Les marchés boursiers américains ont pris les autres de vitesse l’année dernière avec une hausse de 13, 7 % de l’Indice S&P 500, l’Indice MSCI Monde ayant gagné 5,5 % et l’Indice MSCI Europe perdu 5,7 %. Et certains signes donnent à penser que les États-Unis pourraient mener de nouveau la charge en 2015, dit Jurrien Timmer, directeur de la macroéconomie mondiale chez Fidelity à Boston.
Son raisonnement se fonde en partie sur la relance de l’économie américaine, où le chômage recule, les taux d’intérêt et l’inflation sont faibles, et les bénéfices des sociétés demeurent substantiels. Mais il y a aussi un aspect historique, les marchés américains ayant déjà connu de longues phases de solidité dans le passé, jusqu’à ce que l’économie se mette en surchauffe et que les marchés subissent des corrections spectaculaires.
« Les sociétés américaines à grande capitalisation se sont bien comportées en 2014, et tout le reste a stagné, à l’exception des obligations de qualité supérieure. La question est : qui a raison? Est-ce le S&P 500, ou le reste du monde va-t-il rattraper son retard? », dit JurrienTimmer, vétéran de 30 ans dans l’industrie qui est entré à Fidelity en 1995 et travaille dans son service de répartition d’actifs mondiaux. « La vérité est quelque part entre les deux. Reste à savoir comment tout cela se terminera. »
Selon Jurrien Timmer, l’histoire fournit certains indices. Il dit que le marché actuel est comparable à celui des années 1990, lorsque les marchés américains prenaient de vitesse tout ce qui se présentait. « Le dollar était en hausse à cette époque, les petites capitalisations se comportaient bien mais pas autant que les grandes capitalisations. Et le reste du monde traînait derrière les États-Unis. »
Puis sont arrivées les années 2000, avec la crise financière mondiale qui a provoqué une mise au diapason de toutes les économies, les places boursières et les politiques fiscales et monétaires. « Que l’on ait investi dans les actions américaines, les marchés émergents ou les obligations à rendement élevé, tous se comportaient de façon identique », dit JurrienTimmer.
« Ce n’est plus le cas, avance Jurrien Timmer. Cela crée des situations différentes pour différentes régions. » Il ajoute que les États-Unis ont bénéficié des allégements quantitatifs, alors que d’autres grands intervenants économiques comme l’Europe et la Chine ont connu des problèmes : une croissance faible pour la première et des bulles immobilières pour la seconde. Les économies mondiales étant moins coordonnées, « nous traversons une série d’épisodes, où les États-Unis assurent une croissance plus autonome ».
Une des causes de l’optimisme de Jurrien Timmer est que l’économie américaine se trouve encore au milieu d’un cycle d’expansion. « Je suis à l’affût de ce qui peut présager d’une fin de cycle, habituellement une augmentation de l’inflation et une accélération de la croissance économique qui forcent la Fed à agir, dit-il. Jusqu’à présent, notre croissance a été relativement bonne et l’inflation est faible. Du point de vue de l’expansion, ce qui changerait normalement un milieu de cycle en une fin de cycle n’est pas arrivé. Voilà pourquoi je suis convaincu que nous nous trouvons encore en posture idéale. »
Il y a certaines similitudes avec ce qui s’est produit dans les années 1990, lorsque la Réserve fédérale est intervenue dans le fiasco des institutions d’épargne et de crédit (savings and loan) en 1990, puis a augmenté les taux sans prévenir en 1994. Lorsque l’inflation ne s’est pas matérialisée, la Fed s’est de nouveau assouplie et les marchés ont adopté une trajectoire ascendante. Ce marché haussier a duré jusqu’en 2000, année où la Fed a de nouveau commencé à augmenter ses taux, menant à l’éclatement de la bulle technologique.
« Je ne prédis pas qu’il va se produire ce que le marché a fait pendant la deuxième moitié des années 1990, mais il y a quand même certains parallèles, à commencer par cette récession bancaire en 2008, une crise qui a été bien pire puisque les banques étaient surendettées comme en 1990, dit Jurrien Timmer. Nous en sommes actuellement au début d’un cycle des taux, tout comme en 1994. »
Si la Fed commence à augmenter les taux d’intérêt, cet été ou à l’automne prochain, Jurrien Timmer pense que les hausses seront probablement modestes et progressives. « Il se peut que tout cela se termine à un niveau plus bas que les cycles précédents. La Fed peut faire passer les taux de 0 % à 2 %, puis attendre. Si c’est le cas, il est probable que la courbe des rendements ne s’inversera pas beaucoup, voire pas du tout. En 1994, par exemple, la courbe des rendements ne s’est jamais inversée, et nous n’avons pas connu une grosse récession », dit Jurrien Timmer.
« Si la Fed s’engage dans la même voie, que le cycle se déroule de la même manière et que nous ne traversons pas une récession dictée par des augmentations de taux brutales, on peut penser que l’on sera dans la même situation. Plusieurs années pourraient encore se passer avant que le cycle arrive à son terme. »
Pour soutenir ses commentaires, Jurrien Timmer note que les évaluations sont à leur juste valeur, à 17 fois les bénéfices prévisionnels. « Historiquement, le ratio cours/bénéfices a été d’environ 14,8. Mais la plupart du temps, le marché se négocie entre 10 et 20 fois ses bénéfices prévisionnels, avec une corrélation inverse au taux de l’inflation, dit Jurrien Timmer. Si l’on prend la règle de 20 comme norme et que l’on en soustrait le taux d’inflation de 2 %, cela donne un ratio de 18. Ce n’est pas donné, mais personne ne va crier sur les toits que le marché est surévalué. Nous nous trouvons toujours dans cette bande de 10 à 20 dont le marché est coutumier. »
Pour l’avenir, JurrienTimmer prédit que le marché connaîtra une volatilité intense quand il réagira à une hausse des taux que l’on attend depuis longtemps. Mais il pense aussi que, avec une croissance des bénéfices de 7 % et 2 % de dividendes, les rendements en 2015 devraient être autour de 9 ou 10 %. « Les évaluations peuvent se contracter à cause de la volatilité, ce qui est une inconnue. Mais pour les actions, il faut s’attendre à des rendements situés vers le haut de la fourchette à un chiffre. »