. «L’article 2418 stipule qu’il y ait un intérêt assurable, mais ce même article prévoit une exception d’importance : la possibilité d’obtenir le consentement écrit de l’assuré. C’est en ce sens que la pratique est légale», note le spécialiste du droit de l’assurance.

APPEL AUX RÉGULATEURS

Chez les assureurs, la légalité du rachat des polices en vertu du Code civil n’est pas remise en question, cependant, on aimerait que les régulateurs se penchent sur la question.

«Traditionnellement, les assureurs ne rachètent pas les polices d’autres sociétés. D’ailleurs, lorsqu’un représentant remplace la police d’un client par une nouvelle police, il faut remplir un formulaire, et c’est la Chambre de la sécurité financière (CSF) qui gère le tout», rappelle Yves Millette, vice-président principal, affaires québécoises, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

«Même au sein de la même firme, c’est contraire au Code de déontologie», poursuit celui qui insinue que les intermédiaires qui achètent ces polices devraient peut-être détenir un permis d’assureur.

Yves Millette avance un autre argument. «Ces polices sont rachetées pour être revendues sur le marché secondaire à un fonds de placement qui vend des parts aux investisseurs. Il faudrait se pencher sur le fait qu’il s’agit peut-être du commerce de valeurs mobilières, qui devrait être soumis aux règles concernant la détention d’un permis et la publication d’un prospectus», avance-t-il.

Ce point de vue semble avoir été retenu chez notre voisin ontarien. En effet, en septembre 2006, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a statué que les produits d’assurance viatique et autres produits semblables devaient se conformer aux exigences d’inscription et de publication d’un prospectus.

De plus, la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) rappelait récemment que l’article 115 de la Loi sur les assurances interdisait de racheter, de transférer, de céder ou de mettre en gage une police d’assurance vie si on n’est pas un assureur ou un agent dûment autorisé d’un assureur.

D’autres provinces interdisent tout simplement cette pratique, qui n’est légale qu’au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan.

RÉPONSE DE L’AMF À VENIR

Au Québec, l’AMF est bien au fait de la problématique soulevée par la publicité de Perisen. «À titre de régulateur intégré, les life settlements [en français, polices d’assurance-vie rachetées] soulèvent plusieurs questions qui touchent à la fois au secteur de l’assurance et à celui des valeurs mobilières. L’AMF se penche donc actuellement sur cette question et adoptera prochainement une position afin d’offrir une vue d’ensemble sur ces produits», dit Sylvain Théberge, directeur des relations médias de l’AMF.