Bien que le fonds baissier ait procuré un rendement annualisé de plus de 200 % depuis que le pétrole a entamé sa chute estivale, «la majorité des investissements vont dans le FNB haussier», dit Mark Noble, directeur des stratégies de vente chez Horizons, à Toronto.
Redressement en vue ?
Le pétrole semble mûr pour un redressement, pense Frédérick Bouchard, directeur associé chez Planica Cabinet de services financiers, à Québec.
«La majorité des économistes avec qui nous avons des échanges considèrent qu’à 50 $ US, le baril a atteint un plancher, dit Frédérick Bouchard. Ils pensent que d’ici 12 à 18 mois, on reviendra à un point d’équilibre, qui est de 80 $ US.»
Les FNB de Horizons, surtout en raison de leur effet de levier intégré, ne sont certainement pas au goût de l’épargnant moyen, juge-t-il.
Actuellement, Frédérick Bouchard préfère d’ailleurs se tenir loin des FNB à gestion passive et privilégie plutôt les fonds communs. Ceux-ci font une sélection active de titres susceptibles d’avoir les réserves pour survivre à un prix du baril déprimé, tout en offrant une bonne appréciation de capital.
Parmi les fonds d’actions canadiennes qui contiennent plusieurs titres pétroliers, il mentionne le Fonds de revenu d’actions canadiennes RBC et Catégorie de société petite capitalisation can-am CI.
Il préfère aussi des fonds qui misent sur le secteur énergétique en général, comme la Catégorie d’énergie stratégique Dynamique.
«Cependant, nous sommes réticents à l’idée d’investir dans un portefeuille consacré à 100 % au pétrole. Nous trouvons qu’il y a d’autres belles occasions dans le marché», explique le directeur associé de Planica.
À la mi-janvier, le Mouvement Desjardins et Moody’s misaient sur une reprise en 2015, Desjardins voyant le baril clôturer l’année à 75 $ US le baril, et Moody’s, à 80 $ US.
Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié le 15 janvier a renforcé la théorie d’un redressement des cours.
L’AIE reconnaissait que les prix pouvaient encore baisser avant de remonter, mais elle décelait déjà des signes de ralentissement de la production causés par la baisse des prix dans des régions autres que celles des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), notamment aux États-Unis et au Canada.
Ce ralentissement contribuerait à réduire l’offre de pétrole et à rehausser les prix.
Décimer la concurrence
Cependant, les analystes qui souscrivent à une reprise possible des prix du pétrole jugent que les marchés obéissent actuellement à une logique de marché, où l’offre et la demande cherchent à retrouver leur point d’équilibre.
Cependant, on peut se demander si le marché du pétrole n’est pas plutôt aux prises avec une logique de guerre de prix. Cette guerre est engagée par l’OPEP, et tout particulièrement par l’Arabie Saoudite, qui refusent de jouer leur rôle traditionnel de gendarme et d’abaisser leur production pour engendrer une remontée des prix.
Une question persiste : la décision de l’OPEP vise-t-elle à éliminer les producteurs concurrents à plus haut coût de revient, notamment les producteurs américains de pétrole de schiste ?
Deux adversaires s’affrontent-ils en secret : d’une part, les États-Unis, devenus le plus important acteur mondial grâce à une production de 12,3 millions de barils par jour (MBJ) en 2013, et d’autre part, l’Arabie Saoudite, deuxième producteur mondial, avec une production de 11,6 MBJ ?
C’est ce que plusieurs croient. En s’appuyant sur un coût de production qui se situe entre 5 et 15 $ US du baril, l’Arabie Saoudite veut tuer la production de pétrole de schiste aux États-Unis, affirme Jean-René Adam, cochef des placements et vice-président, marchés nord-américains, chez Hexavest.
Si une guerre des prix fait rage, il est certain que la stabilité ne sera pas atteinte simplement par un rééquilibrage entre l’offre et la demande. L’OPEP gardera le robinet ouvert tant que la production de pétrole de schiste ne sera pas décimée. Ce jeu peut durer longtemps, explique la firme d’analyse londonienne Wood Mackenzie.
De plus, rien ne garantit que, même s’ils produisent à perte, les producteurs aux coûts plus élevés, notamment du côté des États-Unis, fermeront les valves.
«Les exploitants pourraient préférer continuer de produire à perte plutôt que de cesser leur production», soutient Robert Plummer, analyste chez Wood Mackenzie.
C’est dire qu’une guerre des prix pourrait pousser le prix du baril encore plus bas, et pour longtemps.
Chacun sa théorie
Évidemment, cela ne vaut que s’il y a une guerre des prix. Ce n’est pas le cas, juge Mathieu D’Anjou, économiste principal au Mouvement Desjardins.
«Avant on accusait l’Arabie Saoudite de jouer le jeu du cartel, maintenant on la blâme de ne pas le jouer. Mon interprétation, c’est que les Saoudiens disent qu’ils ne veulent plus servir de police d’assurance pour tout le monde», précise-t-il.
«Chacun a sa théorie», souligne Howard Atkinson, président de Horizons.
Ceux qui perçoivent une guerre des prix se tiennent loin du pétrole ou le vendent à découvert. Ceux qui jugent que les forces naturelles du marché prévaudront voient une occasion de miser sur une remontée qui pourrait s’avérer fort profitable.